Ecrire sur ce sujet revient à parcourir un terrain piégé et piégeant où il faut se garder du moindre faux-pas. Chaque thèse avancée, chaque fait mentionné risquent d’être aussitôt déformés et mésinterprétés par les uns, repris et utilisés à des fins éristiques par les autres. Le simple énoncé de la question sera déjà identifié à une prise de position suspecte. Une pure approche analytique qui se limiterait à répertorier les divers éléments constitutifs du problème de l’antisémitisme actuel a de fortes chances de n’être perçue qu’à travers une vision monoculaire, laissant dans la pénombre la moitié du panorama. Bien entendu la cécité volontaire, la mauvaise foi, le fanatisme sont largement à l’œuvre dans cet état de choses, mais plus j’y réfléchis, plus il me semble qu’il y va de la structure objective de [dans ?] la problématique de l’antisémitisme aujourd’hui, laquelle correspond assez bien à une bande de Moebius.
Dans l’histoire, les Juifs ont été soumis en Europe à une suite ininterrompue de vexations, de discriminations, de persécutions et de violences dont aucun autre groupe ethnique ou religieux n’a été l’objet sur une aussi longue durée. Elles ont culminé dans le génocide des Juifs entrepris à l’échelle du continent par l’Allemagne de Hitler. La moitié de la population juive européenne a alors été exterminée. Le judaïsme européen perdra de ce fait la centralité qu’il occupait dans l’histoire du judaïsme mondial depuis l’époque de l’Emancipation. De 1945 aux années 1990, l’histoire juive se déroule essentiellement au sein de trois autres pôles, les Etats-Unis, la Russie et la Palestine, avec des points de départ et des résultats très différents, dans chacun des cas, et des orientations relativement convergentes, mais désynchronisées. [1] Depuis les années 90, il s’est produit un décrochage massif des Juifs par rapport à la Russie (dont un des effets paradoxaux a été la création d’une sous-société « russe » en Israël).
Après 1945, l’antisémitisme d’Etat ou politique et ses effets sur l’existence des Juifs va quasi complètement disparaître à l’Ouest. Il subsistera, avec des intensités variables en Russie et dans ses satellites d’Europe de l’Est. La campagne « anticosmopolite » de 1948 à 1953 représente un paroxysme auquel la mort de Staline mettra un terme [2]. Les pratiques vexatoires et discriminantes à l’encontre des Juifs continueront à marquer le quotidien de la vie russe. La propagande antisioniste officielle, dont l’ampleur et la stridence sont décuplées après la guerre de 1967, bascule allègrement dans l’antisémitisme. Il en va de même, à des degrés variables, dans les « démocraties populaires », avec comme point culminant la vague de persécution des Juifs dans la Pologne de Gomulka en 1968. A partir de la glasnost gorbatchévienne, les propos antisémites désormais « sans fards » ne cherchent plus à se dissimuler, tant du côté de la droite nationaliste que des communistes néostaliniens.
A l’Ouest, la normalisation des différents aspects de la situation des Juifs dans la société se développe pleinement sur une quinzaine d’années. Vers 1960 on peut considérer le processus comme achevé. Les manifestations résiduelles d’antisémitisme ne représentent plus, pour reprendre une expression de Marcel Liebman, qu’un « phénomène microsociologique ». Cette normalisation s’est toutefois inscrite dans une immense opération de « répression » et de déplacement (au sens psychanalytique de l’usage de ces mots) de l’expérience de l’extermination des Juifs d’Europe. [3] La répression s’est manifestée comme banalisation, sous diverses formes, du judéocide (en englobant les Juifs dans la catégorie générale des « victimes du fascisme » ou en estompant le fait que sans les complicités et les soutiens trouvés au sein des appareils d’Etats et d’une partie des populations, les forces armées allemandes n’auraient pas pu le réaliser à cette échelle). Le déplacement a pris la forme d’un appui à l’entreprise sioniste de création d’un Etat juif en Palestine, à titre de « compensation » pour les souffrances vécues pendant la guerre.
