PLP : Comment les Palestiniens du Liban ont-ils vécu cette période historique qui s’est concrétisée par le retrait syrien du pays ? Quelle a été leur participation au « printemps libanais » ?
Souheil Natour : Les réfugiés palestiniens du Liban ont été exclus de ces événements majeurs qui ont choqué et fait bouger profondément la société libanaise. Ils n’ont pas eu voix au chapitre et n’ont été intégrés ni directement, ni indirectement, à cette effervescence populaire. Le point de vue palestinien sur cette période de bouleversement a été également occulté ; nul n’a jugé nécessaire d’en rendre compte parmi les médias ou la classe politique. Cela reflète l’état du consensus libanais à notre égard. C’est aussi le résultat d’une politique, très ancienne, de marginalisation de l’ensemble de la communauté palestinienne acceptée par une écrasante majorité de Libanais. Cette communauté est en plein déclin. Officiellement, elle est toujours chiffrée à 400.000 personnes, mais les effectifs réels sont bien inférieurs : tout au plus 200 à 250.000. Cette chute démographique est directement liée à l’absence de débouchés économiques et sociau qui touche en particulier, et de plein fouet, les jeunes actifs. Les Palestiniens du Liban ne jouissent de l’exercice d’aucun droit humain à l’exception de celui - de facto - de résidence, faute de possibilité pour l’Etat libanais de les expulser. Déchirée par la guerre, incapable de se reconstruire, exclue du processus national de reconstruction, la société palestinienne s’est appauvrie à tous les niveaux. L’isolement physique des camps imposé par l’armée libanaise a aggravé sa marginalisation politique et militaire. N’oublions pas non plus que l’Autorité palestinienne, pendant une longue période, n’avait ni plan ni capacité de prendre en charge ou d’aider les réfugiés du Liban. Ils ont donc été longtemps livrés à eux-mêmes.
Les discussions libanaises sur leur sort sont systématiquement perverties par une atmosphère générale, viciée, qui stigmatise la présence palestinienne au Liban et véhicule des schémas de représentations négatives. Les camps sont ainsi décrits comme des lieux de trafic d’armes et de contrebandes ; ils abriteraient des cohortes d’illégaux, des étrangers sans titres de séjour etc. En même temps, le discours libanais dominant demeure hostile au désarmement de force des réfugiés palestiniens car leurs armes défendent une cause nationale mais surtout « le droit de retour » que tout le monde soutient ici, officiellement, par refus et crainte de leur implantation définitive au Liban. Autrement dit, les Palestiniens demeurent plus ou moins associés à une configuration de guerre de libération nationale, mais, en même temps, toutes les catégorisations les dépeignant comme des milices illégales servent de substrat récurrent à la politique discriminative officielle libanaise.
PLP : Les Palestiniens du Liban ont-ils perçu l’adoption de la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui exige leur désarmement, comme directement dirigée contre eux ?
S.N. : Oui, même si jusqu’à présent les autorités libanaises n’ont officiellement rien demandé aux Palestiniens. La classe politique libanaise continue, de fait, à considérer la question des réfugiés comme une carte régionale. Elle veut, dans sa grande majorité, se débarrasser de cette présence et ne veut rien entendre aux pressions américaines et israéliennes visant à imposer une implantation définitive des réfugiés au Liban. Les Palestiniens eux-mêmes refusent cette implantation et n’ont d’autre alternative que leur attachement au droit de retour. Mais dans la phase actuelle de l’Intifada, la capacité politique palestinienne - mais aussi arabe - d’imposer à Israël ce droit de retour est quasi nulle. Cette période d’attente risque de se prolonger ... car on ne voit vraiment pas qui pourrait initier le début d’une solution inspirée du droit international. En attendant, l’urgence est aujourd’hui de traiter a minima les Palestiniens du Liban de façon humanitaire, ce contre quoi les Libanais résistent jusqu’à présent.
