Vous le savez sans doute, le CNPJDPI regroupe la trentaine d’associations, syndicats et partis appelants au meeting de ce soir, mais aussi beaucoup d’autres qui travaillent avec nous de manière plus ponctuelle.
Nous nous sommes constitués voilà maintenant 5 ans, au début de la seconde Intifada pour être plus précis , sur l’objectif - comme notre nom l’indique - que la justice et le droit soient au fondement d’une solution politique au conflit qui oppose les deux peuple présents sur la terre de Palestine.
Crois que, si un collectif aussi large a su triompher de toutes les épreuves et poursuivre son action depuis novembre 2000 - ce qui ne s’était encore jamais vu sur la question des droits du peuple palestinien - c’est que notre démarche de rassemblement se base sur une conviction aussi profonde que commune : IL Y A URGENCE
URGENCE à obtenir l’évacuation totale des territoires occupés par Israël en 1967.
URGENCE à permettre qu’un Etat palestinien souverain voit enfin le jour sur la totalité de la Cisjordanie et de Gaza, avec Jérusalem-Est pour capitale.
URGENCE à ce que soient libérés les prisonniers politiques palestiniens détenus le plus souvent au mépris de la Convention de Genève ; et je voudrais, à ce propos, saluer tout particulièrement, ce soir, celui qui en est devenu l’une des principales figures : le député Marwan BARGHOUTI, secrétaire général du Fatah en Cisjordanie.
URGENCE aussi à ce que soit trouvée une solution de justice à la tragédie que vivent les millions de réfugiés aujourd’hui dispersés à travers 59 camps.
URGENCE, pour tout dire, parce que le déni justice dont est victime le peuple palestinien engendre le désespoir, nourrit la violence, approfondit le fossé qui sépare Palestiniens et Israéliens, condamnant toute la région à des tragédies toujours plus grandes.
Les événements des derniers mois n’ont, hélas, en rien changé notre conviction et notre détermination.
Si les colons de Gaza ont été évacués en août dernier, et si Ariel SHARON se présente aujourd’hui à l’opinion internationale en « modéré » - il vient même... vous l’avez vu... de quitter le Likoud pour fonder son propre parti, où l’on dit qu’il pourrait retrouver Shimon Pérès - la colonisation ne s’est pas un seul instant arrêtée en Palestine.
Vous connaissez les faits :
– 12 000 nouveaux colons aujourd’hui installés en Cisjordanie ;
– plus de 255 kms du Mur - dont le gouvernement israélien a entrepris la construction depuis 2002 - déjà en place et la Cisjordanie, de ce fait, découpée en 11 enclaves séparées les unes des autres par des colonies et des routes de contournement ;
– à Jérusalem, des centaines de maisons palestiniennes détruites, la capitale historique des Palestiniens se trouvant coupée du reste de la Cisjordanie.
– Pour aboutir, lorsque ce Mur (qui n’est pas seulement de séparation mais d’annexion) sera terminé,
* à 50% de la Cisjordanie accaparés par l’autorité israélienne
* à 400 000 Palestiniens qui se retrouveront du côté israélien du Mur, sans permis de résidence, nouvelle génération d’exilés, de « citoyens de nulle part ».
– quant à Gaza, qui ne représente que 6% des territoires occupés en 1967, elle ne sera plus alors qu’une enclave, inexorablement séparée du reste de la Palestine.
Au total - et c’est bien le but de cette sinistre opération - on aura mis « dans le formol le processus politique avec les Palestiniens » - pour reprendre les propos cyniques de Dov WEISGLASS, le principal conseiller d’Ariel SHARON.
Autrement dit : on aura tué l’Etat palestinien avant même qu’il ait vu le jour.
Nous ne nous sommes donc pas trompés de combat en engageant, voilà trois ans, avec le mouvement international de solidarité, avec les ONG palestiniennes, avec les forces de paix, les forces anticolonialistes en Israël, avec la Plate-forme des ONG françaises pour la Palestine, une grande campagne pour que la construction du Mur soit arrêtée, et pour que les parties qui en ont déjà été érigées soient purement et simplement détruites.
Aujourd’hui, la question du Mur est le défi premier que doivent relever celles et ceux qui sont attachés au droit des peuples à pouvoir déterminer librement leur destin.