Le judéocide conçu comme fondement de la légitimité de la création de l’Etat d’Israël et ensuite de son intransigeance vis-à-vis des revendications arabes est un argument né en Europe et destiné d’abord à l’Europe. Pour les sionistes, la légitimité de leur projet et de leur Etat découle d’autres sources (la conscience nationale, la Bible, les leçons de toute l’histoire, etc.), pas de l’argument du judéocide en tant quel et il faudra attendre le procès Eichmann (1961) pour qu’Israël commence à en faire usage. Il n’est donc pas faux d’avancer que les Palestiniens arabes ont été contraints à « réparer » la faute des Européens et sont devenus les victimes d’un transfert de culpabilité [4].
En Europe occidentale, les Juifs ont dans l’ensemble accepté avec soulagement ce processus de normalisation. Il a en outre coïncidé, dans les conditions économiques des trente glorieuses, à une ascension sociale rapide, marquée notamment par une déprolétarisation généralisée des familles provenant de la classe ouvrière juive d’Europe de l’Est. La génération qui avait vécu la guerre s’est accommodée du refoulement étatique et social du génocide, en acceptant de se limiter à des formes privées ou « communautaires » de transmission de cette expérience. Au sein du monde juif d’avant-guerre, le sionisme représentait une option minoritaire. Avec la naissance de l’Etat d’Israël, la situation bascule. Ce ralliement au sionisme reste cependant platonique dans la plupart des cas [5] et il cohabite harmonieusement avec les convictions et les sentiments pro-israéliens dominants dans la société.
Une vue rétrospective permet de déceler que ces deux distorsions, qui pouvaient paraître de peu de poids surtout en regard de la normalisation globale de la situation des Juifs dans la vie sociale, contenaient en elles les germes d’une future remontée et rediffusion de l’antisémitisme.
Depuis la création d’Israël, la propagande officielle, le discours du mouvement sioniste et des institutions représentatives des communautés juives ont toujours assimilé à de l’antisémitisme toute remise en cause radicale de cet Etat (que ce soit le fait de son existence, sa légitimité, les aspects religieux et ethnicistes de sa constitution). Cette assimilation allait fondamentalement de soi : pour le mouvement sioniste Israël n’était pas seulement un Etat juif, mais l’Etat de tous les Juifs. [6] Les objectifs proclamés sur les ondes par la propagande des régimes arabes (« Détruire Israël », « Jetez les Juifs à la mer ») pouvaient, si on la prenait au sérieux, inscrire le conflit israélo-arabe dans le prolongement du génocide nazi. L’accusation d’antisémitisme portée contre les ennemis ou les adversaires d’Israël a dès le début représenté une épée magique permettant de disqualifier instantanément leurs discours et souvent leurs personnes. Elle représentait aussi une arme de dissuasion très efficace : qui a envie de se faire traiter d’antisémite ? De leur côté, les antisémites qui s’exprimaient encore ouvertement ou de façon à peine voilée (par exemple, dans des hebdomadaires d’extrême-droite comme Die Nationalzeitung und Soldaten-Zeitung en Allemagne ou Rivarol en France ; ou dans une partie de la propagande soviétique des années 70) faisaient remonter toutes les tares de l’Etat d’Israël et la dangereuse malfaisance du « sionisme mondial » à leur nature juive.
