Pour le 100e anniversaire de la naissance de ce Daniel Guérin, un colloque avait été organisé en 2004 à l’Université de Loughborough. « Dissidences » en présente les principales contributions : « Nous proposons ici une exploration de la personnalité de Daniel Guérin. Celui-ci illustre la figure d’un militant révolutionnaire en mouvement(s). Pendant plus d’un demi-siècle, il fut engagé dans de nombreuses causes. Syndicaliste et socialiste SFIO, “pivertiste” [2] et trotskyste, antifasciste, militant de, la cause homosexuelle, anticolonialiste et antiraciste, libertaire, il fut aussi un historien reconnu de la Révolution française. Révolutionnaire en permanence, il illustre par sa vie, son parcours et ses œuvres, une figure de la radicalité sans faille en politique. Dans la synthèse du marxisme et de l’anarchisme, Guérin chercha à dépasser les antagonismes politiques et à faire évoluer les clivages au sein du mouvement révolutionnaire » [3].
Deux articles sont consacrés à la révolution française : la Terreur de 1793, l’influence de Karl Kautsky (« pape du marxisme » au début du 20e siècle) sur l’ouvrage de Guérin [4]. D’autres textes traitent de son militantisme, dans la SFIO des années 1930 et l’Union des travailleurs communistes libertaires, ainsi que son action anti-colonialiste et l’ouvrage « La peste brune » (ses reportages en Allemagne avant et après la prise du pouvoir par les nazis). Enfin, trois articles fort documentés sont consacrés aux aspects (politiques et privés) de l’homosexualité de Daniel Guérin.
Alors que la France vit une prétendue « révolution conservatrice » – où les idées de Mai 68 sont dénoncées comme la source de tous les maux par la droite lepeno-sarkozysée et la gauche gouvernementale blairisée –, l’évocation du militantisme et de la vie (publique et privée) de Daniel Guérin rappelle notamment qu’avant cette secousse salutaire le moralisme étroit de la société française a fait des dégâts jusque dans les rangs du mouvement ouvrier. Ainsi, les premières autobiographies de Daniel Guérin – inspirées de la méthodologie des « Confessions » de Jean-Jacques Rousseau – sont plus discrètes que les dernières sur les divers aspects de sa vie intime.
Le colloque de Loughborougha permis de créer une « Association des amis de Daniel Guérin », animée par sa fille, Anne [5].
Enfin – petite référence régionale -, Daniel Guérin avait publié dans le no 55/56 (automne 1971) de la « Revue neuchâteloise » (consacré à « L’anarchisme dans les Montagnes ») un texte « Gare aux nouveaux Versaillais ! » pour le centenaire de la Commune de Paris. Un numéro qui fit quelque bruit dans un canton, où les milieux intellectuels furent très influencés (c’est un euphémisme) durant un demi-siècle par le théoricien royaliste Charles Maurras. [6] La revue peut être commandée à « Dissidences ». L’adhésion à l’Association permet de la recevoir régulièrement. Une occasion à ne pas manquer !
Notes
1 site internet : www.dissidences.net
2. Jacques Kergoat, Marceau Pivert, « socialiste de gauche ». Paris, Ed. de l’Atelier, 1994 (collection « La part des hommes »)
3 résumé de L’Harmattan.
4 Daniel Guérin, La lutte de classes sous la première République (1793-1797). Paris, Gallimard, 1946 (Nouvelle édition revue et augmentée : 1968)
5 site internet : www.danielguerin.info/tiki-index.php
6 Peu avant de quitter Neuchâtel, le psychologue Jean Piaget dénonçait dans une lettre « les jeunes gens niais et prétentieux qui prétendent acclimater à l’Université de Neuchâtel les moeurs de l’Action française ». Exercice hélas parfaitement réussi, vu la carrière académique de plusieurs d’entre eux…