AGGLOMÉRATION NANTAISE (LOIRE-ATLANTIQUE) : À gauche toute
« Ça bouge à gauche de la gauche. » Ce titre d’un article paru dans « Presse-Océan » résume assez bien ce qu’il se passe dans l’agglomération nantaise, dominée par le « système Ayrault » [1]. La présence de trois listes « À gauche toute ! » aux prochaines municipales constitue une nouveauté pour l’agglomération.
En 2001, Ensemble Saint-Herblain autrement (Esha) avait présenté une liste alternative à celle du PS, recueillant alors 23% des voix. Cette fois, l’association a négocié et fusionné avec la liste du maire sortant, Charles Gautier (PS). Mais cette position n’a pas fait l’unanimité. Résultat : certains ont souhaité constituer une liste vraiment à gauche, avec la LCR et Emgann [2]. Dans le même temps, à Nantes, la LCR a pris l’initiative de monter une liste, s’adressant à tous ceux et toutes celles qui se reconnaissent dans une politique anticapitaliste. Lutte ouvrière a refusé d’emblée, avant de changer d’avis mi-janvier, exigeant alors de mener la liste « Nantes, à gauche toute ! ». Les Alternatifs, préférant garder des strapontins au conseil municipal et à la Communauté urbaine de Nantes ont rejoint une nouvelle fois Jean-Marc Ayrault (choix que le PCF avait rendu public depuis longtemps déjà). Emgann et des militants syndicaux et associatifs se sont associés à la liste. À Rezé aussi, une liste « À gauche toute ! » s’est constituée, regroupant des militants de la LCR, des antilibéraux, des syndicalistes, des associatifs et, comme à Nantes et Saint-Herblain, des personnes pour qui c’est le premier engagement.
Une dynamique collective commence à se créer autour des 147 candidats et candidates : comités de soutien, commissions, diffusions de tracts, apparitions dans les médias… Ces listes, qui s’opposent fermement à la droite et à l’extrême droite3, seront l’opposition de gauche dans les conseils municipaux à majorité PS, sauf énorme surprise, souhaitant ainsi construire une alternative de gauche à la gestion sociale-libérale des municipalités et de la CUN. Elles répondent à un véritable besoin. Comprenant également que les enjeux dépassent le cadre strictement municipal, elles commencent à s’organiser et à apparaître ensemble. Des initiatives communes sont déjà organisées et aboutiront à la co-organisation d’un meeting en fin de campagne. La volonté de s’inscrire dans la durée est également palpable. Rendez-vous est déjà pris pour continuer à travailler avec les futurs élus.
David Blanchard
NANTES
280 600 habitants.
Maire sortant : Jean-Marc Ayrault (PS).
La LCR ne s’est jamais présentée aux municipales.
65 sièges sont à pourvoir au conseil municipal.
Les cinq listes présentes en 2001 : PS-PCF-Verts-Alternatifs (54,94 %, 52 élus), droite (34,14 %, 12 élus), LO (5,60 %, 1 élue), FN (3,02 %), MNR (2,35 %).
SAINT-HERBLAIN
43 600 habitants.
Maire sortant : Charles Gautier (PS).
La LCR ne s’est jamais présentée aux municipales.
43 sièges sont à pourvoir au conseil municipal.
Les listes présentes en 2001 : PS-PCF (1er tour, 46,13 %, 2e tour, 49,54 %, 32 élus), droite (1er tour, 28,98 %, 2e tour, 27,18 %, 7 élus), Esha (1er tour, 24,89 %, 2e tour, 23,28 %, 5 élus).
REZÉ
37 200 habitants.
Maire sortant : Gilles Retière (PS).
La LCR ne s’est jamais présentée aux municipales.
39 sièges sont à pourvoir au conseil municipal.
Les deux listes présentes en 2001 : PS-PCF-Verts (62,80 %, 32 élus), droite (37,20 %, 7 élus).
Notes
1. Le PS et Jean-Marc Ayrault détiennent tous les leviers du pouvoir local : conseil régional, conseil général, Communauté urbaine de Nantes (CUN), mairie des quatre plus grandes villes du département (Nantes, Saint-Nazaire, Saint-Herblain et Rezé). Par ailleurs, notons que Jean-Marc Ayrault conjugue le verbe « cumuler » à merveille : il est député, président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, maire et président de la CUN.
2. Gauche indépendantiste bretonne.
3. Contrairement à 2001, il n’y aura aucune liste d’extrême droite à ces municipales.
* Rouge n°2239 du 14/02/2008.
