A l’initiative d’associations du monde entier, notamment des Etats-Unis, la date du 4 septembre a été déclarée « Journée mondiale des vautours ». Il se trouve que, cet été, Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat à l’Ecologie, a annoncé des mesures discréditant l’utilité des vautours fauves. Sans doute voulait-elle faire plaisir à une frange d’électeurs, éleveurs-chasseurs de subvention, et adversaires déclarés de la nature « sauvage ». Mais quelle est la situation réelle des vautours en France ?
Ils sont parmi les plus grands oiseaux du monde approchant 3 mètres d’envergure. Explorant en planant, sans dépenser d’énergie, d’immenses surfaces à la recherche visuelle des cadavres de mammifères sauvages ou domestiques, se fiant notamment au comportement d’autres oiseaux opportunistes, corvidés et milans. Tel un réseau d’observateurs invisibles dans le ciel, s’observant mutuellement, ils accourent de toute part dès qu’un festin est signalé. Vingt ou trente vautours fauves font disparaître les chairs putréfiées d’une brebis ou d’un cervidé en moins d’une heure. La place reste nette, sans plus de ressources pour les mouches et les bactéries. Leur tube digestif élimine les germes et on a pu dire qu’ils sont un « cul-de-sac épidémiologique », bloquant la propagation des germes pathogènes.
En Europe, depuis des siècles, ils sont des commensaux du pastoralisme, suivant les troupeaux transhumants et éliminant les cadavres. En Espagne existait près de chaque village un muladar où l’on déposait les cadavres. Mais plusieurs changements majeurs ont perturbé cet équilibre : la mécanisation de l’agriculture, la quasi-disparition des grandes transhumances à pied, l’élevage industriel concentrationnaire (dont les tonnes de déchets sont transformées en farines animales) et, enfin, la crise de la vache folle, avec l’avènement d’une obligation stricte d’équarrissage industriel et payant pour tous les particuliers.
En Espagne, depuis 2003-2004, l’équarrissage généralisé a créé une famine dans ces colonies de vautours du versant sud des Pyrénées situées en Aragon et en Navarre. On a pu voir, au piémont des Pyrénées françaises, des réunions de ces oiseaux affamés s’approchant des fermes pour se repaître d’animaux morts. On peut comprendre que des éleveurs français se soient inquiétés et très vite, la rumeur colportée par les médias a fait état d’attaques délibérées sur des animaux sains. Pour autant, aucune expertise sérieuse n’est venue confirmer cette attestation gratuite, même si les constats des vétérinaires les disculpent globalement. En réalité, dans les Pyrénées françaises, la petite population de vautours fauves (525 couples en 2007) est bien intégrée au pastoralisme. On peut observer des dizaines d’entre eux survolant les alpages où abondent brebis (621 000), vaches (157 000), chevaux (12 000), chèvres (14 000) sans aucun problème. Ils éliminent sans frais pour l’éleveur et la collectivité des milliers de cadavres, économisant ainsi une énorme quantité de CO2 généré par l’équarrissage (transport, incinération) d’ailleurs souvent impraticable dans des montagnes peu accessibles. Ils sont de véritables alliés sanitaires et parfaitement intégrés dans une politique de développement durable.