TRANSPORTS : Investir massivement
Dans de nombreuses villes, la question des transports est au centre des débats de ces élections municipales. Elle met en jeu trois domaines particulièrement sensibles pour les populations : le logement, le trajet domicile-travail, la crise climatique.
La spéculation foncière, l’étalement urbain poussent les salariés à vivre fréquemment à plus d’une heure de leur lieu de travail. Dès lors, si les transports collectifs ne sont pas suffisamment attractifs (fréquence, rapidité, tarifs), la voiture est le recours obligé. Bien sûr, les listes présentées ou soutenues par la LCR se prononcent pour la piétonisation totale de l’hypercentre des villes, pour de vraies pistes cyclables sécurisées, pour le covoiturage, etc. Mais cela ne suffira pas à tracer une alternative au tout-voiture, en l’absence d’une politique d’investissement massif en faveur des transports collectifs.
En réalité, les investissements en infrastructures de transport de l’État et des collectivités sont assez importants : 360 milliards d’euros constants (valeur 2006) de 1980 à 2006, selon un rapport de la Commission des comptes des transports de la nation, mais les routes ont représenté les deux tiers de l’ensemble. Si l’on veut prendre la mesure de l’impact des transports routiers sur la crise énergétique et climatique, on notera que les transports utilisent 31,5 % de l’énergie et 68 % du pétrole raffiné, lequel compte pour 96 % dans leur consommation d’énergie. Quant à l’effet de serre, il est dû, pour 92 %, au transport routier. Ces seuls chiffres montrent à quel point le transport routier est l’un des symboles les plus forts d’un développement économique et humain insoutenable.
Au plan général, il faut déterminer les effets « externes », non pris en compte par le marché, des transports sur l’environnement. Cela revient à faire supporter, par la collectivité, des coûts privés, au bénéfice de la valorisation du capital. Dans l’Europe à quinze, plus la Suisse et la Norvège, le coût pour la collectivité a été chiffré à 7,3 % du PIB, le transport routier provoquant 83,7 % de ces coûts, l’avion 14 %, le rail 1,9 % et la voie navigable 0,4 %. Est-ce à dire que, devant de tels défis, une municipalité ne peut pas grand-chose ? Non, mais il faut y mettre le prix.
Dans cette perspective, la LCR défend la revendication de la gratuité des transports collectifs (métro, bus, trams). Certaines villes ont déjà mis en œuvre cette mesure : Compiègne et Colomiers, depuis plus de 30 ans, et, récemment, Issoudun, Vitré, Châteauroux. À chaque fois, cela s’est accompagné d’un accroissement massif du nombre d’usagers. Reste la question du financement. L’exemple de Toulouse est édifiant, et la situation n’est guère différente dans les autres grandes villes et agglomérations : déjà quasiment un voyageur sur deux bénéficie de la gratuité, sans compter les tarifs réduits. Répartition des recettes : vente des titres de transports (7,4 %), collectivités locales (11,4 %), État (7,6 %), versement transport (25,8 %), emprunts (47,2 %). On voit que le versement transport des entreprises joue un rôle très important. Il suffirait d’une contribution légèrement supérieure de celles-ci, comme de l’État et des collectivités locales (en diminuant les budgets en faveur de la route), pour assurer la gratuité. D’autant que des économies pourraient être réalisées par ailleurs : billetterie, contrôles.
Lucien Sanchez
LORMONT (GIRONDE) : Un outil pour résister
À taille égale, Lormont est une des villes les plus pauvres d’Aquitaine. La majorité PS-PCF y gère le système, sous une offensive libérale qui la dépouille de tout moyen d’action sociale. Tels des délégués du personnel de la population, Laurent Delage et Mónica Casanova, conseillers municipaux LCR, ont relayé les résistances.
A Lormont (Gironde), le bilan de la zone franche instaurée par la gauche est parlant. Des entreprises du tertiaire ont installé leur siège dans la ville, mais elles n’ont pas embauché les 20 % d’habitants de la commune requis. Et impossible de savoir avec quel type de contrat, les bilans étant inexistants. Si le chômage est passé de 26 % à 22 % dans la ville, il demeure de 27,5 % à Génicart (dont 65 % de chômeurs de longue durée en 2003).
La situation des femmes, particulièrement des plus jeunes, est difficile. Celles issues de l’immigration peinent à trouver un emploi correspondant à leur qualification, dans une ville où la dernière grande usine a fermé en 2004. Avec beaucoup de familles monoparentales, 47,5 % de jeunes de moins de 29 ans, le besoin en services publics est criant.