La résolution 1559 pourrait, en définitive, provoquer la réouverture du dossier des Palestiniens du Liban. Comment, en effet, discuter de la seule question de l’armement sans aborder les autres problèmes, notamment l’absence totale de droits ? D’un autre côté, les Libanais de l’opposition qui soutiennent l’application rigoureuse de la résolution veulent satisfaire les Américains et leur donner une « nouvelle carte » dont les retombées sont aussi régionales. Il nous faut ne pas perdre de vue les visées de certaines formations politiques libanaises viscéralement anti-palestiniennes qui, depuis le déclenchement de la guerre en 1975, ont toujours eu comme principal objectif de se débarrasser physiquement de la présence palestinienne au Liban. Pour eux, la résolution de l’ONU offre un prétexte rêvé pour permettre enfin à l’armée libanaise de désarmer totalement des camps. Notre position officielle vis-à-vis des autorités libanaises est simple : la question, hautement symbolique, de l’armement palestinien peut aider le Liban à résister aux pressions internationales et aux solutions imposées qui incluent la renonciation au retour. Nous sommes donc opposés au désarmement et nous récusons absolument la qualification de « milices » (terme utilisé dans la résolution1559 pour désigner les groupes armés palestiniens) : nous sommes une résistance nationale et nos armes n’interviennent pas dans les affaires intérieures libanaises.
PLP : Demain, l’un des principaux enjeux post électoraux risque de tourner autour de la question de l’armement du Hezbollah. Comment vous situezvous politiquement et stratégiquement par rapport à cette bataille à venir ? Reliez-vous cette question à la vôtre, sachant que le Hezbollah continue à justifier le maintien de sa force armée par l’état de guerre larvée contre Israël et par les projets américains dans la région ?
S.N. : La situation est bien plus complexe. Au sein de la société libanaise et surtout de la part des organisations de résistance islamistes, certains sont effectivement tentés de récupérer la présence palestinienne armée pour prétendre que l’une et l’autre sont des résistances à l’occupation israélienne. En réalité, la force du Hezbollah ne provient pas de son efficacité aux frontières, mais de son potentiel de défense de la nation libanaise en cas de dégradation sur le terrain.
L’impasse dans laquelle se trouvent les Palestiniens est d’un tout autre ordre. Leur centre de gravité est en Cisjordanie et à Gaza, non au Liban. Le plan de retrait unilatéral de Gaza, concocté par Ariel Sharon, sans contact avec les Palestiniens, et dont application demeure incertaine, s’accompagne d’une colonisation à outrance de la Cisjordanie et de Jérusalem. Dans le meilleur des cas, nous risquons de nous retrouver avec deux bouts de territoires discontinus : dans le premier, après le retrait de Gaza, nous aurons peut-être la possibilité de construire un noyau d’Etat, mais dans l’autre, l’Intifada et la résistance contre l’occupation et la colonisation se poursuivront. Dans cette configuration, la nécessité demeure de préserver les armes, pour n’importe quel Palestinien, de l’intérieur ou de l’extérieur car la guerre n’est pas finie. Notre sort est donc lié aux territoires palestiniens occupés.
Par ailleurs, nous avons une expérience politique propre au Liban. Historiquement, nous savons que dès que la balance penche en faveur des anti-Palestiniens, tout devient possible. Les tueries et les massacres, dont celui de Sabra et Chatila, sont là pour nous le rappeler. Les l e ç o n s amères du passé nous ont appris que les garanties internationales et a fortiori libanaises de protection du peuple palestinien ne pèsent pas lourd. Pour préserver la sécurité des camps, nous avons besoin d’un accord qui puisse p r é s e r v e r l’armement palestinien, mais nous sommes disposés à une coopération c o m p l è t e avec les autorités libanaises et au respect de tous les attributs de sa souveraineté.
Politiquement, nous sommes dans une période de transition. Au Liban, nous attendons la fin des élections et la formation d’un gouvernement qui devrait adopter une nouvelle politique. En Palestine, outre le retrait de Gaza, le calendrier comprend les élections législatives et le congrès du Fatah. Au niveau régional, à Damas, les résultats du Congrès du Baas ont aussi leur importance. Le retrait syrien du Liban ne signifie pas la fin de toute politique syrienne régionale. Quelle va être la nouvelle conception de son rôle dans la région ? Ces trois pôles entrent en interaction, d’une manière ou d’une autre.
