L’information en provenance de Birmanie est une denrée rare. Le rapport d’Info Birmanie publié aujourd’hui, que Libération s’est procuré, vient à point nommé éclairer la répression de la révolution safran de septembre. Dans son document de 78 pages, l’association française, qui depuis douze ans exerce une veille sur cette dictature du sud-est asiatique, revient en détail sur les événements de l’automne. Deux membres d’Info Birmanie se sont rendus en Birmanie et en Thaïlande du 15 au 30 novembre. Ils ont rencontré des témoins, des exilés, des victimes et des proches de disparus. Avec une « bonne centaine de témoignages » à l’appui, selon l’auteur du rapport Achraf Sebbahi, ils relatent la mise en coupe réglée de l’opposition et de la population, à partir du 25 septembre, qui marque le début d’une répression féroce.
L’association indique ainsi que « 138 personnes seraient mortes durant les manifestations de septembre, ou des suites de leurs blessures ». Les autorités birmanes avaient avancé, elles, le chiffre « de 15 personnes » décédées, « l’émissaire de l’ONU, 34 ». Le document évoque notamment le cas du journaliste japonais Kenji Nagai, « délibérément abattu par un agent » du pouvoir birman. Info Birmanie précise également avoir été informée de « nombreux cas de disparitions. Il s’agit pour une grande majorité de cas de moines bouddhistes ». « 84 familles ont fait officiellement des démarches auprès de la Croix-Rouge et des groupes d’opposition, affirme Achraf Sebbahi, pour retrouver un de leurs proches. »
Ces disparitions s’expliqueraient par le fait que des Birmans ont pris la fuite pour échapper aux exactions de l’armée et des milices gouvernementales. C’est du moins la thèse de la junte. Info Birmanie évoque également la « crémation de 91 corps entre le 27 et le 30 septembre à Rangoun et l’enterrement de personnes vivantes ». Mais ces informations, « communiquées par plusieurs personnes », n’ont pu être certifiées.
Le rapport rappelle que plus de 4 000 personnes ont été arrêtées dans la foulée des manifestations. Si près de 3 000 d’entre elles ont été relâchées, Info Birmanie écrit que 706 autres restent en détention aux côtés des 1 158 prisonniers politiques déjà incarcérés. Outre la censure et la chasse aux journalistes, Info Birmanie rapporte enfin des cas de tortures (« coups, pendaisons »), de privations de sommeil et de nourriture que la junte pratique jusqu’alors sans contestation internationale.