Après les attentats du 13 novembre à Paris : Communiqué du Centre d’Information Inter-Peuples
Les attentats horribles commis à Paris et à Saint Denis le 13 novembre dernier ont à ce jour provoqué la mort de 129 personnes et en ont blessé, souvent très gravement, plus de 300 autres. C’est une tragédie effroyable et inqualifiable. Cela révèle un projet de faire le maximum de morts, de terroriser l’ensemble de la population par cette tuerie de personnes réunies dans un bar, une salle de spectacle ou aux abords d’un stade… Ces anonymes que nous ne connaissions sans doute pas, ce sont pourtant nos morts. Cet acte terroriste, bien que de nature un peu différente, s’inscrit dans la suite des attentats perpétrés cette année 2015 au siège de Charlie Hebdo, à l’Hypercasher, au Musée du Bardo à Tunis, à Beyrouth et Ankara. Cette violence procède de la même barbarie que celle des djihadistes syriens ou irakiens, de Daech ou encore de Boko Haram en Afrique, qui cherchent tous par la terreur à mettre en coupe réglée des populations entières, à réduire les femmes en esclavage et à liquider tous ceux qui ne pensent pas comme eux.
Face à ces attentats ignobles nous exprimons toute notre émotion et notre solidarité avec les victimes et leurs proches. Mais nous n’acceptons pas pour autant de nous fondre dans une prétendue unité nationale qui escamote les causes profondes d’une telle barbarie dont les puissances occidentales portent une lourde responsabilité, Union nationale qui voudrait aussi nous faire subir une surenchère sécuritaire sous prétexte que nous serions en guerre. Cette guerre n’est pas la nôtre !
Sans remonter trop loin, il faut rappeler qu’après la première guerre mondiale la France et la Grande-Bretagne se sont réparties un protectorat avec un découpage du Proche-Orient, foulant aux pieds les aspirations nationales des peuples de la région ; qu’après la seconde guerre mondiale les grandes puissances ont nié systématiquement les aspirations légitimes du peuple palestinien en ne s’opposant à aucun moment à l’expansionnisme colonial d’Israël. Et ils ont installé et soutenu de nombreux dictateurs. Ensuite, les deux guerres contre l’Irak en 1991 et 2003 ont engendré un véritable chaos dans l’ensemble du Moyen-Orient. Un chaos et un énorme ressentiment contre l’Occident ; George W. Bush affirmait alors qu’il réduirait l’Irak de Saddam Hussein à l’« âge de pierre »… La France n’a pas été en reste : ses présidents et gouvernements successifs ont déployé un interventionnisme guerrier criminel : Irak en 1991, Côte d’Ivoire, Libye, Mali, Centrafrique, Syrie aujourd’hui Et que dire du commerce des armes, commerce de plus en plus florissant : 16 milliards d’euros de profits en cette année 2015, pratiqué majoritairement au Moyen-Orient, au profit de régimes dictatoriaux, liberticides qui ont, directement et indirectement, financé et armé des réseaux djihadistes fondamentalistes, et participé ainsi à la création de ces nouveaux monstres barbares qui torturent, tuent ou soumettent en esclavage là-bas et exécutent aujourd’hui des attentats ici.
Mais comment expliquer que des jeunes de nos quartiers préfèrent parfois mourir en Syrie plutôt que de vivre ici ? Bien sûr les causes sont multiples et il est illusoire de comprendre chacune des trajectoires de ces jeunes. Mais il est impossible d’occulter l’extrême fragilisation économique, sociale et même politique des classes populaires. La paupérisation et la précarisation massives sont insoutenables dans les quartiers populaires où il n’est pas rare de dénombrer jusqu’à 50% des jeunes au chômage, sans formation, en stage ou avec de petits boulots temporaires sans perspective. Sans oublier les discriminations racistes systématiques au niveau de la recherche d’emploi, de logement ou encore dans le rapport avec la police notamment par les incessants contrôles au faciès. Une telle matrice est à l’évidence propice à l’émergence de trajectoires nihilistes qui peuvent aller jusqu’à embrasser des causes aberrantes et meurtrières.
Les temps qui viennent s’annoncent « lourds », difficiles, très inquiétants. Nous devons d’une part nous mobiliser pour nous opposer à cette politique guerrière insensée dont le caractère impérialiste est incontestable. Nous devons par ailleurs dire non à un état d’urgence au nom duquel seront étouffées nos libertés. Enfin, il nous faut combattre tous les amalgames, les réactions racistes notamment islamophobes qui risquent de se multiplier. Ce n’est pas la peur qui doit prévaloir mais la mobilisation citoyenne pour le « vivre » ensemble, les droits sociaux, un accueil digne et solidaire de tous les migrants, pour le droit d’asile de tous ceux qui fuient la guerre, mais sans opposer les migrants « politiques » et les migrants « économiques ». Oui à la liberté d’aller et venir, oui à un autre monde débarrassé du système de domination capitaliste et de ses impérialismes, destructeur de l’humanité et de la planète. Un vaste chantier auquel le CIIP compte prendre sa part avec tous/toutes les citoyen-ne-s et les organisations associatives, syndicales et politiques…
Le Conseil d’Administration du Centre d’Information Inter-Peuples, 16 novembre 2015