Alors même qu’au 1er janvier, l’euro fêtait son cinquième anniversaire, que la Slovénie adoptait la monnaie unique et que deux nouveaux pays, la Bulgarie et la Roumanie, faisaient leur entrée dans l’Union, les dirigeants de la vieille Europe sont restés très discrets sur ces événements, bien loin de leur triomphalisme passé, conscients qu’ils sont du rejet de leur Europe par les populations.
Dans une longue tribune publiée par le journal pro-patronal La Tribune, le 29 décembre dernier, la chancelière allemande Angela Merkel, qui doit assurer la présidence de l’Union européenne pendant le premier semestre 2007, ne consacre à la Constitution - dont elle est censée relancer le processus - que quelques lignes, et pour y évoquer essentiellement... le cinquantième anniversaire du Traité de Rome qui aura lieu en mars. Ce que Chirac a lui aussi fait lors de ses vœux, le 31 décembre. Sceptiques sur les chances de parvenir à imposer leur Constitution, les dirigeants européens font appel à cette époque bénie où existait encore l’illusion que l’Europe répondait à l’aspiration profonde des peuples à la paix.
Mais, Constitution ou pas, ils continuent et accentuent leur offensive de libéralisation des économies européennes. Merkel en a indiqué les grandes lignes dans la tribune citée plus haut et dont le titre est, à lui seul, un programme : « Réussir les réformes en Allemagne et en Europe ». Au programme de son gouvernement - un gouvernement de coalition de la droite et du Parti social-démocrate - sur lequel elle entend calquer l’agenda européen, il y a, entre autres, la libéralisation complète du marché de la poste, la reprise du cycle de négociations de l’OMC de Doha, le renforcement des « relations économiques transatlantiques » (avec les États-Unis), la baisse du coût indirect du travail par la réforme de l’assurance maladie et celle qui prévoit de porter à 67 ans l’âge de départ à la retraite, la baisse des impôts pour le patronat, alors que la TVA qui frappe le plus durement les plus pauvres vient d’augmenter de 3 % en Allemagne, etc.
Quant aux dirigeants des nouveaux pays intégrant l’Union européenne ou adhérant à l’euro, ils vantent, eux, la main-d’œuvre à bas prix qu’ils peuvent offrir aux trusts et aux financiers, et les facilités que leur État est d’ores et déjà prêt à leur accorder. En Bulgarie, l’impôt sur les bénéfices sera réduit à 10 %, le plus bas d’Europe, et le salaire moyen n’y dépasse pas 200 euros par mois. Pour une main-d’œuvre qualifiée, comme celle aussi de la Roumanie où les salaires sont de l’ordre de 90 euros. Le Premier ministre slovène fait, lui, l’éloge de « l’éthique du travail » de la population. De quoi faire « saliver les multinationales », comme l’indique un article de l’Humanité. Tel est le vrai visage de l’Europe capitaliste, que ses dirigeants ont désormais bien du mal à masquer.