Les Américains et les Européens n’ont aucun intérêt à déclencher une guerre intestine au Liban ni à provoquer un affrontement entre l’armée libanaise, les Palestiniens et le Hezbollah. La position libanaise officielle, consensuelle, depuis le retrait israélien du Sud Liban, en 2000, consiste à de reconnaître que la principale force déployée à la frontière est celle de la résistance islamiste. Le Hezbollah a, d’ailleurs, garanti une réelle sécurité dans le Sud depuis cinq ans. Mais ce n’est pas suffisant pour les Américains et les Israéliens qui veulent une garantie additionnelle de l’armée libanaise et l’engagement de l’Etat libanais à assurer la sécurité du nord d’Israël. Le Hezbollah n’a, bien entendu, pas l’intention de donner gratuitement cette carte aux Israéliens. Les Etats-Unis vont donc poursuivre leurs pressions politiques et économiques sur le Liban et tenter de diviser le nouveau Parlement sur la question du déploiement de l’armée au sud. En fait, l’objectif est double : il s’agit d’abord d’empêcher le contact direct entre Israéliens et Hezbollah sur les territoires minuscules des fermes de Chebaa. Il s’agit ensuite, à plus long terme, de garantir l’étanchéité de la frontière dans la perspective d’une solution imposant l’implantation définitive des réfugiés au Liban et, ainsi, barrer tout accès aux réfugiés palestiniens qui seraient tentés de fuir leurs camps pour tenter de s’infiltrer en Palestine. C’est une mesure préventive avant la mise en œuvre de solutions imposées.
PLP : Depuis quelques années, dans les camps de réfugiés de Cisjordanie, mais aussi en Jordanie et même en Syrie, les associations et les comités des camps font une distinction entre le « tawtin » et le « ta’hil » c’est-à-dire entre une solution imposée d’implantation définitive dans les pays d’accueil et l’amélioration des conditions de vie matérielle et économique à l’intérieur des camps, laquelle ne présage en rien l’abandon du droit au retour. Au Liban, cette évolution est-elle envisageable ?
S.N. : Un bref rappel historique s’impose. Dès le début des pourparlers de paix de Madrid puis avec l’ouverture des négociations multilatérales sur les réfugiés, Israël a imposé, dès la première réunion, de ne pas discuter de la résolution 194 stipulant le droit de retour. Le seul champ de discussions possibles portait sur la réhabilitation des camps. Les réfugiés, en exil, ont immédiatement ressenti une grande angoisse, celle de ne jamais rentrer chez eux et d’être intégrés de force dans les pays de résidence. D’où leur réaction unanime de refuser des accords qui ne garantissaient pas leurs droits. Cette peur s’est encore accentuée avec la célèbre lettre du président Arafat publiée par le New York Times dans laquelle il envisageait la possibilité de renoncer au retour de certaines catégories de réfugiés. Puis est venue, bien plus tard, l’initiative du sommet arabe de Beyrouth par laquelle les ministres et chefs d’Etat arabes se sont prononcés pour une solution fondée sur la résolution 194, mais dans le cadre d’un accord accepté par Israël. Ce qui ouvrait, concrètement, le champ à des interprétations diverses de la dite résolution. De fil en aiguille, le droit de retour a fini par devenir le droit de réunification de quelques dizaines ou centaines de familles. Ce qui n’a rien à voir avec la 194. Nous, les Palestiniens du Liban, refusons cet abandon de nos droits. Pour autant, notre besoin d’une aide massive pour améliorer nos conditions de vie, au Liban mais aussi en Syrie, est évident. Mais c’est une autre question. L’illusion selon laquelle le maintien dans la précarité et la pauvreté est une condition nécessaire à l’aboutissement d’une solution politique est aujourd’hui révolue. La pratique et l’expérience nous ont permis d’en finir avec ces discours. En Libye, les Palestiniens bénéficiaient de bonnes conditions d’existence, de droits, nombre d’entre eux avaient même réussi à s’enrichir... Mais à la première crise politique sérieuse avec l’OLP, Tripoli les a expulsés. La seule garantie réelle pour les Palestiniens est l’octroi d’une citoyenneté, et donc le retour. Toutes les améliorations économiques, sociales, matérielles, sont nécessaires, mais elles ne suffisent pas.