VIGNEUX-SUR-SEINE (ESSONNE) : « L’humain, avant la finance »
La liste de la gauche anticapitaliste « Pour Vigneux, la gauche des luttes et des solidarités » a la particularité de regrouper le PCF, la LCR et LO. Joëlle Surat (PCF) est tête de liste.
Pourquoi faire une liste avec la LCR et LO, et non pas avec le PS, comme c’est souvent le cas à ces élections municipales, pour les militants du Parti communiste ?
Joëlle Surat – Les socialistes ne sont pas dans les mêmes combats que nous. Que ce soit sur le référendum, les retraites et sur les autres thèmes nationaux, nous ne sommes pas d’accord avec les socialistes. Ensuite, une majorité des militants de notre section pense que la chute du PCF est due aux alliances nouées depuis des années avec le Parti socialiste. D’un certain point de vue, nous nous sommes fait absorber par les socialistes. En tant que communistes, nous avons envie d’exister entièrement. Nous nous sommes donc retrouvés avec les militants de la LCR, de Lutte ouvrière et des non-encartés, afin de relancer cette dynamique communiste localement.
Comment s’est déroulé le processus qui a mené à la constitution de la liste ?
J. Surat – Les militants de la section PCF de Vigneux avaient envie de se positionner bien à gauche, et ceux de la LCR nous avaient indiqué leur propre envie d’une liste de rassemblement anticapitaliste. Nous nous sommes réunis à plusieurs reprises. La direction du PC nous a donné la ligne à suivre, mais nous ne nous sommes pas retrouvés dans cette ligne. Un vote a donc eu lieu en section, sur trois choix : le premier consistait à faire une liste avec le PS, selon la ligne nationale du PCF (30 % des votes) ; le deuxième à faire une liste avec LO et la LCR (50 % des votants) ; et le troisième, qui nous a été soumis le jour du vote, à faire une liste PCF sans partenaire (20 %).
Quels sont les principaux axes de votre campagne ?
J. Surat – La base de notre programme : un plan d’urgence sociale et démocratique. Une vraie démocratie locale, la défense des services publics (avec, par exemple, la remunicipalisation de l’eau ou la création d’un dispensaire municipal) et la question du logement. L’actuelle majorité municipale de droite a, en effet, bradé la ville aux promoteurs au détriment du logement social. Nous voulons faire une ville humaine car, pour reprendre le slogan de la LCR, « la vie vaut plus que leurs profits ». L’humain, avant la finance.
Quelles sont, plus précisément, vos orientations en matière de démocratie locale ?
J. Surat – Nous voulons faire vivre la démocratie, concrètement, à travers des conseils de quartier. Tous les habitants, dès 16 ans et toutes nationalités confondues, doivent pouvoir être électeurs et éligibles pour ces conseils. Ceux-ci contrôleront l’ensemble des travaux du conseil municipal, budget compris. Ainsi, les décisions prises répondront au mieux aux besoins des habitants. Notre liste est représentative de l’image de notre ville, une diversité dans les professions, les âges, les quartiers et les origines. Ces candidats sont des militants, pas des carriéristes, ils seront des élus déterminés au service exclusif d’une population qu’ils veulent associer à leurs décisions.
VIGNEUX-SUR-SEINE
Nombre d’habitants (2005) : 26 616.
Ouvriers et employés : 39,4 % ; retraités : 18,3 % ; professions intermédiaires : 12,9 % ; chômeurs (12,9 %). Étrangers : 11,5 %.
Moins de 20 ans : 29 %.
Résultats aux législatives de 2007 : UMP : 44,94 % ; UDF : 7,6 % ; FN : 5 % ; PS : 25,14 % ; Verts : 2,91 % ; PCF (Joëlle Surat) : 7,53 % ;
LCR : 4,19 % ; LO : 1,37 %.
Maire sortant : Serge Poinsot (UMP).
Propos recueillis par Thibault Blondin
* Rouge n°2239 du 14/02/2008.
MÉNIL-LA-HORGNE (MEUSE) : Équation compliquée
Comment concilier un engagement municipal avec des convictions marxistes révolutionnaires ? Une position de minoritaire propagandiste au sein d’un exécutif semble la seule utile…
Parole d’élu
Maire d’un petit village de la Meuse, je suis convoqué par le sous-préfet quelques jours après mon élection, en mars 2001. Celui-ci me demande comment je compte concilier mes engagements militants avec ma fonction municipale ! Je lui signifie qu’en aucun cas, la pression qu’il exerce par sa convocation n’aura de poids sur mon attitude et que je suis indigné par ce procédé. Mais je suis inquiet : et si ma commune pâtissait de mon engagement ? Serai-je confronté à des situations où je devrai choisir ? L’avenir me montrera que oui.
