Nos retraites valent plus que leurs belles promesses
Sarko 1er ne sait plus quoi promettre pour remonter dans les sondages et éviter à son camp une « raclée » aux élections municipales des 9 et 16 mars prochains. La mise en scène de sa vie de « people » de luxe n’a pas réussi à nous endormir, et le mécontentement est de plus en plus profond, notamment sur la question des salaires et du pouvoir d’achat. Les sondages baissent et les luttes se multiplient. Sarkozy nous ressort donc son costume de candidat ami des ouvriers et de « ceux qui se lèvent tôt » en se faisant passer pour « Super-Sarko, le sauveur des emplois ». Dans la foulée, il fait marche arrière devant la colère des chauffeurs de taxis, et il trouve dans des caisses « plus que vides » de l’argent. Assez d’argent pour annoncer l’augmentation de 0,5 % du point d’indice des fonctionnaires, pour octroyer un acompte de 200 euros sur la revalorisation annoncée des petites retraites et pour relever de 25 % le minimum vieillesse… d’ici 2012.
Ces coups de pouce électoraux, censés calmer la grogne actuelle, ne font pas une seule seconde illusion. La promesse de relever de 25 % le minimum vieillesse d’ici 2012 consiste très concrètement à faire passer, au bout de cinq ans, ce minimum social de 628 euros à 785 euros. Autrement dit, les 600 000 personnes concernées seront toujours, au bout de cette mandature, en dessous du seuil de pauvreté – 817 euros, selon l’Union européenne. On est donc loin, très loin, du compte. Mais, surtout, cela laisse entier le problème du pouvoir d’achat des 13 millions de retraités, en recul constant depuis des années (moins 20 % en cinq ans). Et là, le gouvernement n’est pas parti pour inverser la tendance : pour 2008, les pensions ont été relevées de 1,1 %, soit moins que le rythme actuel de l’inflation (2,5 %). Quant aux basses pensions proprement dites, abusivement assimilées dans son discours, au minimum vieillesse, Nicolas Sarkozy n’a, à ce jour, rien dit de précis.
Selon la dernière étude officielle réalisée sur le sujet, un salarié sur deux ayant une carrière complète à son actif part actuellement avec moins de 600 euros par mois. À quoi il faut ajouter une retraite complémentaire estimée en moyenne à 150 euros. Et le phénomène est en croissance régulière : les bénéficiaires du minimum contributif représentaient seulement 33 % des pensions attribuées en 1990, 40 % en 2000. Cette situation est le résultat du développement de la précarité, dont les femmes sont les premières touchées et, bien sûr, des différentes contre-réformes des retraites. La réforme Balladur, puis le plan Fillon de 2003 ont remis en cause le droit à la retraite à 60 ans ; les accords Arrco-Agirc de 1996 ont, eux aussi, remis en cause les retraites complémentaires, réduisant régulièrement le pouvoir d’achat du point. Au total, les mesures prises depuis plus de dix ans ont toutes le même effet : il sera de plus en plus difficile de partir à la retraite à 60 ans à taux plein, le taux de remplacement baisse régulièrement, ainsi que la valeur du salaire de référence puisqu’il est basé sur les 25 meilleures annuités. Cela amène inexorablement à la baisse du montant des retraites, et les salariés du public suivent désormais la même pente que ceux du privé. Le prétexte invoqué pour toutes ces régressions est la courbe démographique, qui mettrait en péril les régimes de retraite, vieille rengaine que l’on a beaucoup entendue depuis 2003.
Mais les annonces de Fillon et Sarkozy ne doivent pas nous faire oublier qu’elles ont été faites lors de la conférence de la protection sociale. Cette conférence a fixé le calendrier 2008 des futures attaques, en particulier sur les retraites et l’assurance maladie, dont l’essentiel devrait faire l’objet de lois d’ici l’été ou, au plus tard, à l’automne. Si l’on en croit cette réunion, la question des retraites devrait être traitée en avril et en mai prochains, pour faire ensuite l’objet de décret ou de projet de loi. L’allongement de la durée de cotisation à 41 ans d’ici 2012 serait purement et simplement confirmé ! Du côté de l’assurance maladie, Sarkozy a annoncé la mise en place, en 2009, du « cinquième risque de protection sociale », destiné à couvrir la dépendance des personnes âgées, et qui donnera la part belle aux assurances privées chères à Sarkozy et au Medef.