La distinction rigoureuse et politiquement décisive entre Juifs, sionistes et Israéliens devait donc affronter deux adversaires aux positions antithétiques sauf sur le fait de juger que cette distinction n’avait pas lieu d’être. Mais une chose est de démonter les amalgames ordinaires des sionistes ou des antisémites, autre chose est d’adopter un discours politiquement opérant et pas seulement « politiquement correct ». Et là, la gauche critique d’Israël et du sionisme s’est heurtée à deux faits qui se sont révélés, jusqu’à présent, intraitables ou du moins qu’elle n’a pas su traiter avec efficacité. Le premier a trait à l’évolution du rapport entre une grande majorité des Juifs de la diaspora et l’Etat d’Israël. Pour un ensemble de raisons, l’identification positive à Israël, le soutien très souvent inconditionnel qu’on lui accorde sont devenus une dimension majeure du contenu de l’identité juive. La sécularisation des sociétés européennes a affecté les juifs comme les chrétiens, l’héritage culturel s’est réduit à quelques recettes de cuisine, l’ascension socioprofessionnelle s’est poursuivie sans à-coups, la participation aux activités communautaires s’est raréfiée. Pour beaucoup, si « être juif » doit représenter autre chose et plus qu’un arbre généalogique (ou les pseudo-résultats du décryptage d’un génome !), la référence à Israël occupe une place importante. Par contraste, une transformation de l’attitude des populations européennes envers le conflit israélo-palestinien est à l’œuvre depuis trente ans. De plus en plus de gens rejettent de plus en plus durement la colonisation des territoires, les violences, le mur de séparation, l’étouffement de tout espoir de solution négociée. Sur ce point, l’opinion juive est désormais déconnectée et en porte-à-faux par rapport aux tendances générales de l’opinion publique européenne. Celles-ci trouvent de plus un certain reflet (affadi) dans les attitudes ou les inflexions de ton de la classe politique et des médias. D’où le développement chez les Juifs d’attitudes réactives qui font encore plus ressortir l’écart. Au total, là se trouve sans doute le premier facteur d’une « dénormalisation », d’un décrochage mental (et parfois même, pour l’instant encore rarement, physique) des Juifs d’Europe par rapport à leur intégration dans les sociétés européennes. Les antisémites actuels se sont engouffrés dans cette brèche : ils dénoncent virulemment Israël [7] et dénoncent tout autant les déclarations et manifestations de soutien à Israël faites par des Juifs ou leurs « amis » politiques, médiatiques ou intellectuels. Le problème est que cet amalgame peut s’appuyer sur des faits, sur la réalité massive d’une « union sacrée » juive derrière Israël, surtout quand la situation s’aggrave là-bas (comme lors de l’attaque contre Gaza cet été). Par la suite, les antisémites proposent d’autres amalgames qui eux ne reposent pas sur des faits et à partir desquels ils construisent, en procédant par analogies (cet opérateur essentiel de la pensée magique), la réalité fantasmatique d’un monde entièrement contrôlé et dominé par les Juifs. Je ne suis pas convaincu que la réponse consistant à rappeler inlassablement que « Juif et Israélien sont deux choses différentes » et à mettre en évidence les noms de Juifs critiques ou antisionistes suffise à dénouer cette situation.
Il en va de même avec la question de l’antisionisme. Pour les sionistes, l’équation « antisionisme = antisémitisme » va de soi. C’est presque une tautologie : un antisioniste est quelqu’un qui refuse au seul peuple juif, parmi tous les peuples de la terre, le droit d’avoir son Etat. Refus qui ne peut donc s’expliquer que par une hostilité toute particulière envers ce peuple, hostilité communément dénommée antisémitisme. CQFD. Dans la maison d’en face, les antisémites se présentent presque toujours comme de « simples » antisionistes. C’est une carte de visite, une introduction indispensable pour être admis dans le débat public. Une partie d’entre eux s’en tiendront là toute leur vie. D’autres franchiront la passerelle et en viendront à mettre explicitement les Juifs en cause, tout en conservant l’antisionisme comme position de repli. Ces dernières années, la deuxième catégorie croît en importance relative. Ce qu’ils ont de commun, c’est l’élasticité merveilleuse des notions de « sionisme » et de « sionistes ». La première finit par désigner le système effectif de domination globale en économie, en politique et dans les relations internationales, la seconde correspond plus ou moins à tous les Juifs, sauf peut-être aux rabbins intégristes de Neturei Karta. C’est pourquoi on peut parler dans ce cas d’« antisionisme global ». Dans la gauche critique, la rigueur fait le plus souvent défaut sur ces notions. Il est plus facile de rappeler que sioniste ne veut pas dire Juif et vice-versa, que d’expliciter la signification actuelle de ce sionisme auquel on s’oppose : s’agit-il de l’existence de l’Etat d’Israël, de la colonisation des territoires occupés, du refus d’un Etat palestinien, etc. ? Certains ont cru s’en débarrasser en renonçant à ce type de référence, pour situer leur opposition à la politique d’Israël dans une configuration « asioniste » ou « postsioniste ». Malheureusement pour eux, l’agenda politique actuel en Israël a mis à l’ordre du jour des points du programme de l’aile la plus nationaliste et la plus réactionnaire du mouvement sioniste historique. Il semble prématuré de faire l’impasse sur la critique du (vrai) sionisme.