Opposant notoire au projet d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure, près de mon village, je suis contacté par les renseignements généraux (RG) alors que j’organise une manifestation contre le projet. À cette époque, j’attends une autorisation préfectorale pour l’implantation de trois éoliennes sur le territoire de ma commune. « Et vos éoliennes, savez-vous si vous les aurez ? », m’interroge, au détour d’une phrase, le chef des RG, alors que je refuse de lui donner des indications sur la manifestation. Menace, intox, ou simple hasard ?
Toujours est-il que notre projet éolien a mis quatre ans et demi pour aboutir, là où d’autres en mettent deux. S’il s’agit vraiment d’une « punition », le préjudice subi par ma commune en taxe professionnelle s’élève à 90 000 euros.
Autre exemple : des « fonds d’accompagnement » du laboratoire d’enfouissement des déchets nucléaires sont proposés aux communes de mon département. Il s’agit là d’une véritable corruption institutionnalisée, car il n’y a, pour l’heure, aucun déchet nucléaire en Meuse, et donc aucune nuisance à compenser dans l’immédiat. Comme les collectivités locales auront à donner un avis lors de l’enquête publique réalisée à l’occasion de la création du centre de stockage souterrain.... Compte tenu des millions qui sont distribués, on devine déjà que l’affaire est entendue. Notre conseil municipal a décidé de créer deux logements communaux, et le projet était potentiellement subventionnable par cet argent sale.
Un rapide sondage des habitants et des conseillers ne me laissait guère de doute : l’écrasante majorité était prête à accepter ces subsides, bien que notre commune se soit prononcée contre le projet d’enfouissement, et que 94 des 110 électeurs du village aient signé une pétition de protestation contre Bure. Dès lors, ma décision était prise : on ne verrait pas ma signature au bas de la demande de subvention, et je remettrai ma démission. Mais les règles d’attribution de cette manne atomique furent changées, et il me fut signifié, par les autorités départementales, que les logements communaux n’étaient plus éligibles aux fameux « fonds d’accompagnement. » Il était dit que je mènerai mon mandat à terme.
Mais, à l’heure du bilan, je mesure toutes les contradictions d’un tel engagement. Qu’on le veuille ou non, il s’agit de gérer la pénurie, ce qui est peu compatible avec nos convictions. Par exemple, j’ai été amené à voter le passage à mi-temps de l’employé communal : pour le plein-temps, il aurait fallu tripler les impôts locaux.
Claude Kaiser
GROS PLAN
Ménil-la-Horgne (Meuse)
150 habitants.
100 électeurs, 12 voix pour Olivier Besancenot en 2007.
La section LCR de la Meuse
(34 adhérents) a été créée fin 2002, à Bar-le-Duc.
* Rouge n°2239 du 14/02/2008.
VITRY-SUR-SEINE : Bilan d’une expérience
À Vitry, depuis sept ans, deux militants de la LCR siègent au conseil municipal. Une riche expérience, marquée notamment par un combat sans concession contre la tentation sécuritaire et la fausse bonne idée de la zone franche urbaine.
Quatre vingt-mille habitants, une vaste zone anciennement industrielle, avec l’usine Sanofi-Avantis (ex-Rhône-Poulenc puis Aventis) où il ne reste plus que 600 salariés et qui en comptait 3 000 il y a 30 ans. Son centre de recherche est le « noyau dur » du pôle de compétitivité « Meditech-Santé ».
43 % de logements sociaux, avec des promoteurs comme Nexity, qui construisent beaucoup et revendent des appartements à près de 4 000 euros le mètre carré.
Vitry, c’est aussi une ville de mélanges : Maliens, Italiens, Algériens, Portugais, Chinois, Blacks-Blancs-Beurs. Le mouvement antiraciste et RESF y ont une activité importante. Des dizaines de Roms en ont été expulsés entre 2004 et 2005. C’est là aussi que Sohane a été brûlée vive, tuée par la violence machiste.
Mais la ville sait également se mobiliser pour défendre l’emploi, les services publics, les sans-papiers, et les taux de grèves sont toujours au-dessus de la moyenne nationale.
Depuis 1925, Vitry est gérée par le PCF et, depuis 1965, par l’Union de la gauche sous la direction du PCF. Cette hégémonie est bien entamée aujourd’hui. Depuis dix ans, à toutes les élections nationales, le PCF est assez loin derrière le PS.
