« Nous nous sommes rencontrés sur Facebook »
Commerçant à Sousse, Mehdi Saïd, 29 ans, s’est lancé dans cette aventure de dissidence face un « gouvernement qui a prouvé à plusieurs reprises qu’il n’honore pas ses promesses », soutient-il. C’est à travers Facebook qu’il a fait la connaissance de deux personnes de la même ville que lui, Hela Kraiem (28 ans) et Ibtissam Jomaa (45 ans), d’Assim Ghabri, 23 ans, de Sidi Bouzid, et de sept autres qui préfèrent garder l’anonymat (de Grombalia, Bni Khaled, Hamamet, Sfax et trois de Tunis).
Déçus de la Troïka autant que des partis d’opposition, le groupe Tamarod (en arabe : rebellion) ne semble avoir aucune autre solution que de « s’insurger contre l’autorité établie ». Lors des élections des élus du peuple le 23 octobre, M. Said a voté pour le parti Afek (voir note), bien qu’il était contre l’idée d’une Assemblée constituante depuis janvier 2011.
« Nous ne sommes financés par personne ! »
Mehdi Said a écouté, comme beaucoup de Tunisiens, l’interview en direct du chef du gouvernement. D’après lui, les accusations de M. Laaridh sont sans fondement.
Nous sommes un groupe composé de onze jeunes Tunisiens. Nous ne sommes « soutenus » par personne et nous n’avons aucun financement. Notre rencontre a été faite sur Facebook.
Avant, ils étaient au nombre de quatorze, mais « trois d’entre eux ont été séduits par les offres de certains partis », nous confie M. Said, qui a refusé de nous donner plus d’informations à ce sujet.
« Même si on imprime nos textes sur des feuilles, cela ne ne coûte pas beaucoup d’argent. Vous savez, c’est 20 millimes pour une feuille. Pour le déplacement, nous dépensons de nos poches », explique-t-il en riant.
Choisissant la distance et la neutralité vis-à-vis des partis politiques et des institutions policières et militaires, les membres de Tamarod nient aussi une quelconque relation « avec l’étranger », comme l’entend M. Laaridh. M. Said explique par contre avoir des contacts avec les membres de Tamarod Égypte.
Selon le porte-parole, des partis politiques de la Troïka ont fait pression sur les membres de Tamarod. D’autres, de l’opposition, ont essayé de les récupérer, voire leur proposer de l’argent, chose que M. Said affirme avoir refusée.
Les « buts » de Tamarod en Tunisie
Inspiré par le mouvement Tamarod en Égypte, qui a réussi à destituer le président Morsi, M. Said affirme que leur mouvement n’a rien d’un « clonage ou [d’]une simple copie », car « les révolutions arabes sont reliées entre elles pour réaliser leurs buts : la liberté, la justice et la dignité ».
Nous avons discuté avec les membres de « Tamarod Égypte », discuté l’idée. Nous voulons remettre la révolution sur les rails, rien d’autre.
Pour ce mouvement, les buts sont clairs. En quelques points, il s’agirait de :
* dissoudre l’Assemblée constituante, qui n’a pas respecté le contrat qui devait prendre fin le 23 octobre 2012, puisque les citoyens ont voté pour la rédaction de la Constitution en un an et pas plus ;
* dissoudre le gouvernement, qui n’a pas respecté ses engagements et ses promesses (commissions du 9 avril et de l’UGTT, dissolution des ligues dites de « protection de la révolution »), en entretenant le flou au niveau du calendrier des élections ;
* probablement mettre en place un gouvernement de salut national ou de gestion des affaires courantes.
La politique du gouvernement est mauvaise. Il y a eu beaucoup de temps perdu dans cette Assemblée constituante, nous sommes tous fatigués. En plus, le traitement des affaires avec une justice à double vitesse démontre que ce gouvernement est train de s’amuser. explique M. said
Quant à la manière avec laquelle le gouvernement agit avec les islamistes, Mehdi Said précise que « les salafistes sont utilisés par Ennahdha ».
Quand Ghannouchi est allé aux États-Unis, la mort de plus de 14 salafistes l’a enorgueilli. Nous ne voulons pas de ça. Ils sont nos frères eux aussi, mais ils sont « formatés ». Ennahdha provoque une fitna entre nous, au nom de la religion.
Divergences avec Tamarod Égypte
En Tunisie, les dissidents de Tamarod ne sont pas d’accord vis-à-vis de la stratégie de ceux d’Égypte. Pour le porte-parole, c’était une erreur de faire participer l’armée à la révolte. Nous-mêmes, nous voulons rester à distance avec tout le monde. Nous voulons que ça reste un mouvement citoyen, assure-t-il.
Plus de 870 000 signatures ont été récoltées
Selon le mouvement, plus de 870 000 signatures ont été récoltées, dont plus de 22 000 sur la pétition sur Internet. D’après Mehdi Said,« un projet, préparé par des experts, sera présenté aux partis politiques, entre autres les partis de la Troïka, pour réaliser un vrai consensus ».
Combien de signatures faudra-t-il encore ? Comment tout cela va-t-il être organisé ? Le jeune porte-parole préfère ne pas en dire plus : la décision viendra plus tard.
Note :
Le parti Afek est né après le 14 janvier 2011. Il est présenté par le quotidien « La Presse » comme ayant été formé par des « jeunes premiers qui viennent du monde de l’entreprise à l’international », « parfaits inconnus avant la révolution ». L’orientation de ce parti est présentée comme « économiquement libérale, franchement progressiste et laïque ». Ayant eu 4 élus à l’Assemblée nationale constituante, Afek a fusionné en avril 2012 avec le PDP, parti de centre-droit d’opposition légale à Ben Ali (16 élus en octobre 2011), pour former « Al Joumhouri » qui est entré rapidement en crise. (note DL pour ESSF).