La question du Mur est celle qui concentre tous les enjeux d’une solution politique juste et durable au Proche-Orient.
La campagne à laquelle nous participons a déjà obtenu quelques succès.
– L’arrêt de la Cour Internationale de Justice de la Haye est l’un d’eux.
– Cet arrêt a condamné la construction du Mur, il a déclaré irrecevable les arguments invoqués par l’autorité israélienne, il a enjoint cette dernière à respecter le droit international et il a demandé à la communauté internationale de faire respecter cette injonction.
– Il a été suivi du vote de l’assemblée générale des Nations unies approuvant la décision de la C-I-J.
Bien sûr, nous ne sommes pas naïfs.
Cette décision de la plus haute instance judiciaire des nations unies ne pouvait, à elle seule, changer la donne.
Dans le « nouvel ordre mondial » qui a les faveurs de la plus grande puissance de la planète et de son actuel chef de file - je veux nommer George W. Bush :
– la force brute est devenue le premier moyen de régulation des relations internationale ;
– la « guerre sans limites » est mise au service d’entreprises de conquêtes et d’appropriation des ressources naturelles les plus essentielles / ne le voit-on pas en Irak ???/
– un « mur » / moins visible que celui qui s’érige en Palestine mais tout aussi impitoyable / un mur d’argent et de puissance / crée désormais les conditions d’un nouvel apartheid reléguant dans l’exclusion une bonne partie des populations de notre planète.
La communauté internationale se fait aujourd’hui, pour l’essentiel, la complice de cette situation.
Même lorsqu’ils protestent pour la forme, les Etats et les gouvernements finissent toujours par s’incliner.
Il n’est, pour s’en convaincre, que d’observer notre propre gouvernement. Il dit être opposé à la construction du Mur. Il dit être attaché à la création d’un Etat palestinien viable et souverain. Mais il n’exerce aucune pression digne de ce nom sur les dirigeants d’Israël, afin qu’ils mettent un terme à leur politique de conquête et d’annexion. Pire, ils sont allés, en juillet dernier, jusqu’à sceller solennellement leur réconciliation avec Ariel SHARON, sans que l’on entende de leur part la moindre exigence quant au respect des droits du peuple palestinien.
Alors, je vous le disais, nous ne sommes pas naïfs.
Nous savons bien que les choses ne changeront que si les citoyens, l’opinion démocratique internationale, sont capables de modifier le rapport des forces, aux côtés des Palestiniens et des forces qui, en Israël, s’opposent à la colonisation.
Mais nous savons aussi que, dans la tragique solitude qui est la sienne, le peuple palestinien ne peut négliger aucun point d’appui, aucun acte international qui lui permette de desserrer l’étau dans lequel on tente de l’emprisonner.
A nous donc, pour l’aider, de nous saisir de la première victoire que représentent cet arrêt de la C-I-J et le vote de l’assemblée générale des Nations unies, pour ouvrir une brèche au sein du nouveau « Mur de la honte ».
A nous d’interpeller nos gouvernants et ceux de toute l’Union européenne, afin qu’ils agissent en faveur du respect du droit et des droits de l’Homme par l’autorité israélienne. En d’autres termes, pour qu’ils se prononcent - clairement et sans faux-semblants - en faveur de l’application par Israël des résolutions des Nations unies, de TOUTES les résolutions des Nations unies, et des engagements contractés dans ce cadre par la communauté internationale.
Au cœur de cette bataille que nous avons entreprise, il y a l’exigence de sanctions tant que les gouvernants d’Israël bafoueront les droits du peuple palestinien.
Ces sanctions, elles ne sont pas bien difficiles à déterminer.
– En 2002, le Parlement européen a voté en faveur de la suspension de l’accord d’association qui lien Israël à l’Union européenne.
Cette décision n’a jamais été suivie d’effets.
Serait-elle donc impossible à mettre en œuvre ???
Chacun sait que non !!!!
Nous sommes seulement en présence d’un problème de volonté politique...
D’ailleurs, il se trouve que l’on parle à présent de telles sanctions (c’était même le sujet de l’éditorial d’un des grands quotidiens français) sur le point 2 de l’accord d’association avec la Tunisie.
Il a fallu longtemps pour que l’on se décide à évoquer les pratiques d’un des plus sinistres régimes du monde arabe. Mais enfin... on en parle...