La LCR existe à Vitry depuis longtemps, elle a obtenu deux élus municipaux en 2001 (8,5 % des voix pour la LCR et 56 % pour la liste PC- PS-Verts-PRG). À la dernière présidentielle, Ségolène Royal a obtenu 35 % des voix, Marie-George Buffet 5,5 % et Olivier Besancenot 4,8 %.
Pour le scrutin municipal de mars 2008, l’Union de la gauche a explosé. PS, Verts, PRG et MRC ont décidé de partir seuls derrière Jean-Marc Bourjac, conseiller régional et adjoint au maire. Le PCF essaye d’élargir sa liste et les tensions sont très vives entre ces deux listes. Sans grande conviction, le PCF a essayé de proposer à la LCR une participation sur sa liste, tout en implorant, dans ses tracts, le PS pour qu’il revienne à la raison.
Du fait des divergences très importantes sur le bilan municipal (création d’une police municipale, d’une zone franche urbaine, politique vis-à-vis des Roms), la LCR de Vitry a décidé de présenter une liste, très ouverte à de nombreux syndicalistes et militants associatifs. Elle fonctionne collectivement, avec des réunions hebdomadaires très fréquentées, et avance des propositions sur le logement, les transports, l’environnement, la gestion de l’eau en régie directe. Malgré la concurrence très forte à gauche, la liste, très dynamique, est bien visible. Quel que soit le résultat, l’expérience partagée avec beaucoup plus de personnes que lors des campagnes précédentes ouvre des perspectives de discussions intéressantes, pour avancer vers la création du nouveau parti dans cette commune marquée par l’histoire du communisme municipal.
Bernard Galin
* Paru dans Rouge n° 2238, 07/02/2008.
MUNICIPALES 2008 : Paroles d’élus
A Vitry-sur-Seine, la liste municipale PC-PS-Verts-PRG est élue en mars 2001 au premier tour, celle de la LCR obtenant 8,5 % des voix et deux élus. À cette époque, on est en plein dans la pré-présidentielle de 2002, et, de Le Pen à Chevènement, tous les candidats font de la surenchère sécuritaire.
Six mois après son élection, le maire PCF décide, conformément à son programme, de créer une police municipale de 70 membres, « non armés » précise t-il, pour un coût estimé de 2 millions d’euros. La LCR et ses deux élus ont dénoncé le projet et constitué un collectif unitaire avec des associations aussi diverses qu’Attac, la CGT des territoriaux, la CNL. Début 2003, un référendum a été organisé et, grâce à une campagne intense du collectif, le « non » a obtenu 38 %, ce qui est un résultat significatif dans ce contexte.
Quelques élus du PCF et du PS voteront « non » lors du conseil municipal. Depuis, la police municipale a été équipée de tonfas. La présence de deux élus LCR au conseil municipal a grandement contribué à ce qu’un courant de gauche, hostile à la dérive sécuritaire, puisse s’exprimer. Depuis, notre vigilance particulière sur ce dossier permet d’informer celles et ceux qui se sont mobilisés contre un projet qui est loin d’avoir emporté la conviction dans cette ville très marquée à gauche !
Danièle Poupardin et Bernard Galin, élus LCR de Vitry
* Paru dans Rouge n° 2238, 07/02/2008.
MUNICIPALES 2008
En bref
• Le Havre. « Le PC refuse la main tendue de la LCR », a titré Le Havre libre, mercredi 23 janvier. Après avoir rencontré le PCF afin de constituer une liste anticapitaliste sur la ville, après discussions, les militants des différentes organisations sont tombés d’accord sur les mesures locales à adopter. Cependant, le PC voulait une liste d’Union de la gauche et la tête de liste. Résultat, PS, PRG et Verts partent ensemble et le PC se retrouve seul et diviseur. De son côté, la liste soutenue par la LCR se porte bien : premier tract distribué à la manifestation du 24 sur le pouvoir d’achat dans la fonction publique, conférence de presse, des réunions toutes les semaines. Quatre commissions se sont constituées : culture, précarité, écologie et logement, afin d’élaborer le programme municipal. Une commission santé se réunira aussi en réaction à l’annonce de la suppression de 500 emplois à l’hôpital public. Autre combat important de cette campagne : le refus de la construction de deux centrales thermiques à charbon privées alors qu’il en existe déjà une, appartenant à EDF, satisfaisant les besoins. La liste semble bien partie pour dépasser son score de 2001 (3,84 %) afin d’avoir des élus pour porter ces combats.
* Paru dans Rouge n° 2238, 07/02/2008.