Publication au JORF du 7 avril 1955
Loi n°55-385 du 3 avril 1955
Loi instituant un état d’urgence et en déclarant l’application en Algérie.
version consolidée au 16 juin 2000 - version JO initiale
L’Assemblée nationale et le Conseil de la République ont délibéré,
L’Assemblée nationale a adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
TITRE Ier.
Article 1
L’état d’urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire
métropolitain, de l’Algérie, ou des départements d’outre-mer, soit en cas de
péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas
d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de
calamité publique.
Article 2
Modifié par Ordonnance n°60-372 du 15 avril 1960 art. 1 (JORF 17 avril
1960).
L’état d’urgence est déclaré par décret en Conseil des ministres. Ce décret
détermine la ou les circonscriptions territoriales à l’intérieur desquelles
il entre en vigueur.
Dans la limite de ces circonscriptions, les zones où l’état d’urgence
recevra application seront fixées par décret.
La prorogation de l’état d’urgence au-delà de douze jours ne peut être
autorisée que par la loi.
Article 3
Modifié par Ordonnance n°60-372 du 15 avril 1960 art. 1 (JORF 17 avril
1960).
La loi autorisant la prorogation au-delà de douze jours de l’état d’urgence
fixe sa durée définitive.
Article 4
Modifié par Ordonnance n°60-372 du 15 avril 1960 art. 1 (JORF 17 avril
1960).
La loi portant prorogation de l’état d’urgence est caduque à l’issue d’un
délai de quinze jours francs suivant la date de démission du Gouvernement ou
de dissolution de l’Assemblée nationale.
Article 5
La déclaration de l’état d’urgence donne pouvoir au préfet dont le
département se trouve en tout ou partie compris dans une circonscription
prévue à l’article 2 :
1° D’interdire la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux
et aux heures fixés par arrêté ;
2° D’instituer, par arrêté, des zones de protection ou de sécurité où le
séjour des personnes est réglementé ;
3° D’interdire le séjour dans tout ou partie du département à toute personne
cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs
publics.
Article 6
Modifié par Loi n°55-1080 du 7 ao ?t 1955 art. 3 (JORF 14 ao ?t 1955).
Le ministre de l’intérieur dans tous les cas et, en Algérie, le gouverneur
général peuvent prononcer l’assignation à résidence dans une circonscription
territoriale ou une localité déterminée de toute personne résidant dans la
zone fixée par le décret visé à l’article 2 dont l’activité s’avère
dangereuse pour la sécurité et l’ordre publics des circonscriptions
territoriales visées audit article.
L’assignation à résidence doit permettre à ceux qui en sont l’objet de
résider dans une agglomération ou à proximité immédiate d’une agglomération.
En aucun cas, l’assignation à résidence ne pourra avoir pour effet la
création de camps où seraient détenues les personnes visées à l’alinéa
précédent.
L’autorité administrative devra prendre toutes dispositions pour assurer la
subsistance des personnes astreintes à résidence ainsi que celle de leur
famille.
Article 7
Modifié par Loi n°80-514 du 7 juillet 1980 art. unique (JORF 9 juillet
1980).
Toute personne ayant fait l’objet d’une des mesures prises en application de
l’article 5 (3°), ou de l’article 6 peut demander le retrait de cette
mesure. Sa demande est soumise à une commission consultative comprenant des
délégués du Conseil général désignés par ce dernier et comportant, en
Algérie, la représentation paritaire d’élus des deux collèges.
La composition, le mode de désignation et les conditions de fonctionnement
de la commission seront fixés par un décret en Conseil d’Etat.
Les mêmes personnes peuvent former un recours pour excès de pouvoir contre
la décision visée à l’alinéa 1er ci-dessus devant le tribunal administratif
compétent. Celui-ci devra statuer dans le mois du recours. En cas d’appel,
la décision du Conseil d’Etat devra, intervenir dans les trois mois de
l’appel.
Faute par les juridictions ci-dessus d’avoir statué dans les délais fixés
par l’alinéa précédent, les mesures prises en application de l’article 5
(3°) ou de l’article 6 cesseront de recevoir exécution.
Article 8
Le ministre de l’intérieur, pour l’ensemble du territoire où est institué
l’état d’urgence, le gouvernement général pour l’Algérie et le préfet, dans
le département, peuvent ordonner la fermeture provisoire des salles de
spectacles, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature dans les
zones déterminées par le décret prévu à l’article 2.
Peuvent être également interdites, à titre général ou particulier, les
réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre.
Article 9
Les autorités désignées à l’article 6 peuvent ordonner la remise des armes
de première, quatrième et cinquième catégories définies par le décret du 18
avril 1939.
Les armes de la cinquième catégorie remises en vertu des dispositions qui
précèdent donneront lieu à récépissé. Toutes dispositions seront prises pour
qu’elles soient rendues à leur propriétaire en l’état où elles étaient lors
de leur dépôt.
Article 10
La déclaration de l’état d’urgence s’ajoute aux cas visés à l’arrêté article
1er de la loi du 11 juillet 1938 sur l’organisation générale de la nation en
temps de guerre pour la mise à exécution de tout ou partie des dispositions
de ladite loi en vue de pourvoir aux besoins résultant de circonstances
prévues à l’article 1er.
Article 11
Modifié par Ordonnance n°60-372 du 15 avril 1960 art. 1 (JORF 17 avril
1960).