Dans les camps de l’exil, mais aussi dans les territoires occupés, nous avons donc commencé à nous organiser et à créer des comités et des ONG spécialisées pour la préservation du droit au retour - comme expression du droit des réfugiés à l’autodétermination. Mais à l’extérieur de l’OLP, ce qui est un phénomène inédit dans l’histoire palestinienne. Notre crainte que les dirigeants officiels renoncent à nos droits et que l’Etat à venir soit barricadé et inaccessible est forte. Ces comités et ONG entendent aussi jouer un rôle de contrôle des futures négociations et des négociateurs palestiniens. Nous fonctionnons en réseau, animé notamment par la « Coalition pour le droit au retour » et les comités issus de la conférence de Londres. Les affiliations politiques ne sont pas exclues. J’ai, par exemple, des responsabilités au FDLP tout en étant impliqué avec le « groupe 194 ».
Le FDLP, au Liban, travaille à deux niveaux : pour la promotion d’un programme socio-économique respectueux des droits humains et, à un niveau national, pour un Etat palestinien indépendant et la préservation du droit au retour. Ces deux approches sont liées. Le droit à vivre dans la dignité, dans toutes ses composantes - individuelle, collective, sociale, économique - est la première condition pour pouvoir construire des relations normales avec la société libanaise. Sinon, à terme, le retour de bâton risque d’être terrible. Par ailleurs, notre organisation a pris l’initiative d’entamer des discussions avec les autres factions palestiniennes au Liban. Deux objectifs : réunir les rangs en vue de créer un commandement unifié dans lequel seraient représentées toutes les organisations mais aussi les indépendants, et adopter un programme commun à tous, y compris les ONG. Le principe a été accepté. Ces propositions de coordination unitaire ont été faites sous l’égide de l’OLP qui rassemble aujourd’hui toutes les composantes politiques, depuis que le Hamas et le Jihad islamique ont intégré les rangs, suite aux pourparlers du Caire. Cela est vrai aussi à l’extérieur et notamment au Liban. Ce pas en avant est important. Lorsque la phase actuelle de transition sera terminée au Liban, nous pourrons, nous Palestiniens, avec notre programme unifié, être en meilleure posture d’interlocuteur vis-à-vis de l’Etat libanais, ne serait-ce que pour assainir nos relations.
A l’intérieur, les Palestiniens ont imposé aux Israéliens des élections présidentielle et municipales et les scrutins ont été plus ou moins démocratiques malgré l’occupation. On ne voit pas pourquoi un tel processus électoral ne serait pas possible au Liban. Jusqu’à présent, l’Etat libanais s’y est toujours déclaré hostile, y voyant une violation de sa souveraineté. Pourtant, lors des dernières élections en Irak, les Irakiens de l’extérieur n’ont-ils pas pu voter ? Les Français au Liban n’ont-ils pas participé au référendum sur la Constitution européenne ? Pourquoi, les réfugiés palestiniens du Liban seraient-ils toujours exclus des scrutins se déroulant en Palestine ? Certes, nous n’avons pas encore d’Etat, mais sa construction passe par des étapes indispensables. La position du FDLP, pas encore unitaire mais elle progresse, est d’organiser des élections dans tous les camps du Liban afin de désigner les représentants de la communauté des réfugiés au Conseil national palestinien (CNP). Notre parlement doit se renouveler pour être représentatif de l’ensemble des composantes du peuple palestinien. Comme première étape de ce processus, nous avons encouragé la tenue d’élections locales pour renouveler les comités populaires dans les camps.
PLP : L’expérience innovante de démocratie participative qui s’est tenue il y a une dizaine de jours dans le camp de Chatila s’inscrit-elle dans ce processus ?