Nos retraites, notre protection sociale sont bel et bien dans le collimateur du gouvernement et du Medef après les municipales. D’ores et déjà, il est, plus que jamais important de se mobiliser ensemble pour exiger un système égalitaire : retour aux 37,5 annuités pour tous et toutes, départ à la retraite à taux plein à 60 ans – et même avant pour tous les métiers pénibles –, aucune pension inférieure au Smic et augmentation de 300 euros net des retraites. Pour cela, nous devons, dès à présent, partout où c’est possible, créer des collectifs unitaires sur les retraites et la protection sociale, afin de préparer un mouvement d’ensemble, seul à même de faire reculer le gouvernement.
Joséphine Simplon (Premier plan)
FONCTION PUBLIQUE : Non à la réforme ! Du salaire !
Le gouvernement prétend vendre sa réforme qui aboutirait, s’il réussissait, à la disparition de la fonction publique, contre une augmentation dérisoire de salaire. Les organisations syndicales ont quitté les négociations. Reste à organiser la mobilisation.
Peu d’écho a été donné à la semaine de la fonction publique, du 1er au 8 février, comme à la rencontre entre le Premier ministre et les organisations syndicales, qui s’est déroulée le 4 février dernier. Fillon a présenté à ces dernières ce que Force ouvrière a appelé, à juste titre, « la mise en place d’un plan social dans la fonction publique afin d’accompagner les suppressions de postes ». Mais, pour le secrétaire d’État à la Fonction publique, André Santini, en déplacement à la préfecture de Créteil, le 4 février, il s’agirait d’un « droit »… « à la mobilité ». C’est une des expressions qu’avait employées Sarkozy dans son discours de Nantes, le 19 décembre. Une piètre tentative de camoufler le recul que signifierait, pour les fonctionnaires, la mise en place des mesures prévues par le gouvernement.
Un « contrat de transition professionnelle » est prévu, comme dans le privé, « pour un fonctionnaire, précisent Les Échos en citant le projet de loi du gouvernement, “privé d’affectation par suite d’une suppression ou d’une modification substantielle de son emploi”. Il consisterait en des “actions de formation ou de reconversion professionnelles” pouvant même conduire l’agent “à exercer des missions temporaires” auprès d’autres services, et ce pendant une durée pouvant aller jusqu’à deux ans ». Par ailleurs, l’autorisation serait donnée aux administrations de recourir à l’intérim, afin de « limiter la constitution d’un volant d’emplois précaires dans l’administration ». Quelle hypocrisie ! Si le gouvernement voulait réellement s’attaquer à la précarité, bien réelle dans la fonction publique, il n’aurait qu’à titulariser les salariés précaires. Son objectif est bien loin de l’intention affichée, d’autant que, dans le même temps, il parle de créer des « agences de service public » qui, à terme, remplaceraient les administrations comme employeurs. Enfin, un projet de décret prévoit une « indemnité de départ volontaire ».
« Prime de départ, intérim, reconversion », résume le journal Les Échos, qui voit une « petite révolution » dans un plan utilisant les recettes du privé pour accompagner la suppression des postes de fonctionnaires. Qui ne comprend pas que, à plus long terme, il s’agit, ni plus ni moins, de la disparition du statut et de la privatisation de la fonction publique ?
Pour obtenir l’aval des directions des fédérations syndicales de fonctionnaires, le gouvernement avait fait miroiter l’augmentation du point d’indice. Il ferait, à l’entendre, un geste. Mais le chiffre est tombé le 5 février : 0,5 %, dont le ministre, Éric Woerth, précise qu’il « tient compte de la priorité que nous accordons au pouvoir d’achat ». Et d’ajouter que « l’effort de l’État représentera en moyenne une progression de 3,7 % de la rémunération des fonctionnaires », qu’il obtient en y incluant des hausses dues à l’ancienneté, qui sont habituelles, et… des heures supplémentaires ou la monétisation des comptes épargne temps. 0,5 % représente 354 millions d’euros, alors que, selon le syndicat des Impôts, le Snui, 18 000 contribuables pourraient se voir rembourser 563 millions d’euros au titre du bouclier fiscal.
