Le principal parti d’opposition taïwanais, le Kouomintang (KMT), favorable à un rapprochement avec Pékin, a massivement remporté, samedi 12 janvier, les élections législatives sur l’île en enlevant les deux tiers des sièges au Parlement, avec 83 sièges sur 113. Le Parti démocratique et progressiste (DPP) de l’actuel président Chen Shui-bian, issu de la mouvance indépendantiste insulaire, se retrouve marginalisé avec 27 sièges.
« C’est la pire défaite de l’histoire du DPP. Je demande vraiment pardon et je suis terriblement gêné », a déclaré M. Chen, qui a immédiatement démissionné de la présidence du parti. Au quartier général, où l’ambiance est sinistre, l’ancienne députée Bi Khim-hsiao s’alarme : « Cela va permettre au KMT de dominer la vie politique des prochaines années. »
La défaite est d’autant plus amère qu’en modifiant lui-même le découpage électoral et le mode de scrutin, le DPP a amplifié sa propre défaite. Certains bastions que l’on croyait imprenables, notamment dans le sud de l’île, ont basculé dans le camp du KMT.
Le vote indépendantiste qui représente, en voix, 37 % du corps électoral, n’a pas permis de gagner de sièges. « L’« effet pastèque » [qui tombe d’un côté ou de l’autre] » du nouveau système a donné 72 % des sièges au Kouomintang, qui n’a récolté qu’à peu près 52 % des voix. Par ailleurs, en s’abstenant assez massivement de se prononcer sur les deux référendums proposés parallèlement - lesquels n’ont donc pas été validés -, les Taïwanais ont indiqué qu’ils n’étaient pas dupes des tactiques de diversion que ces référendums représentaient.
Le vote de samedi est d’abord un vote de sanction à l’égard du président Chen, qui doit quitter la scène politique en mai, après deux mandats présidentiels. On lui reproche d’avoir dramatisé le clivage entre Taïwanais de souche (85 % de la population) et Taïwanais originaires du continent (15 %), débarqués dans le sillage des troupes en déroute du « généralissime » nationaliste Tchang Kaï-chek, défait par Mao en 1949. Ses critiques ont également mis en cause sa tendance à chercher la confrontation plutôt que le compromis dans les relations avec la Chine continentale, aggravant ainsi l’isolement international de Taïwan.
Plusieurs affaires de corruption, impliquant notamment sa femme et son gendre, ont aussi terni son image d’ancien activiste pro-démocratie, l’un de ses principaux atouts pour mettre fin au règne du Kouomintang en 2000.
D’après Jean-Pierre Cabestan, professeur à l’université baptiste de Hongkong, cet échec est dû « à l’incompétence du parti, mais aussi à une détérioration de la situation économique. Tout cela a amené les Taïwanais à soutenir de manière massive le projet du Kouomintang, qui est un projet d’ouverture sur la Chine, certes, mais surtout de reconstruction de l’économie, qui ne peut se faire qu’avec une relation apaisée avec la Chine ».
Le vrai défi pour le KMT, l’ex-parti nationaliste chinois, va être de gagner l’élection présidentielle du 22 mars. Son candidat est le très populaire Ma Ying-jeou, né à Hongkong, diplômé de Harvard, qui incarne la nouvelle garde du KMT. De son côté, le candidat du DPP, Hsieh Chang-ting, né à Taïpeh, n’a que deux mois pour achever sa prise de distance vis-à-vis du président Chen. Il va devoir convaincre les Taïwanais qu’il est le contre-pouvoir modéré et nécessaire à un Parlement complètement sous la coupe du Kouomintang.