S.N. : Absolument. Le projet est né dans le Front démocratique, mais il n’est pas estampillé FDLP pour éviter de heurter les autres organisations politiques. La première tentative, il y a quatre mois, avait totalement échoué. Mais les derniers développements politiques libanais et le retrait des Syriens ont changé la donne et l’atmosphère a changé. En avril dernier, nous avons donc pris contact avec des personnalités du camp de Chatila, à la réputation incontestable, et ce sont eux qui ont lancé l’initiative. Ils ont déclenché une campagne d’explication et de mobilisation pour convaincre la population de l’importance d’élections locales et du renouvellement nécessaire de comités populaires dignes de ce nom. Le scrutin proposé s’apparentait à des élections municipales, mais sans procédures formelles. Le projet s’est emballé très vite, au delà de tout espoir, chacun voulant y participer. Des « élections » se sont donc tenues à Chatila à la mi-mai 2005. Tous ceux qui avaient 18 ans révolus pouvaient voter ou se présenter - ce qui est plus démocratique que la loi libanaise (21 ans). N’importe qui pouvait être candidat. Nous avions prévu un quota de femmes (3 sièges) pour encourager leur participation. Au départ, cette décision a suscité des troubles, beaucoup de discussions, mais au final les femmes ont massivement voté. Lors du dépouillement, plusieurs d’entre elles ont regretté, après coup, de ne pas s’être portées candidates. Mais ce n’est qu’un début... Le fait que la candidature était libre et sans aucune condition, mais surtout qu’elle concernait l’individu lambda était une autre caractéristique tout à fait nouvelle : quiconque se sentait de participer à la gestion collective du camp et de défendre quelques actions pour l’amélioration de la vie quotidienne, a pu tenter sa chance. Les organisations politiques, quant à elles, n’avaient chacune droit qu’à un seul représentant. Toutes les sensibilités politiques étaient présentes (candidats pro-syriens, pro-Arafat, anti- Abou Mazen etc.) Au total, le nouveau comité populaire compte une vingtaine de membres dont onze sièges destinés aux habitants. Les nouveaux élus ont pour mandat la gestion et l’amélioration de la vie quotidienne à Chatila (eau, électricité, égouts, affaires sociales etc.). Sur les quelque 1000 électeurs, 790 habitants ont participé au scrutin, ce qui est énorme compte tenu de l’impréparation, de la brièveté de la campagne, de l’absence de moyens et de culture politique. De fait, l’expérience fut extraordinaire. Jamais, nous n’avions connu une telle démocratie participative. Les jeunes ont joué un rôle moteur. Ces élections ont permis d’avancer sur un double volet : la revitalisation démocratique et son corollaire l’éducation civique et politique au droit fondamental de voter et d’être représenté - ce qui permet demain d’envisager des élections générales parlementaires et l’établissement d’une géographie sociale et politique des camps Jusqu’alors, les comités populaires étaient entièrement noyautés par les Syriens et leurs services et les représentants des organisations palestiniennes, étaient, en majorité, imposés.
Nous avons l’intention de poursuivre cette expérience dans tous les autres camps du Liban. Impensable il y a un an. La société palestinienne comprend également qu’elle est visée par la 1559, qu’elle doit réagir, s’organiser et coordonner ses efforts. Cette expérience est enfin la conséquence de l’interprétation du développement politique en Palestine, après la tenue des élections municipales. Il y a un peu moins d’un an, lorsque le FDLP avait lancé les prémisses du projet et tenté d’organiser le débat, le Fatah et le Hamas s’y étaient opposés. Le Fatah, comme organisation dominante, craignait de perdre sa suprématie. Le Hamas préférait, quant à lui, aboutir à un accord avec le Fatah et se partager tout le pouvoir, en écartant les organisations minoritaires. Tous deux ont sous-estimé la mobilisation et la réactivité populaires. De fait, le peuple à Chatila a pris partie en disant : « le temps est révolu où quelques personnes, parfois des Palestiniens ne vivant même pas au Liban, pouvaient accaparer tout le pouvoir, imposer les décisions, et usurper le commandement dans le camp (...) ; c’est à nous de désigner nos représentants car nous seuls connaissons les personnes corrompues et celles à qui l’on peut faire confiance, celles qui vont s’occuper réellement de nos affaires dans le camp ».
Propos recueillis par Claire Moucharafieh à Beyrouth, le 8 juin 2005.