SUMPAY est une ONG partenaire d’Entraide et Fraternité. Elle coordonne l’ambitieux programme de promotion de l’agriculture paysanne à Mindanao, mené conjointement avec quatre autres organisations et mouvements. 1268 familles pauvres en sont les principales bénéficiaires. Il s’agit d’assurer l’alimentation de base. Mais pas seulement.
L’agriculture paysanne et familiale, explique Jun Tardo, est celle qui associe le mieux les aspects sociaux, environnementaux, culturels et économiques. Elle privilégie les cultures vivrières et la consommation locale en s’appuyant sur des modèles de production diversifiés, plus économes, consommant moins d’énergie et de produits chimiques.
Jun est le coordinateur du programme Souveraineté alimentaire développé par des organisations philippines en partenariat avec Entraide et Fraternité. Aujourd’hui, il anime une réunion entre des paysans et des autorités locales. Objectif de la réunion : un échange entre les délégués gouvernementaux et les paysans/nes à propos des questions en suspens relatives à l’application locale de la réforme agraire. Une réforme qui doit aboutir à la redistribution de milliers d’hectares.
Le responsable régional du ministère de la Réforme Agraire est là, celui de la Land Bank (banque agricole) aussi. Tout autour des tables : des paysans et des paysannes, au visage brun. Les difficultés rencontrées par les paysans/nes sont multiples : les titres de propriété ne sont pas au nom des bénéficiaires réels en droit, les documents sont en anglais (donc, incompris et illisibles), certains paysans sont harcelés et menacés par la police privée armée des grands propriétaires, le suivi juridique est long et coûteux (certaines actions durent depuis 18 ans !), deux fonctionnaires sympathisants ont été tués le mois précédent, … etc.
Face à toutes ces questions, le responsable de la Land Bank répond invariablement : tant que les titres de propriété ne sont pas attribués, il n’est pas possible d’entamer une quelconque action au sein de la Banque agricole qui octroie des crédits pour obtenir des terres. Le travail de la Banque n’est pas de désigner les bénéficiaires.
Le responsable de la réforme agraire signale qu’il est difficile de mener à bien une telle réforme sur le terrain quand les ressources sont insuffisantes. Trois personnes pour 22 000 familles, comment voulez-vous qu’on fasse du travail sérieux ?, dit-il en dialecte.
Deux femmes élèvent la voix alternativement. Visiblement, les réponses du responsable ne les satisfont pas. L’une d’entre elles n’hésite pas à interrompre le fonctionnaire plusieurs fois avec l’expression Excuse pero… (excusez mais).
Pendant la rencontre, les partenaires du programme sont occupés à transcrire les propos des uns et des autres avec application afin d’assurer un suivi de cette réunion. Jun Tardo incite les paysans/nes à s’exprimer, rappelle les points cruciaux du débat, classe les questions, tente de formuler des médiations concrètes possibles, répète les bonnes intentions de l’agent de la réforme agraire et demande qu’on en prenne bonne note dans le procès-verbal de la réunion. L’animateur parvient à insuffler une atmosphère sereine et sans agressivité. Doucement mais fermement, il fait prendre conscience aux paysans qu’ils peuvent se mobiliser et faire pression sur le gouvernement philippin pour qu’il remplisse ses obligations et fasse appliquer la réforme agraire.
SUMPAY fait en sorte que l’agriculture paysanne devienne une priorité pour les organisations des trois communautés de la région. Et Jun conclut en nous disant : Oui, d’immenses progrès sont possibles.