Comment comprendre la menace de démission brandie hier par le dalaï-lama ?
C’est très subtil, mais elle s’adresse d’abord aux Chinois. Ces derniers savent que le dalaï-lama, âgé de 72 ans, a une santé fragile. Pékin estime pouvoir décider de sa succession quand il disparaîtra, en choisissant à sa guise sa réincarnation. Or si celui-ci décide de lui-même de passer le flambeau avant son décès, un conseil de dignitaires choisira un jeune et, à partir de ce moment-là, la Chine repart pour cinquante ans d’affrontement avec le Tibet. C’est le scénario qui inquiète le plus les Chinois.
Mais cette menace peut être vue aussi comme une adresse aux Tibétains plus radicaux…
Certes, car effectivement la situation de ces derniers jours semble lui échapper avec ces débordements. Il y a chez lui l’idée que toute action est forcément non-violente, qu’elle ne doit, en aucun cas, finir en bain de sang. Sinon, le dalaï-lama s’en sentirait personnellement responsable, il apparaîtrait comme un traître. Il redoute, d’ailleurs, que la Chine perde la face, se cabre et, finalement, se pose en victime.
Pourquoi le dalaï-lama semble-t-il si modéré dans ses positions ? Pourquoi n’exploite-t-il pas plus la tribune offerte par les Jeux olympiques qui démarrent dans moins de cinq mois ?
Mais il profite des JO ! Il a deux revendications qui ne sont pas anodines. D’abord, il exige une réelle autonomie puisque Pékin ne respecte plus la coutume de « chapelain-protecteur » qui régissait les relations entre le Tibet et la Chine depuis le XVIe siècle. Pékin empêche la pratique religieuse en imposant une « éducation patriotique ». C’est pourquoi les Tibétains parlent de « génocide culturel ». Deuxième revendication : le rétablissement des vraies frontières du Tibet, puisque la Région autonome ne représente, sur les cartes chinoises, qu’une petite moitié du Tibet traditionnel. Ces demandes sont difficiles à manier pour la Chine. Pékin aimerait tellement que le dalaï-lama soit radical et prône l’indépendance. Mais les Chinois n’arrivent pas à faire de lui l’ennemi qu’ils voudraient qu’il soit. C’est ce que les jeunes générations n’ont pas compris.
La division guette-t-elle les Tibétains ?
C’est déjà le cas, notamment, entre les jeunes et les plus âgés qui respectent leur chef spirituel. Mais si les plus radicaux parviennent à se contrôler, le dalaï-lama apparaîtra d’autant plus modéré. Et d’autant moins saisissable pour Pékin.