Ça passait relativement inaperçue jusqu’à ce que, du fait du blocage des routes, les stocks de combustibles s’amenuisent et le prix du panier augmente. Jusque là la presse demeura plutôt silencieuse, juste quelques articles suggérant que les indiens n’avaient pas de véritables motifs de protestation, qu’ils sont bêtes, ne comprennent rien et vont à une impasse. Puis, plus récemment suggérant que, toujours bête, ils étaient aussi manipulés par des puissances étrangères, complots d’ong d’obédiences marxistes qui voudraient déstabiliser le Pérou dont le classement COFACE avait beaucoup progressé. Complot d’extrême gauche. Manipulation facile dans un pays où le terrorisme est encore très vif dans les mémoires. Bref, la presse prépare le durcissement. tandis que le gouvernement essaye d’étouffer la crise se profilant : déclaration de l’état d’urgence, interdiction de se réunir, répression politique des dirigeants indiens avec inculpation pour séditions de leur leader (ensuite abandonnée pour une inculpation pour trouble de l’ordre public et atteinte à la propriété privée). Aujourd’hui c’est dramatique, une dizaine de policiers morts, quelques civils. Le conflit se durcit et les indiens de plutôt pacifiques entrent dans une logique de guerre.
Alors pourquoi. ???
Le Traité de Libre Commerce, en négociation depuis longtemps, a été signé en début d’année trois jours avant la fin du mandat Bush, donnant lieu au Pérou à une vague de décrets afin d’aménager la constitution à cet important traité.
Le gouvernement d’Alan Garcia en a profité pour faire passer pas mal de décrets sensibles facilitant l’entrée de capitaux privés pour l’exploitation des ressources amazoniennes (gaz, pétrole, minerais principalement) même si celles-ci sont situées en territoires indiens reconnus par des titres de propriété collective. La logique étant que la surface appartient aux communautés mais le sous-sol est de tous les péruviens.
Ni les communautés ni les gouvernements régionaux (le Pérou est en processus de décentralisation) n’ont été consulté. De nombreux experts considèrent que le gouvernement a dépassé le cadre de son mandat et que ces décrets sont anticonstitutionnels : amendements de lois organiques, réforme du système légal, affaiblissement de la normativité environnementale et des droits collectifs des communautés indiennes.
Parallèlement plusieurs scandales ont éclatés ce premier semestre 2009 : pots de vin au Ministère de l’Energie et des Mines pour l’octroie de concession d’extraction (l’enquête n’a pas aboutie, affaire enterrée). Des prospections autorisées au milieu de territoires ancestraux, zones de protection d’extrême biodiversité et bassin versant source d’eau potable de grandes villes. En conséquence le ministre a été limogé mais les concessions signées perdurent mettant en danger les ressources hydriques de centaines de millier de personne.
Donc que veulent les indiens ? La révocation pure et simple d’une dizaine de décrets. Mais ce ne sont pas les seuls. Les Autorités Régionales, la population et les évêques d’Amazonie aussi. Dans la région San Martin 105 000 signatures ont été rassemblé sur une population totale proche de 650 000 habitants. La Région de Madre de Dios a déclaré, dans une Déclaration signée par le Gouvernement Régional, Municipalités, Organisations de Base et la Chambre de Commerce, qu’elle se joignerait à la grève générale si ces décrets n’était pas abrogé.
Brefs, l’esprit colonial n’a pas beaucoup changé, mêlant vision utilitariste des territoires provinciaux, racismes envers les indigènes, négation de leurs identités, droits, et. répression. Sans oublié les ingrédients de toujours : histoire de gros-sous, mafia politique, corruption, manipulation de l’opinion...
Salutations,