En octobre dernier, Sarah Wagenknecht, qui fut la personnalité vedette de Die Linke, rompait définitivement les amarres et, suivie par neuf autres député.e.s, lançait une « Alliance » destinée à séduire l’électeur « qui s’abstient ou se laisse séduire » par les slogans xénophobes et réactionnaires de l’Allianz für Deutschland (AfD).
Il est difficile de connaître l’ampleur de cette scission, depuis longtemps annoncée, qui s’est traduite pour l’instant par le départ de quelques centaines de membres et a entraîné la disparition du groupe parlementaire de Die Linke (qui n’avait plus le nombre de députés nécessaire pour y avoir droit) et des moyens substantiels qui y sont liés. Sans doute un certain nombre de membres attendent-ils encore de voir ce qu’il va se passer, mais Il est de toute façon manifeste que le projet de Sarah Wagenknecht, inspiré par la social-démocratie danoise, recherche ses soutiens dans d’autres eaux.
Cette scission ne représente donc pas en soi un affaiblissement, et elle a même été vécue comme un une clarification.
Peu de temps après, en novembre, s’est tenu à Augsbourg le congrès de Die Linke dont l’objet était d’adopter un programme pour les élections européennes de 2024 et d’y désigner ses candidat.es.
La maîtrise organisationnelle et le savoir-faire de l’appareil de la « Maison Karl Liebknecht » ont permis de mettre en scène une atmosphère de « nouveau départ » dans laquelle, comme à l’accoutumée, la recherche de l’unanimité avant tout et d’une harmonie de façade ne laissait guère de place à la réflexion critique et aux bilans.
La direction a pu annoncer 700 adhésions ou réadhésions, tandis que le parti se prononçait très majoritairement pour un cessez-le feu immédiat à Gaza, dénonçant les exactions de l’armée israélienne. Dans le climat de consensus d’État autour du soutien à Israël, ce n’est pas rien. Cela ne fait pas l’affaire de la droite du parti, qui ne rêve que de coalitions gouvernementales avec le SPD (qui sont réalité, dans des conditions variées en Thuringe, à Berlin et à Brême).
Un succès qui positionnerait favorablement la gauche anticapitaliste du parti si, toutes sensibilités confondues, elle ne dénonçait pas avec la même virulence le soutien à israël agresseur et le soutien à l’Ukraine agressée. Comme elle prend par là-même l’exact contrepied de la droite du parti et du gouvernement, elle est manifestement persuadée de mener ainsi une juste campagne contre le réarmement, le budget des armées et les marchands d’armes. Mais en refusant au peuple, au mouvement ouvrier, à la gauche d’Ukraine la solidarité qu’ils réclament face à l’agression impérialiste russe, en leur refusant les moyens de la résistance armée et non-armée, la gauche de Die Linke ne veut pas voir qu’elle se place ici sur le même terrain que… Sarah Wagenknecht.
Pierre Vandevoorde