A partir de 1980, la répression de l’expérience du judéocide a connu une vaste métamorphose qui n’en a cependant pas altéré la substance. Le silence ou la discrétion ont fait place à une omniprésence commémorative. Les oligarchies libérales d’Occident, en quête d’un ciment idéologique pour leur ultime round avec l’ennemi communiste totalitaire, étaient désormais dépourvues de la ressource du culte de la terre et des morts. Elles lui substituèrent le culte de la Shoah qui s’éleva à certains moments jusqu’au rang d’une véritable religion civile. La véritable compréhension de l’histoire ne s’en porta pas mieux, pas plus que l’adoucissement des mœurs des jeunes générations. Les Juifs en ont retiré, dans l’immédiat, des bénéfices primaires [8] et des bénéfices secondaires : avoir eu des parents à Auschwitz n’était plus un fait un peu honteux comme en 1950 mais une source de prestige symbolique, presque un titre.
Vers 1980 aussi, pour des motifs d’un tout autre ordre, le négationnisme (baptisé dans un premier temps « révisionnisme ») sortit des catacombes où il rancissait depuis l’après-guerre [9]. Secte française et internationale dont le prophète le plus connu était un prof de lettres, Robert Faurisson, les négationnistes de la nouvelle cuvée possédaient trois particularités. D’abord, au lieu de rester cantonner dans la mouvance néo-nazie, ils recrutèrent leurs cadres, militants et sympathisants également dans l’ultra-gauche, ce qui dynamisa leurs interventions. Ensuite, ils niaient tout lien avec l’antisémitisme. Enfin, objets de nombreux procès ou sanctions administratives, et finalement d’une loi pénale établie spécialement pour eux, ils purent jouer à fond la carte de la persécution et de la défense de la liberté d’expression et ils trouvèrent grâce à cela une audience qu’ils n’auraient sans doute jamais rencontrée si on les avait simplement ignorés.
« Antisionisme global » et négationnisme ont pour trait commun une dissimulation de l’antisémitisme qui les sous-tend. Dissimulation qui a une fonction tactique (éviter l’opprobre ou d’éventuelles poursuites pénales) mais surtout une fonction de pédagogie politique. Il s’agit d’attirer l’attention, l’intérêt, la sympathie sur un discours malmené et banni par les puissants (les medias, les politiques, les intellectuels mainstream) en soulevant la question : qui agit cette censure dont nous pâtissons ? à quelle fin ? pour défendre quoi ? pour servir qui ? En dévoilant en fin de compte qu’il s’agit du CRIF, de la loge B’nai B’rith, de l’Alliance israélite universelle, de l’AIPAC, du Congrès juif mondial, etc., la clé est donnée qui ouvre alors à la « compréhension » de tous les ressorts de la vie politique, économique et culturelle. Une structure : le complot. Un mécanisme : le contrôle occulte. Un ensemble d’agents : les Juifs.
Politiquement, l’antisionisme global et le négationnisme ne sont que des passerelles vers une politique antisémite explicite, celle qui met au centre de son discours la lutte contre le complot juif. Une fois ce stade atteint, ils peuvent d’ailleurs s’estomper à l’arrière-plan, ce qui semble actuellement le cas.