Alors, pourquoi ce qui serait possible à propos de la Tunisie ne le serait-il pas s’agissant du gouvernement israélien ?
– De la même façon, il faut que cesse une coopération militaire qui renforce l’état de guerre permanent dont est victime la population des territoires occupés et qui se rend complice des incursions meurtrières de l’armée israélienne dans les villes de Cisjordanie ou de Gaza
– Et il s’impose tout autant de sanctionner les entreprises qui aident à la colonisation.
Je veux, sur ce point, tout particulièrement évoquer le contrat qu’ont signé deux compagnies françaises / ALSTOM et CONNEX (cette dernière firme ayant eu plusieurs fois l’occasion de défrayer la chronique sociale française ces dernières semaines) / pour la construction d’un réseau de tramway dont le tracé est censé passer par Jérusalem et rejoindre les colonies.
L’arrêt de la Cour internationale de justice est pourtant très clair : il fait obligation à tous les Etats signataires de la Convention de Genève d’en imposer l’application par le gouvernement israélien. Il fait également obligation aux Etats de ne pas reconnaître les faits accomplis de la construction du Mur et de ne prêter assistance ni à cette entreprise, ni à la consolidation de la colonisation.
Au regard de ces obligations, cette liaison tramway s’avère illégale. ALSTOM ET CONNEX se rendent coupables de prêter assistance à une entreprise illégale.
Il appartient donc au gouvernement français d’assumer ses responsabilités.
Ses représentants ayant, comme ceux de toute l’Union européenne, approuvé la résolution de l’assemblée générale des Nations unies qui fait sienne la décision de la Cour internationale de justice, il doit intervenir pour stopper une initiative qui, pour s’avérer sans doute prometteuse sur le plan financier, constituerait un forfait supplémentaire commis contre le peuple palestinien.
Nous le disons avec solennité ce soir : nous allons, dans les prochains jours, tout mettre en œuvre pour que les deux firmes concernées abandonnent leur triste projet et que, si elles s’obstinaient, l’Etat français mette en œuvre tous les moyens à sa disposition pour les y contraindre.
Car c’est aussi à nous, citoyens et militants engagés pour la paix et la justice, de nous mobiliser et de bloquer un projet scandaleux.
C’est sur toutes ces questions que nous voulons faire le point ce soir.
– Pour évoquer d’abord l’état de la bataille juridique qui se mène à l’échelle internationale avec Monique CHEMILLIER-GENDREAU.
– Pour entendre le témoignage du combat qui se livre sur le terrain contre la construction du Mur. Nos amis / israéliens et palestiniens / de Bil’In ont beaucoup de choses à nous dire et à nous apprendre, tant il est vrai que leur résistance n’est pas des plus connues ici alors qu’il faut bien du courage pour ne jamais renoncer à combattre à mains nues la puissance d’une force armée déterminée à vous briser.
– Pour recevoir Pierre Vidal-Naquet qui, pour toutes et tous, symbolise le refus de se résigner à l’injustice de l’ordre du monde.
– Et, bien sûr, pour avoir le plaisir d’analyser / encore une fois / la dernière puisqu’elle est appelée à quitter ses fonctions dans quelques jours / avec notre amie Leila SHAHID, les enjeux de la situation en Palestine.
Pour terminer, je voudrais simplement dire que notre manifestation de ce soir n’est pas un acte de témoignage.
C’est un simple moment d’une bataille dont nous savons qu’elle sera de longue haleine.
Une bataille qui passe - entre autres - par l’organisation de la signature de la pétition qui est à votre disposition dans cette salle / qui rappelle les objectifs que je viens d’évoquer /qui a déjà été signée par près de 300 000 personnes / et dont nous voudrions qu’elle regroupe prochainement les noms d’au moins un million de nos concitoyens.
Une bataille qui s’est aussi fixée comme premier objectif l’organisation d’un débat à l’Assemblée nationale/ comme l’engagempent en a été pris devant nous par son président, jean-Louis DEBRE.
Une bataille qui ne cessera que lorsqu’aura été remplie notre « feuille de route » à nous, celle que nous avons résumée par ce slogan mille fois repris dans nos manifestations : « Pas de peuple entre des murs. Pas de murs entre les peuples ».