Les résultats des élections genevoises du 11 octobre sont connus. Rappelons que, pour une participation de 40%, le Mouvement citoyen genevois qui a mené une intense campagne anti-frontaliers double sa députation et surtout, sa force électorale atteignant les 15%. Et tandis que les verts dépassent un PS qui a limité la casse, solidaritéS-PdT et la liste concurrente regroupée autour de Christian Grobet n’atteignent pas le quorum de 7%.
C’est sûr, les projets de loi vont pleuvoir sur Genève, les quatre années qui viennent : en matière de prestations sociales, d’ouverture nocturne et dominicale des commerces, de dérogations à la loi sur la construction et la transformation de logements. Viendront s’y ajouter ceux concernant la présence policière dans les rues, la surveillance par caméras, voire la limitation du droit de manifester.
C’était la banlieue rouge
C’est parce qu’elle fait le bilan de ces élections qu’elle peut se permettre de nous infliger ce déluge de lois, pas parce qu’elle est majoritaire dans un parlement sans extrême gauche. Sept députés qui font de l’opposition, les bourgeois peuvent toujours vivre avec…
C’est sur ce qu’exprime l’échec parlementaire de « la gauche de la gauche » que la droite patronale va s’appuyer, à savoir la perte de son influence auprès de couches de travailleurs qui leur avaient fait confiance.
C’est le fait majeur du vote du 11 octobre. Avec des rapports électoraux de 1 à 4 à l’égard du MCG à Meyrin, Vernier et Onex, villes à forte population ouvrière, la liste PdT-SolidaritéS fait naufrage. Ces organisations font en ce moment leurs bilans. A souhaiter qu’elles ne se contentent pas de l’explication, vraie mais un peu courte, de « la liste Grobet ».
Reste que le naufrage pourrait ne pas être que celui d’une tactique électorale : il risque d’engloutir tout-le-monde. Il rappelle, toute proportion gardée, la débâcle électorale de la gauche italienne avec le passage de centaines de fiefs de la gauche dans les bras de la Ligue Nord ! Dans les bras d’une force qui ne se contente pas du terrain institutionnel mais occupe la rue.
C’est ce qu’a su faire le MCG. La rue, la place publique, il y a porté le scandale du salaire du manager socialiste des Services Industriels de Genève. Il l’a investie de son discours par une propagande qui a fini par dicter le tempo de la campagne électorale. Vers la rue, il y est allé lors de soirées de propagande et agitation dans des brasseries. Aujourd’hui , « la rue et son vote protestataire lui reviennent », constate l’éditorialiste de la Tribune de Genève du 12 octobre.
C’est ce qui est grave ! Parce que c’est à cette rue qui cherche à s’en sortir que le MCG offre non pas « la » parole, mais « sa » parole. Et c’est une rue qui finit par compter : à preuve la reprise à son compte du discours anti-frontaliers par un député radical, et pas des moindres. Et c’est à cette rue, inquiète, que la gauche ne donne plus de réponses, se contentant du moindre mal. Comme si elle avait si bien intégré le rapport de force négatif au point d’accepter l’élévation d’une taxe antisociale, la TVA, pour empêcher le démantèlement de l’assurance invalidité ! Mais le rapport de forces n’est pas immuable : il peut être construit et … inversé.
Reconquérir la rue
Le désastre est immense. Et donne la mesure du défi. Car l’urgence est à la reconstruction patiente de la force organisée des salariés et des jeunes.
Devant les attaques à venir et l’approfondissement des divisions, c’est à contribuer à l’organisation des gens autour des objectifs qui sont les leurs qu’il faut travailler. C’est la légitimité des licenciements qu’il faut contester ; c’est le sacro-saint droit du propriétaire de faire ce qu’il veut de ses usines qu’il faut désacraliser. Et c’est une autre légitimité qu’il faut faire valoir, celle des jeunes d’avoir du travail ou celle des vieux de se reposer, par exemple.
C’est fort de cette conviction, du fait que leurs revendications n’étaient pas moins légitimes que celles de leurs patrons que les travailleurs des CFF de Bellinzona les ont fait reculer au bout de 33 jours de grève. C’est parce qu’ils ont toujours pensé que leur besoin de travailler était pour le moins aussi légitime que le besoin des patrons de fermer l’usine que les ouvriers de l’INSEE de Milan ont gagné après 14 mois de grève.
C’est à construire d’autres expériences comme celles-ci qu’il faut s’atteler.