Le congrès se tenait alors que la vie politique est dominée par les scandales. Quelques mois après son élection, le gouvernement de Kostas Caramanlis (Nouvelle démocratie, droite) connaît une chute dans les sondages, parallèlement d’ailleurs au Parti socialiste grec (Pasok). Ce dernier est tout autant atteint par les scandales, comme celui concernant Siemens, affaire de pots-de-vin à l’occasion des Jeux olympiques de 2004, au moment où le Pasok cédait le pouvoir à la droite. Mais le fond de la crise renvoie à l’offensive libérale menée par la gauche et, aujourd’hui, par la droite. La grève générale du 13 février a été aussi réussie que celle du 12 décembre pour la défense des retraites. La force du mouvement est telle, et le mécontentement si profond, que le gouvernement n’ose pas détailler son projet qui, entre autres attaques, devrait rallonger de cinq ans, pour les femmes, le nombre d’années de travail nécessaires au droit à la retraite pleine.
Ce mécontentement se traduit par une forte hausse, dans les sondages, de Syriza, l’alliance électorale dont Synaspismos est la force dominante. Syriza dépasserait les 10 %, alors qu’elle avait réalisé, aux élections de septembre, 5,4 % des voix, obtenant quatorze députés. Le Parti communiste grec (KKE) profite aussi du mécontentement mais, pour la première fois, Syriza le dépasse.
Ce succès s’explique par le choix de Synaspismos, lors de son précédent congrès de 2004, de mettre en avant son indépendance vis-à-vis du Pasok. Alekos Alavanos, président du parti jusqu’à ce congrès, a souligné cette orientation, refusant toute participation à un gouvernement avec le Pasok, pour affirmer la nécessité d’un gouvernement alternatif de gauche, sans le Pasok, répondant aux besoins d’une nouvelle période qui s’ouvre pour la Grèce, liquidant « le système bipartiste » pour la démocratie, le progrès... dans le cadre d’une Europe de progrès... Synaspismos a su se donner une image moderne face au KKE. La résolution majoritaire au congrès dénonce « le refus dogmatique cultivé par la direction du KKE de coopération et d’action commune de la gauche, son obstination à élever des murs de séparation dans les luttes et au sein des structures sociales, ainsi que ses attaques contre le Synaspismos visant à le présenter comme une extension du bipartisme aboutissent à des impasses politiques ». Le KKE garde une solide implantation dans la classe ouvrière, alors que Synaspismos apparaît davantage comme « un mouvement » s’appuyant sur ses élus locaux – il se présente comme le troisième parti grec du point de vue des élus dans les municipalités.
Lever des ambiguïtés
Le KKE affiche une attitude de dénonciation absolue du Pasok et de ses alliés, dans lequel il range Synaspismos, mais il se trouve sans perspective. Synaspismos semble apparaître à une fraction des classes populaires, et aussi de la petite-bourgeoise, comme une réponse possible à la crise. La désignation à la tête du parti d’un jeune radical, Alexis Tsipras, se voudrait l’opération « Besancenot », un geste radical, mais elle porte aussi la marque des ambiguïtés de Synaspismos, résumées par la façon dont Tsipras est souvent qualifié : « Bobo et révolutionnaire. » Image jeune et moderne, indépendance vis-à-vis du Pasok et aussi vis-à-vis du KKE, devraient lui profiter et renforcer sa position, mais se posera la question gouvernementale et celle du programme, pour le moins flou. La résolution du congrès conclut en se fixant l’objectif de travailler à un programme concret, un programme de gouvernement dans le cadre des institutions.
L’indépendance vis-à-vis du Pasok ne signifie nullement indépendance vis-à-vis des institutions. Le « radicalisme » de Synaspismos conserve le cadre institutionnel et il vise à construire un rapport de force qui lui soit le plus favorable. Il n’évitera pas de devoir lever ces ambiguïtés. Son orientation est minée par une contradiction : maintenir le cap d’une rupture avec le Pasok signifie s’engager dans une politique de rupture avec les institutions. Ce n’est pas l’orientation qu’il défend, en cohérence avec son histoire et sa nature de parti d’élus bien plus que de parti militant.
Si son évolution reflète un déplacement à gauche d’une fraction de l’opinion populaire, sa politique ne vise pas à armer ce mécontentement d’une politique pour les luttes, pour inverser le rapport de force dans la perspective d’un changement révolutionnaire de société. Aller plus loin, accompagner, approfondir les évolutions en cours, à travers les luttes et les mobilisations, construire l’unité, ne pourra se faire sans que les anticapitalistes regroupent leurs propres forces.