Sarkozy avait promis « un choc de confiance », quel choc ! L’hyperprésident bat tous les records de méfiance de ses prédécesseurs. Plus de six Français sur dix ne lui font pas confiance. Et François Fillon qui, jusque-là, profitait de la chute de son président, a cru bon de se mettre en avant, voire de tenter de faire du zèle. Il chute à son tour !
L’impopularité de Sarkozy n’a rien d’étonnante. Seuls le patronat et les plus riches peuvent être satisfaits des réformes antisociales mises en branle depuis douze mois. L’ensemble des travailleurs et de la population est loin d’être à la fête, et pour cause ! Chaque jour, une nouvelle réforme contre les acquis sociaux et démocratiques est annoncée : contrat de travail, services publics, Éducation nationale, santé, droits des chômeurs, retraites, État pénal renforcé, lois anti-immigrés… Pour pouvoir multiplier ses cadeaux aux classes possédantes, Sarkozy prend directement dans la poche des travailleurs, de la population, des plus pauvres même. Ce sont les franchises médicales, la diminution des remboursements, la diminution des allocations familiales, l’augmentation du nombre d’annuités pour toucher une retraite complète… C’est aussi la hausse des prix du gaz, de l’essence, des produits alimentaires. Et, avec arrogance et cynisme, interrogé sur les salaires, Sarkozy répond : « On ne travaille pas assez en France. »
Pour le candidat du pouvoir d’achat, celui qui prétend dénoncer « un capitalisme qui marche sur sa tête », la démagogie, le mensonge, l’imposture ne trompent plus personne. Celui qui prétendait tout changer, résoudre les problèmes des Français, faire ce que personne n’avait su faire avant lui, assumer ses responsabilités et respecter ses engagements apparaît pour ce qu’il est : un arriviste obsédé par sa seule soif de pouvoir au service des riches, des grands patrons et des gros actionnaires.
Tout ce petit monde de privilégiés croyait pouvoir se vanter que la société française était gagnée au libéralisme ou à « l’idéologie de droite », et il prétendait, comme Fillon, que les Français reprochaient au gouvernement de ne pas aller assez vite dans ses réformes. Ils devraient se rendre à l’évidence. C’est bien leur politique qui est rejetée, leur cynisme qui révolte, leur arrogance qui exaspère. Mais Sarkozy et Fillon sont sourds. Ils s’enferment dans leur mépris, prétendent justifier l’injustifiable, les mensonges les plus grossiers. Ils s’enferrent dans leur obstination à vouloir imposer une politique de plus en plus ouvertement rejetée par l’opinion, par des grèves et des résistances aussi : la jeunesse scolarisée, les cheminots, les enseignants, le secteur de la santé, les salariés du privé pour leurs salaires ou contre les licenciements… Face à la courageuse mobilisation des travailleurs sans papiers pour être régularisés afin de pouvoir vivre dignement, face à cette lutte qui force le respect et oblige leurs propres patrons à dire ouvertement qu’il faut régulariser leur situation, que bien des entreprises ne peuvent fonctionner sans eux, le gouvernement tergiverse. Il refuse de se désavouer, espère retourner l’opinion, voudrait laisser le mouvement s’essouffler… Il joue avec la vie des sans-papiers avec le même cynisme qu’il a pour l’ensemble des travailleurs.
Cela ne peut pas durer. L’espoir, la confiance, sont en train de changer de camp. De plus en plus nombreux sont ceux qui se posent la question des moyens de faire reculer le gouvernement, d’exercer la pression de la base pour que les directions des confédérations syndicales sortent de la routine des fausses négociations où les dés sont pipés. Ce besoin de rompre avec l’acceptation, de rendre les coups, de reprendre l’offensive, nous le rencontrons dans nos discussions sur la nécessité de nous regrouper en un nouveau parti anticapitaliste, pour être en mesure de mener la bataille contre la politique des classes dominantes, dont Sarkozy est le larbin zélé. L’écho, la sympathie que rencontrent nos propositions attestent de ce changement au sein des classes populaires. Les conditions d’une convergence des mobilisations mûrissent.
