Pour le Parti communiste, ce sont de mauvaises manières mais pour le Parti socialiste, c’est presque une faveur. Sur 35 villes de plus de 20 000 habitants dirigées par le PCF, 7 (Aubervilliers, La Courneuve, Bagnolet, Pierrefitte-sur-Seine, Vitry-sur-Seine, Denain et Vaulx-en-Velin) donneront lieu à des primaires à gauche lors des élections municipales de mars 2008. Ignorant les protestations du PCF qui en appelle au rassemblement, la direction du PS assure avoir fait preuve de modération. Au regard de l’évolution des rapports de force électoraux, mais aussi de l’impatience manifestée par sa base.
« Si, comme on nous pressait de le faire, nous nous étions basés sur les élections présidentielle et législatives, ce ne sont pas sept mais plus de trente primaires qui auraient eu lieu », souligne Bruno Le Roux, secrétaire national du PS aux élections. Bonté d’âme, charité socialiste ? Pas vraiment. « Localement, le PCF a reculé mais il résiste mieux qu’au plan national », constate François Hollande, premier secrétaire du PS.
« Rapportée à la réalité électorale, la représentation du PCF en Bretagne - trois vice-présidents de région et, parfois, autant d’élus municipaux que les Verts, alors que ceux-ci pèsent deux fois plus - est totalement disproportionnée », constate Jean-Claude Urvoas, député et premier secrétaire de la fédération PS du Finistère. Et les prochaines élections municipales n’y changeront rien, même s’il voit émerger un clivage générationnel. « Les militants qui ont construit le parti d’Epinay veulent préserver le PC - comme s’ils se sentaient un peu coupables de l’avoir supplanté -, mais les plus jeunes comprennent mal que, de ce fait, des places éligibles leur échappent », ajoute M. Urvoas.
COMMUNISME MUNICIPAL
En région parisienne, où le déclin communiste dans plusieurs citadelles est devenu patent, la tentation de faire cavalier seul est plus difficile à réfréner. Avant de pouvoir affronter le maire communiste d’Aubervilliers (73 000 habitants), le socialiste Jacques Salvator dit pourtant avoir dû batailler ferme avec la rue de Solférino. « Compte tenu du caractère emblématique de la ville », qui fut celle du résistant Charles Tillon et de Jack Ralite, ancien ministre de François Mitterrand, il a emporté la décision grâce à un sondage selon lequel les deux listes de gauche étaient au coude à coude. « Il s’agit de répondre à un désir de changement que le PCF, trop divisé, ne peut porter. Au point que certains électeurs se détourneraient d’une liste d’union de la gauche au profit de la droite », fait-il valoir.
En revanche, dans le Nord où le PCF reste influent, les maires communistes seront reconduits, sauf à Denain. « Dans le Valenciennois et le Douaisis, certains auraient aimé partir en primaires mais nous les en avons dissuadés », insiste Gilles Pargneaux, premier secrétaire fédéral du PS et maire d’Hellemmes. Celui-ci n’a pas hésité à exclure deux militants ayant constitué une liste contre le sortant communiste, à Raismes et Flines-lez-Raches.
M. Hollance - qui brigue la présidence du conseil général de Corrèze et a négocié avec le PCF un accord départemental - insiste sur un autre point. Selon lui, « on ne peut pas laisser les communistes dériver vers la radicalité », c’est-à-dire vers la création d’un rassemblement à la gauche de la gauche. L’intérêt bien compris du PS n’est donc pas de faire payer au prix fort le verdict des urnes.
Derrière la volonté de ne pas rayer de la carte le communisme municipal se joue une stratégie à plus long terme. Après les échéances de mars, la rue de Solférino proposera à ses partenaires de créer une « fédération de la gauche », premier pas vers la création d’une « grande force politique moderne ». Premier objectif : désigner un candidat unique de la gauche à l’élection présidentielle de 2012. D’ici là, le PS devra convaincre ses alliés qu’ils n’ont pas intérêt à investir de représentant au premier tour. Une perspective qui impose de ménager le PCF.