Avec un grand courage, Sarkozy contourne la volonté populaire en imposant, par voie parlementaire, un traité dit de Lisbonne, qui est, sur le fond, le décalque exact du projet de traité constitutionnel rejeté dans les urnes le 29 mai 2005. Avec un grand courage, après avoir appelé avec fougue ses parlementaires... à boycotter le vote au Parlement, le Parti socialiste leur demande... de s’abstenir. Cela revient à laisser passer l’unique chance d’imposer un référendum : empêcher que se constitue une majorité de 3/5e de parlementaires favorables à la révision constitutionnelle qui permet d’éviter le vote de la population.
Mais, malgré tout son courage, tout ce beau monde ne parviendra pas à empêcher que s’expriment celles et ceux qui sont encore aujourd’hui résolument opposés à un traité prétendument modifié, mais dont la logique de fond demeure : il s’agit de constitutionnaliser la soumission de l’Europe au bon vouloir des multinationales, à une logique impérialiste et sécuritaire. Il s’agit de rendre impossible toute harmonisation par le haut des législations européennes. Le traité n’a de simplifié qu’un seul aspect : la tentative pour leur faire avaliser la logique qui les asservit ayant échoué en 2005, les peuples ne sont pas consultés et la démocratie est bafouée. En effet, tout porte à croire que, soumis au vote, le texte serait à nouveau rejeté, en France mais aussi en Espagne, en Italie ou en Allemagne, où une forte majorité de la population exige un référendum.
Pour dénoncer ce coup de force et affirmer la nécessité d’une autre Europe, solidaire, démocratique, au service des travailleuses, des travailleurs et des peuples, nous serons présentes et présents au meeting national unitaire, du 2 février à Paris. Et, lundi 4 février, les parlementaires ne pourront adopter les modifications constitutionnelles nécessaires à la ratification du « nouveau » traité dans le silence du château de Versailles : les partisans d’un référendum et les opposants au traité seront là pour faire entendre leur voix et dénoncer ce déni de démocratie.
Ingrid Hayes
* Paru en éditorial dans Rouge n° 2237 du 31 janvier 2008.
LE PS ET LE TRAITÉ DE LISBONNE : Une nouvelle capitulation
La journée du 15 janvier aura encore amplifié la crise qu’a ouverte au PS le nouveau traité européen de Lisbonne. Cette fois, c’est sur la question même du référendum que la confrontation s’est nouée.
Au Parti socialiste, l’attitude à prendre vis-à-vis de la construction libérale de l’Europe n’en finit plus de provoquer des secousses. À preuve, la journée du 15 janvier, qui devait voir chacun des groupes parlementaires, puis le bureau national, statuer sur l’attitude du parti lorsque le Congrès du Parlement se verra saisi, le 4 février, du projet de révision constitutionnelle qui doit précéder la ratification « simple », par les Assemblées, du nouveau traité, dit de Lisbonne. La question était d’importance.
Pour ne pas avoir à convoquer un nouveau référendum, Nicolas Sarkozy doit impérativement recueillir les 3/5 des voix de l’Assemblée commune des députés et sénateurs (soit 545). En l’état, l’UMP ne dispose que de 539 élus UMP et centristes divers. Les quinze souverainistes de droite ne semblant pas disposés à voter pour, les élus PCF étant décidés à voter contre, l’issue du scrutin dépend, presque exclusivement, de l’attitude des parlementaires socialistes. Qu’ils votent pour, s’abstiennent ou ne prennent pas part au vote, et le résultat sera le même : ils permettront au chef de l’État de passer en force. Pour dire les choses autrement, l’enjeu des débats du 15 janvier revenait finalement à savoir si le PS jouerait encore, fût-ce a minima, un rôle d’opposant (quelle que soit, par ailleurs, la position de ses diverses composantes sur le contenu de l’accord de Lisbonne), ou s’il servirait de supplétif pitoyable à l’autoritarisme sarkozyen.
Après avoir un temps tenté d’imposer au parti une position de « boycott » de la réunion du Congrès, et devant le tollé interne que provoqua cette dérobade trop visible, l’appareil de la rue de Solferino aura finalement fait adopter une position d’abstention laissant à chacun sa liberté de se prononcer en conscience. Ce que les plus libéraux des dirigeants du PS ont déjà traduit en indiquant qu’ils voteraient pour la révision constitutionnelle et pour le traité, tandis que la plupart des figures « nonistes » de 2005 adoptaient l’attitude inverse. Mais le sens de la décision majoritaire n’aura échappé à personne, Jean-Marc Ayrault, le président du groupe socialiste au Palais-Bourbon, s’étant chargé de l’expliciter : « Nous ne ferons rien qui empêchera la ratification. »
Au milieu de ces remous, un événement aura souligné la gravité de la crise intérieure. C’est ce même 15 janvier qu’intervenait la « niche parlementaire » du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (PCF et Verts), lequel avait déposé une proposition de loi en faveur d’un référendum. Celle-ci ne fut repoussée que par 176 voix contre 140. Sachant que communistes et Verts ne comptent, à l’Assemblée, que 24 élus, le renfort socialiste fut davantage qu’anecdotique…
C’est, bel et bien, à un déni de démocratie que la majorité du PS se prépare pourtant à s’associer, au mépris d’ailleurs de l’engagement de sa candidate à la présidentielle. Sauf si la pression d’en bas, celle des collectifs réactivés du 29 Mai et celle du Comité national pour un référendum, parvient à la faire reculer…
Christian Picquet
* Paru dans Rouge n° 2236, 24/01/2008.