Mardi 6 mai, deux jours après la fin des vacances sur les académies de Paris et Bordeaux, la jeunesse des lycées est, de nouveau, descendue dans la rue. Si Darcos croyait que les vacances viendraient à bout du mouvement engagé contre les suppressions de postes dans l’Éducation nationale, lui aussi devra se rendre à l’évidence. Malgré l’approche des examens, la jeunesse n’a pas abdiqué. Elle n’est pas isolée. Parents, enseignants sont avec elle. Le 15 mai, les lycéens, les syndicats d’enseignants, en particulier du primaire, les fédérations syndicales de la fonction publique appellent à la grève contre les suppressions massives d’emplois, la remise en cause du service public. Cette journée s’annonce comme un succès. Ce ne sont pas les intimidations du ministre de l’Éducation nationale, Xavier Darcos, voulant imposer le service minimum, qui impressionneront les enseignants. Le 15 mai peut être un encouragement pour l’ensemble des salariés, aider à la fédération des luttes dans un grand mouvement d’ensemble, afin de faire reculer ce gouvernement. Nous aurons, n’en doutons pas, un joli mois de mai !
Joséphine Simplon, Yvan Lemaitre (Premier plan)
Premier anniversaire
Etrange, tout de même, comme nos news se font discrets sur le premier anniversaire de la présidence Sarkozy. Le Nouvel Obs titre sur Lévi Strauss, l’Express sur Mai 68 (on ne peut le lui reprocher !) et Le Point nous sert l’habituelle soupe libérale sur la prétendue dette que la génération des babyboomers aurait léguée aux suivantes. Seul Marianne ose un très roboratif « Putain, 4 ans… »
La gêne est éloquente. Y compris du côté de cette gauche qui, se voulant moderne, espérait manifestement que l’élu du 6 mai parviendrait à imposer au pays cette purge néolibérale dont elle aurait alors fait la justification de sa mutation en un centre gauche à la Prodi ou à la Veltroni. « Toute l’énergie de Nicolas Sarkozy, qui était mise au service d’une philosophie du volontarisme et d’un refus de la fatalité, se voit bloquée », note ainsi, avec regret, Jean Daniel dans Le Nouvel Observateur… avant d’oser ajouter : « Pour la première fois depuis longtemps, les syndicats se sentent responsabilisés. » À ceci près que l’entreprise sarkozyenne est, en réalité, venue se heurter à une résistance sociale que les élites croyaient durablement anesthésiée. Évidemment, on ne peut attendre de la gauche boboïsée qu’elle s’en félicite.
Dans ces circonstances, lorsque l’on adhère aux fondements de la politique gouvernementale, il n’est guère possible d’enrober son propos dans quelques considérations généreuses. Comme à l’accoutumée, Le Point a donc au moins le mérite d’exprimer la réalité de la philosophie réactionnaire du moment. D’abord, sous la plume de son éditorialiste, Claude Imbert : « L’impopularité actuelle peut servir Sarkozy : s’il renonce à des compromis de plus en plus inutiles, elle le grandira. Son principal mérite, impalpable mais puissant, reste d’avoir inspiré à l’opinion, de droite comme de gauche, l’urgente nécessité et comme l’idéologie même de la réforme. En France, une sorte de révolution ! » Puis, sous celle de son directeur, Franz-Olivier Giesbert, lequel convoque ce théoricien du cynisme en politique que fut Winston Churchill : « Être capable de dire à l’avance ce qui va se passer demain, la semaine prochaine, le mois prochain, l’année prochaine. Et être capable, après, d’expliquer pourquoi rien de tout cela ne s’est produit. » Voilà qui est clair.
Christian Picquet (La gazette des gazettes)
GAUCHE PLURIELLE. La dernière réunion prévue en mars ayant été annulée pour cause de tensions liées aux municipales, l’ex-gauche plurielle, PS, PCF, Verts, MRC et PRG, s’est réunie, le mardi 6 mai, pour discuter de la crise financière et de la réforme des institutions. Sarkozy tremble…