Il y avait eu, au cœur de l’été, les spectaculaires manifestations d’allégeance du nouveau pouvoir français envers la Maison Blanche. Il y avait eu, peu près, l’annonce que la France pourrait, à l’échéance du printemps 2009, qui marquera le soixantième anniversaire de l’Otan, retrouver sa place dans un dispositif atlantique « rénové ». Il y avait eu le discours présidentiel devant la conférence des ambassadeurs, qui reprenait à son compte la problématique du « choc des civilisations », chère à l’administration Bush. Et il y a, à présent, les travaux pratiques de ce réalignement sur l’Empire.
On vient ainsi d’apprendre que Nicolas Sarkozy se prépare à expédier des troupes de combat au sol dans les régions orientales de l’Afghanistan, où elles se trouveront directement confrontées aux combattants intégristes d’Al-Qaida. Alors que Chirac avait, peu avant la fin de son mandat, retiré les commandos des forces spéciales françaises pour ne conserver à Kaboul qu’un petit contingent symbolique et une poignée de formateurs de l’armée afghane, notre nouveau Bonaparte élyséen décide de renvoyer sur le terrain plusieurs centaines de militaires. Et il complète sa décision par le renforcement de la flotte aérienne tricolore stationnée à Kandahar. Il manifeste, ce faisant, sa volonté de devenir l’allié privilégié de Washington sur l’un des principaux théâtres où se joue la stratégie de « guerre sans limite » de ce dernier.
Il n’est, à cet égard, pas anecdotique que cette décision intervienne au moment précis où le régime de Kaboul manifeste ses faiblesses face aux talibans, et où Britanniques, Canadiens et Allemands commencent discrètement à se démarquer du mentor américain, considérant manifestement que, comme en Irak, la situation créée par l’occupation occidentale n’a plus guère d’issue. « La réconciliation [avec les talibans] est inévitable », vient d’ailleurs, très significativement, d’avouer le secrétaire général de l’Otan…
On ne saurait dissocier ce réalignement de la politique étrangère française sur l’impérialisme dominant de l’annonce, faite par Sarkozy, le 15 janvier, à l’occasion d’un déplacement dans le golfe Arabo-Persique, de l’implantation d’une « base interarmées permanente » d’un demi-millier de soldats à Abu Dhabi. La décision est plus que symbolique. D’abord, en ce qu’elle dote Paris d’un dispositif qui, avec Djibouti, s’étend sur l’ensemble de la zone sahélienne et arabique. Ensuite, dans la mesure où c’est au moment où le Quai d’Orsay se dit convaincu que les États-Unis vont bombarder l’Iran, que notre propre impérialisme décide de disposer d’une des bases étrangères les plus proches des côtes de la République islamique. Et les récentes rotations d’appareils de combat français dans cette zone laissent peu de doutes sur le sens de l’engagement sarkozyen…
On comprend que, même à droite, des voix commencent à s’inquiéter de la dangerosité du changement en cours. Un mouvement antiguerre devient vraiment indispensable dans ce pays…