Au menu : comment passer des vertueuses déclarations d’intention sur la régulation du capitalisme aux actes et aux mesures concrètes ? Pas si facile d’arriver à des positions communes, alors que la crise ne fait qu’exacerber la concurrence entre les principaux impérialismes !
Déjà, Christine Lagarde présente à l’avance comme une « grande victoire pour l’Union européenne et pour la France » le simple fait de… discuter de « l’encadrement des bonus » alors même que chacun sait que les États-Unis vont refuser toute limitation réelle de ces mêmes bonus.
Il faut dire que la ministre française de l’Économie est assez mal placée pour faire la leçon à Barack Obama sur ce sujet. Après le scandale de la BNP – un milliard d’euros de bonus, alors que la banque a reçu 5 milliards d’aide d’argent public - Libération vient de révéler celui de la Société Générale, avec des bonus individuels annuels pouvant atteindre… 10 millions d’euros !
Autre pomme de discorde : les règles « prudentielles » régissant les fonds propres des banques par rapport à leur endettement : là, ce sont les USA qui veulent imposer des règles et des modes de calcul qui – oh, surprise ! – visent à favoriser les banques US !
On le sait : les dirigeants français – notamment Sarkozy et Kouchner - ne manquent pas d’humour. Ainsi, depuis quelque temps, ils ne ratent pas une occasion d’évoquer la taxation des transactions financières. Alors, bientôt le retour de la taxe Tobin ? Ne nous affolons pas…
Selon Christine Lagarde, il ne faut rien brusquer : « cette belle idée va cheminer, mais elle n’est pas à l’ordre du jour du G20 » ! On s’en doutait un peu…
Au fond, jour après jour, sommet après sommet, ses dirigeants les plus en vue le confirment eux-mêmes : la « moralisation » du capitalisme, c’est… mission impossible.
François Coustal
* Paru dans « TEAN » n° 23 du 24 septembre 2009.
Bonus, c’est cadeau !
Pour les dirigeants des principales puissances, à commencer par Nicolas Sarkozy, la question des bonus des traders ressemble beaucoup au sparadrap du Capitaine Haddock : trop collant, pas moyen de s’en débarrasser !
Sur le fond, le niveau exorbitant des rémunérations des traders et des dirigeants des banques n’a sûrement rien qui puisse choquer Sarkozy, l’ami des riches et le farouche défenseur de leurs intérêts. Mais voilà qu’au lieu de se faire discrets, les parasites bancaires étalent avec arrogance leurs promesses de jackpots. Ce qui, évidemment, produit un effet déplorable parmi le bon peuple, par ailleurs invité à payer la facture grâce à ses impôts ! Il faut donc donner le change et faire étalage de « volontarisme », même si les dirigeants français sont, comme leurs homologues européens et nord-américains, bien décidés à ne rien faire. Alors Nicolas Sarkozy et Christine Lagarde multiplient les déclarations vertueuses. Dernier coup de bluff : la lettre adressée à la présidence de l’Union européenne par Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et même Gordon Brown, pourtant bien connu pour son opposition à toute forme de contraintes sur le secteur bancaire. Ah, ils ne mâchent pas leurs mots ! Ils l’affirment avec des accents déchirants : « nos concitoyens sont particulièrement choqués par le retour de pratiques condamnables, alors que l’argent des contribuables a été mobilisé au plus fort de la crise pour soutenir le secteur financier ».
Et ensuite ? Ensuite… rien ! Car, bien sûr, aucun des dirigeants européens, sans parler des dirigeants nord-américains, n’a la moindre intention de limiter réellement les bonus des professionnels de la spéculation et des patrons des banques. C’est ce qui ressort de la réunion des ministres des Finances et des patrons des banques centrales qui s’est tenue ce week-end, à Londres, afin de préparer le sommet du G20 à Pittsburgh, fin septembre. Certes, le mot « limitation » figure dans le communiqué final. Mais les médias ont bien été obligés de le reconnaître : il s’agit d’un « accord a minima », autour de quelques « principes » tels que « transparence », « étalement des bonus sur plusieurs années », « non-versement de certaines échéances en cas de mauvaises performances », etc. Mais, aucun projet de mesures vraiment contraignantes. Et chacun de prendre prétexte des réticences ou des oppositions des autres pays pour se résigner – la mort dans l’âme, on n’en doute pas ! – à ne pas toucher au gâteau des responsables de la crise financière. Dans quelques semaines, le sommet du G20 devrait reproduire ce spectacle pitoyable, à l’attention des opinions publiques.
Mais, les discours sur la « moralisation du capitalisme » et les effets de tribune contre les « excès du système » sont démentis par les chiffres. Ainsi, en France, au premier semestre 2009, les 28 plus grandes entreprises ont encaissé 21 milliards d’euros de profits. Et les cinq meilleurs traders s’apprêtent à percevoir chacun… 500 années de salaire moyen ! Manifestement, pendant la crise, les affaires continuent… pour les privilégiés du système.
François Coustal
* Paru dans « TEAN » n° 21 du 10 septembre 2009.