Devant de telles provocations, la majorité des fédérations de fonctionnaires a décidé de ne pas assister aux réunions que le gouvernement avait programmées les 6 et 7 février. Sans autre indication précise pour la suite.
Le gouvernement a affiché son mépris et son cynisme. C’était couru d’avance, tant il est clair que ces négociations sans luttes ne sont que des jeux de dupes par lesquels il cherche à obtenir la caution des organisations syndicales à ses réformes. Pour l’empêcher de les mettre en œuvre, le minimum serait de claquer réellement la porte, d’alerter l’opinion sur le contenu réel des réformes, de programmer un plan de mobilisation qui ne se borne pas à une journée sans lendemain.
Galia Trépère
SMIC-RMI : Punir les plus pauvres
Alors que monte la colère sur le pouvoir d’achat, deux contre-réformes importantes, contre le Smic et le RMI, se préparent.
Le « président du pouvoir d’achat » est décidément un gredin. Coup sur
coup – mais est-ce vraiment un hasard ? –, il s’attaque à deux droits emblématiques : le Smic et le RMI. Ceux qui n’ont que le minimum sont soupçonnés d’avoir trop, de briser la compétitivité de l’économie, ou de frauder.
L’attaque la plus grave, imminente, concerne les RMIstes, les bénéficiaires de l’allocation de parent isolé (API), de la couverture maladie universelle (CMU) et autres prestations. Un décret en cours vise à soumettre le bénéfice de ces prestations, non plus aux conditions de ressources, mais à une « évaluation du train de vie ». Déjà, le RMI n’est pas un véritable droit individuel, puisqu’il dépend des revenus du foyer. Dorénavant, si, avec ou sans votre conjoint, vous disposez d’une voiture, d’un téléviseur, d’un ordinateur, on pourra vous supprimer vos allocations selon la valeur de vos biens. Une liste des éléments de « train de vie » a été établie avec des coefficients (6,5 % de la valeur d’une voiture, 25 % de la valeur de l’appartement, etc.). Et le décret stipule que « le droit au RMI est remis en cause lorsque le montant de l’évaluation est supérieur ou égal à la moitié du montant annuel du RMI ».
Tout cela est bien entendu dirigé contre les « fraudeurs ». Par exemple, les « citoyens européens émigrés qui ont de bons revenus dans leur pays, mais réclament le RMI en France ». Le ministère de l’Économie ne dénonce jamais les fraudes des riches qui passent au travers de l’impôt sur le revenu. La fraude fiscale est pourtant estimée à plusieurs dizaines de milliards d’euros. En revanche, selon la Caisse nationale d’allocations familiales, la fraude aux prestations ne serait que de 35 millions d’euros, soit seulement 1 % ou 2 % de l’enveloppe du RMI, qui est de plus de 5 milliards. Néanmoins, la chasse aux pauvres est ouverte…
Autre contre-réforme, le Smic. Sarkozy l’avait « promis » dans son discours social de septembre 2007 : il veut faire évaluer le Smic par une « commission indépendante ». Le Conseil d’orientation pour l’emploi (COE), comprenant des « experts », des parlementaires, le Medef et les syndicats, a donc planché sur la question, et il a rendu son verdict. Il estime que « la progression rapide du Smic » (sic) a pour effet de « déformer l’échelle des salaires et d’alourdir le coût du travail, malgré les allègements de cotisations ». Mais, comme il ne faut pas aller trop vite, les règles de fixation du Smic en fonction de l’inflation, son « unicité » sur tout le territoire, ne sont, pour l’instant, pas encore remises en cause. Une commission de trois « experts » étudiera donc la réévaluation du Smic en janvier, et non plus en juillet comme cela se fait actuellement, et elle proposera un montant à la Commission nationale de la négociation collective (CNNC) et aux pouvoirs publics. Le Medef en voulait plus, mais il a tout de même voté pour, car cela ouvre la porte pour en faire plus. Il a été accompagné dans ce vote par tous les syndicats, sauf la CGT. Triste période.
Dominique Mezzi