Le problème du logement est aussi alarmant. La majorité municipale, dont les amis socialistes, partout dans le département, pourraient construire bien des logements sociaux, a anticipé la politique de Jean-Louis Borloo en décidant la démolition de 1 000 logements sociaux, dans le cadre de l’Agence nationale de rénovation urbaine (Anru). Avec l’arrivée du tram, il s’agissait de « promouvoir la mixité sociale, dédensifier et diversifier l’habitat ». Cela a abouti au départ d’une partie de la population, puisque les logements reconstruits – en nombre moins important – sont le plus souvent 100 à 120 euros plus chers.
Nous avons défendu les revendications salariales des communaux et avons été aux côtés des assistantes maternelles du syndicat intercommunal contre une réforme entraînant une baisse de 25 % de leurs salaires. Nous avons dénoncé les suppressions d’emplois dans une régie de quartier présidée par le maire, avec des salariés en insertion professionnelle. Nous avons soutenu des instituteurs et des mères de famille, condamnées pour avoir lutté contre la fermeture d’une école.
Nous nous sommes opposés aux expulsions de locataires que multiplient les démolitions de logements. Avec des locataires et des voisins, nous avons refusé la démolition des logements pouvant être réhabilités et exigé le relogement au même loyer dans du neuf. Nous avons présenté une motion en faveur des jeunes contre la réforme du bac pro. Lors de la révolte des banlieues, nous avons fait voter une motion réclamant des moyens sociaux et non policiers. Malgré ces votes, la majorité municipale ne soutient pas, comme nous le faisons, les familles victimes de violences policières. Les contrôles au faciès et les bavures augmentent.
En 2008, la liste que nous présentons est composée de ceux, voisins, militants syndicaux ou associatifs avec lesquels nous avons milité. Des salariés et des jeunes travailleurs de la commune ont rejoint la section de la LCR. Notre présence au conseil municipal a été un outil pour résister, pour encourager les salariés, les jeunes, les femmes, les immigrés, à prendre la parole, à s’organiser, et pour donner vie à un nouveau parti démocratique et populaire.
Laurent Delage et Mónica Casanova
GROS PLAN : LORMONT
21340 habitants (en 1999).
Taux de chômage : 22 % (15 % en 1982).40 % de chômage des jeunes dans le principal quartier, Génicart.
Deux tiers de la ville sont en zone franche urbaine depuis 1996.
Plus de 80 nationalités différentes.
Le chiffre des municipales de 2001 : LCR (11,45 %, 2 élus).
Dans la rue et dans les urnes
Editorial
Les élections municipales ont lieu dix mois après l’élection présidentielle, alors que Sarkozy chute dans les sondages en même proportion que les prix augmentent. Le président du pouvoir d’achat n’a évidemment pas répondu à d’autres attentes que celle du patronat : paquet fiscal de 15 milliards d’euros, fin des régimes spéciaux, franchises médicales… Pendant ce temps, le Parti socialiste est aux abonnés absents des premières mobilisations de résistance face aux attaques du gouvernement, critiquant les réformes sur la forme, mais acquiesçant sur le fond. Le Parti communiste ne se concentre plus que sur la sauvegarde de ses élus qu’il tente de préserver à tout prix, quitte à figurer parfois sur les mêmes listes que le Modem. Dans ce contexte politique, où les grèves éclatent les unes après les autres, la LCR présente et soutient près de 200 listes à ces élections municipales. Bien sûr, l’objectif de ces listes est d’exprimer, lors de ce scrutin, un refus de la politique de Sarkozy tout en dénonçant la gestion sociale-libérale de la plupart des mairies de gauche.
Les listes présentées par la LCR, ou soutenues par elle, porteront comme message la nécessité de constituer une alternative anticapitaliste à gauche, regroupant tous les acteurs du mouvement social. Des syndicalistes, des militants et militantes associatifs, féministes, écologistes et altermondialistes se retrouvent ainsi sur ce projet.
Le score pour ces listes anticapitalistes doit être le plus important possible, afin d’indiquer au patronat, à la droite et à la gauche de renoncement, que le rapport de force peut changer en faveur de la majorité de la population, des plus défavorisés.
Dans cette logique, l’élection d’élus 100 % à gauche peut localement porter les revendications et les intérêts de la population, alerter des coups bas de ceux qui rendent compte seulement tous les six ans de leur mandat. Nos éventuels élus défendront ce pour quoi ils ont été élus ; ils se battront aussi dans la rue, pour que nos revendications, qui répondent aux besoins de tous, ne restent pas lettre morte. Le 9 mars votons pour les candidats anticapitalistes, afin de montrer que nos vies valent plus que leurs profits.
Thibault Blondin