Pour tenir son congrès national, les 22 et 23 juin, la Confédération paysanne avait choisi le Diois, un canton de la Drôme fortement ancré à gauche. Le rejet du traité constitutionnel européen a marqué les débats : une victoire populaire à laquelle le monde paysan a bien contribué, puisque 70 % des agriculteurs ont voté « non » malgré les appels des dirigeants de la FNSEA et des notables des organisations professionnelles. La campagne du « non » a été intégralement portée par le syndicalisme progressiste, Confédération paysanne et Modef.
Le congrès s’est ouvert quelques jours après l’échec du sommet de Bruxelles, où Blair avait justifié son refus d’augmenter la contribution britannique en dénonçant l’importance excessive des aides agricoles. Mais face à l’intransigeance des ultralibéraux prêts à sacrifier les agriculteurs européens sur l’autel de la « concurrence libre et non faussée », la Conf’ refuse à juste titre de défendre la position de Chirac, celle du statu quo et de la prétendue « vocation exportatrice ». Depuis la réforme de 1993, plus du quart des exploitations agricoles françaises ont disparu. Les aides directes profitent pour l’essentiel à 20 % des producteurs. Les concentrations se poursuivent et le problème des excédents n’a pas été réglé. C’est le bilan d’une agriculture productiviste qui ne vise qu’à satisfaire les intérêts des marchands d’intrants, de la grande distribution et de l’industrie agroalimentaire. La réforme en cours, « découplant » les aides de la production, ne conduira qu’à entériner des rentes de situation.
La Conf’, ce n’est pas que le bio et ça ne se réduit pas à la contestation des OGM, même si cette dernière a été naturellement présente. Face à la crise des filières avicoles et porcines et à l’effondrement des prix des fruits et légumes, elle revendique des prix rémunérateurs, assurés par une régulation des marchés et la maîtrise des productions. Cela devrait logiquement la conduire à s’investir davantage dans la lutte contre les pratiques des grands groupes qui dominent la distribution en écrasant les producteurs comme les salariés.
Pas de pays sans paysans, pas d’espace rural sans service public. Le forum du jeudi après-midi a permis d’aborder cette question cruciale avec notamment un militant de SUD-Rail et une sage-femme : la préservation de l’environnement passe par une autre politique des transports, par le maintien des bureaux de poste, des écoles rurales, des hôpitaux et des maternités.
Plus surprenante a été l’invitation adressée au ministre de l’Agriculture. Que Dominique Bussereau l’ait déclinée en prétextant d’un calendrier chargé n’y change rien. S’agissait-il seulement de démontrer la partialité des pouvoirs publics en faveur de la FNSEA ? La construction d’un autre syndicalisme ne saurait se faire en remplaçant l’ancien au sein des mécanismes de cogestion avec les institutions.
Gérard Combes