Intellectuellement, le complotisme est une paranoïa devenue savoir [10]. Reste à comprendre pourquoi un complot juif plutôt qu’un complot chinois. Dans une série d’essais, [11] le théoricien marxiste américain Moishe Postone, auteur de Temps, travail et domination sociale, y voit une réponse (néfaste et réactionnaire bien entendu) au caractère de plus en plus abstrait des mécanismes de domination dans le cadre du « capitalisme postfordiste », où les hommes sont soumis à la contrainte de forces mystérieuses qu’ils ne peuvent pas percevoir. Alors que la plupart des formes de pensée raciste s’attachent d’abord à rejeter l’altérité concrète que l’Autre incarne, « l’antisémitisme moderne attribue aux juifs un immense pouvoir abstrait, un pouvoir universel, global et insaisissable ». Et c’est précisément l’absence de particularités distinctives repérables des Juifs qui les rend susceptibles de jouer ce rôle sur la scène du complot [12].
C’est pourquoi il faut relativiser fortement la thèse qui affirme que l’islamophobie s’est substituée à l’antisémitisme comme principale forme de racisme dans la société actuelle. Il va de soi qu’aujourd’hui les musulmans sont les principales victimes de discriminations, de mesures vexatoires et, sous certains aspects, de manifestations de racisme d’Etat. Le jeune musulman des quartiers ou des cités incarne (avec d’autres, comme le Rom) la figure de la dangerosité sociale. Mais personne ne soupçonne les Arabes ou les musulmans de contrôler par des procédés occultes, les médias, les banques et les décideurs politiques. Personne ne les accuse d’être responsables de la catastrophe bancaire de 2008, etc., etc. L’antisémitisme est différent parce qu’il mobilise un imaginaire différent et répond à une fonction sociale différente (ce qui ne veut pas dire qu’il se réduise à cette fonction).
De façon symétrique, il faut relativiser tout autant la thèse qui localise chez les musulmans le principal foyer de l’antisémitisme dans la société actuelle. Des enquêtes d’opinion en France et en Allemagne révèlent deux choses : le pourcentage de sondés qui expriment leur hostilité ou leur méfiance vis-à-vis des Juifs est plusieurs fois supérieur à la proportion de musulmans dans l’échantillon et le pourcentage des sondés de religion musulmane qui le font est supérieur à celui des autres sondés. Pour autant que l’on puisse tirer une déduction de ce genre de données, disons primo que le rayonnement actuel de l’antisémitisme dépasse nettement d’un point de vue quantitatif le cercle des musulmans et secundo qu’il existe des facteurs spécifiques qui aggravent l’antisémitisme exprimé par ceux-ci.
Cet antisémitisme spécifique complète l’interprétation de Postone. L’absence d’ascension sociale des jeunes générations issue de l’immigration, notamment de ceux qui ont fait des études, (due à la fois aux conditions économiques globales et au « plafond de verre » auquel ils se heurtent) peut les conduire à interpréter leur expérience en opposition avec celle des Juifs après la guerre et à en tirer des conclusions à caractère antisémite.
Il me reste une question à soulever, qui devrait interpeller en particulier la gauche. Après de meurtriers attentats antisémites comme la rue Copernic en 1980 et la rue des Rosiers en 1982, après la profanation du cimetière juif de Carpentras en 1990, il y a eu des dizaines de milliers de manifestants dans les rues de France (et des manifestations de solidarité en Belgique). Les tueries de Toulouse en 2012, celle du Musée juif de Bruxelles en mai dernier n’ont rien suscité de comparable. C’est l’objet d’un vrai malaise, palpable, qui peut être « expliqué » de bien des façons mais que rien ne justifie, ni sur le plan humain, ni sur le plan politique.
Humainement, parce que la vie, la sécurité et la dignité d’un citoyen juif doivent être respectées et protégées au même titre que celles de tous les autres.
Politiquement, parce que même si l’antisémitisme n’est pas la forme dominante de racisme et de xénophobie, sa recrudescence ne relève ni du simple hooliganisme de jeunes desperados, ni de l’incontinence obsessionnelle de vieillards en déroute. Il représente au contraire un des principaux vecteurs politiques des variantes « postmodernes » du populisme réactionnaire et autoritaire. Il doit donc être combattu à ce titre et en tant que tel.
Jean Vogel