Le décret déclarant ou la loi prorogeant l’état d’urgence peuvent, par une
disposition expresse :
1° Conférer aux autorités administratives visées à l’article 8 le pouvoir
d’ordonner des perquisitions à domicile de jour et de nuit ;
2° Habiliter les mêmes autorités à prendre toutes mesures pour assurer le
contrôle de la presse et des publications de toute nature ainsi que celui
des émissions radiophoniques, des projections cinématographiques et des
représentations théâtrales.
Les dispositions du paragraphe 1° du présent article ne sont applicables que
dans les zones fixées par le décret prévu à l’article 2 ci-dessus.
Article 12
Modifié par Loi n°2000-516 du 15 juin 2000 art. 83 (JORF 16 juin 2000).
Lorsque l’état d’urgence est institué, dans tout ou partie d’un département,
un décret pris sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice,
et du ministre de la défense nationale peut autoriser la juridiction
militaire à se saisir de crimes, ainsi que des délits qui leur sont
connexes, relevant de la cour d’assises de ce département.
La juridiction de droit commun reste saisie tant que l’autorité militaire ne
revendique pas la poursuite et, dans tous les cas, jusqu’à l’ordonnance
prévue à l’article 133 du code d’instruction criminelle (1). Si,
postérieurement à cette ordonnance, l’autorité militaire compétente pour
saisir la juridiction militaire revendique cette poursuite, la procédure se
trouve, nonobstant les dispositions de l’article 24, dernier alinéa, du code
de justice militaire, portée de plein droit devant la chambre des mises en
accusation prévue par l’article 68 du code de la justice militaire, lorsque
la chambre de l’instruction saisie n’a pas encore rendu son arrêt, soi t
devant la juridiction militaire compétente ratione loci lorsqu’un arrêt de
renvoi a été rendu. Dans ce dernier cas, les dispositions de l’alinéa
ci-après sont applicables, et il n’y a pas lieu pour la Cour de cassation de
statuer avant le jugement sur les pourvois qui ont pu être formés contre cet
arrêté. Le tribunal militaire est constitué et statue, dans les conditions
fixées aux deux derniers alinéas de l’article 10 du code de la justice
militaire.
Lorsque le décret prévu à l’alinéa du présent article est intervenu, dans
les circonscriptions judiciaires précisées audit décret et pour toutes les
procédures déférées à la juridiction militaire, il ne pourra être exercé
aucune voie de recours contre les décisions des juridictions d’instruction,
y compris l’arrêt de renvoi, à l’exception de l’opposition contre les
ordonnances statuant sur une demande de mise en liberté provisoire devant la
chambre des mises en accusation, qui statuera dans la quinzaine. Une
nouvelle opposition ne pourra être élevée que contre une ordonnance rendue
plus de deux mois après une précédente décision de rejet de la chambre des
mises en accusation.
Les pourvois en cassation contre les décisions des juridictions
d’instruction ne peuvent être formés qu’après jugement statuant au fond et,
s’il y a lieu, en même temps que le pourvoi élevé contre celui-ci. Ils sont
portés devant un tribunal militaire de cassation établi par décret en se
conformant aux articles 126 à 132 du code de justice militaire et statuant
dans les conditions de forme et de fond prévues aux articles 133 à 155 dudit
code.
Aucune voie de recours, même en cassation, ne pourra également être exercée
contre les décisions des juridictions d’instruction de droit commun statuant
sur des faits prévus audit décret à l’exclusion de l’appel devant la chambre
des mises en accusation.
NOTA : Voir article 181 du Code de procédure pénale.
Article 13
Les infractions aux dispositions des articles 5, 6, 8, 9 et 11 (2°) seront
punies d’un emprisonnement de huit jours à deux mois et d’une amende de 5000
à 200000 F ou de l’une de ces deux peines seulement. L’exécution d’office,
par l’autorité administrative, des mesures prescrites peut être assurée
nonobstant l’existence de ces dispositions pénales.
Article 14
Les mesures prises en application de la présente loi cessent d’avoir effet
en même temps que prend fin l’état d’urgence.
Toutefois, après la levée de l’état d’urgence les tribunaux militaires
continuent de conna‰tre des crimes et délits dont la poursuite leur avait
été déférée.
TITRE II.
Article 15
L’état d’urgence est déclaré sur le territoire de l’Algérie et pour une
durée de six mois.
Un décret, pris en exécution de l’article 2, fixera les zones dans
lesquelles cet état d’urgence recevra application.
Article 16
L’état d’urgence déclaré par l’article 15 emporte, pour sa durée,
application de l’article 11 de la présente loi.
Par le Président de la République :
RENE COTY.
Le président du conseil des ministres, EDGAR FAURE.
Le ministre délégué à la présidence du conseil, GASTON PALEWSKI.
Le garde des sceaux, ministre de la justice, SCHUMAN.
Le ministre des affaires étrangères, ANTOINE PINAY.
Le ministre de l’intérieur, MAURICE BOURGE-MAUNOURY.
Le ministre de la défense nationale et des forces armées, PIERRE KOENIG.
Le ministre des finances et des affaires économiques, PIERRE PFLIMLIN.
Le ministre des travaux publics, des transports et du tourisme, EDOUARD
CORNIGLION-MOLINIER.
Le ministre de l’industrie et du commerce, ANDRE MORICE.
Le ministre de l’agriculture, JEAN SOURBET.
Le ministre de la santé publique et de la population, BERNARD LAFAY.
Le ministre de la marine marchande, PAUL ANTIER.
Le ministre des postes, télégraphes et téléphones, EDOUARD BONNEFOUS