Sevelnord : grève pour les salaires et la dignité
Une grève a débuté, le mercredi 7 novembre, sur le site de Sevelnord (Nord). Les salariés revendiquent une hausse salariale et une prime de 1 200 euros .
« Des croissants et du jus d’orange, on n’en veut pas ! » : c’est par ce refus indigné que 200 salariés de Sevelnord se sont lancés dans la grève, le mercredi 7 novembre. Sevelnord est une filiale de PSA, qui emploie 3 600 salariés en CDI et 1 000 intérimaires. Elle fabrique des véhicules utilitaires (G9, Jumpy, Experts, Scudo), primés comme les meilleurs en Europe.
La direction a voulu « récompenser » le personnel en lui offrant, lors du briefing, des petits pains et du jus d’orange. Au lieu de salaires corrects, la direction a préféré le mépris : elle récolte une grève massive ! Ce sont les secteurs du ferrage et du montage qui ont déclenché le mouvement. Le briefing s’est transformé en colère revendicative, et les petits pains ont été jetés devant les bureaux des chefs. L’équipe de l’après-midi a transmis le mouvement à celle de nuit, et ainsi de suite. Vendredi 9 novembre, 900 salariés étaient en lutte.
La veille, les grévistes ont discuté, en assemblée générale, d’une plateforme revendicative proposée par l’intersyndicale (CGT, FO, CFTC). Ils exigent une prime de 1 200 euros net, l’ouverture de négociations salariales (la CGT demande 300 euros), l’augmentation de la majoration de nuit de 22 %, l’amélioration des conditions de travail, notamment par des créations de postes, et l’embauche des intérimaires. Jusqu’ici, la direction a catégoriquement refusé toutes ces revendications, repoussant les négociations salariales à plus tard. Les grévistes se sont donc installés pour un mouvement durable, commençant des collectes de soutien, décidant de rassemblements quotidiens afin que les équipes, se relaient entre le matin, l’après-midi et la nuit. Un journal de grève quotidien est publié.
Cette grève est l’écho des luttes salariales qui se déroulent dans l’automobile depuis plusieurs mois : à Citroën-Aulnay au printemps, dernièrement chez Smart (Lorraine), où les salariés ont gagné 75 euros après quelques jours de grève et un blocage du site jour et nuit. Elle témoigne du profond mécontentement sur les salaires et les conditions de travail, qui peut éclater à tout moment. À Sevelnord, il y a quelques jours, un débrayage d’atelier de treize personnes a débouché sur l’embauche de trois personnes supplémentaires, puis sur dix-huit renforts au secteur du montage. L’idée qu’on peut gagner a été propagée par la CGT : à 13, on obtient trois embauches, combien obtient-on à plusieurs centaines ?
Lundi 12 novembre, près de 1 000 salariés ont décidé de poursuivre la grève, malgré le lâchage de la CFTC et de FO. Le lendemain, les grévistes s’organisaient pour poursuivre et étendre le mouvement. La solidarité s’organise au niveau de la région et du groupe : l’Union des syndicats des travailleurs de la métallurgie CGT et la CGT de PSA Mulhouse appellent les syndicats de la branche et de la région à se mobiliser, et tous les salariés à refuser d’accepter des remplacements sur Sevelnord.
Correspondants
GRÈVE À FORD BLANQUEFORT
Ford Blanquefort : Relever la tête
Mardi 6 novembre, plus de 90 % des salariés de Ford Aquitaine industrie (FAI, production de boîtes automatiques), dont le site est menacé de fermeture en 2010, et plus de 30% d’employés de l’usine sœur, Getrag Ford transmission (GFT), ont fait grève à l’appel de l’intersyndicale (CGT, FO, CFTC, Unsa, CGC).
Mardi 6 novembre, plus de 1 200 salariés de Ford Aquitaine industrie – quelques collègues sous-traitants compris – ont manifesté à Blanquefort (Gironde). « C’est pas à la préfecture, c’est pas à la Drire [direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement, NDLR], c’est pas dans les salons, que nous aurons satisfaction ! » était-il scandé, ainsi que des slogans dénonçant les conditions de travail.
Devant la mairie de Blanquefort, un représentant du PCF et le maire socialiste sont intervenus pour expliquer que les élus agissaient dans leurs instances. Un camarade de la LCR a pu prendre la parole et a défendu la convergence des luttes pour changer le rapport de force. Après cette manifestation réussie, nous nous sommes réunis à environ 400 en assemblée générale (AG). Des prises de parole ont permis de dire que notre lutte n’était pas isolée, et que nous avions tout intérêt à nous joindre aux mobilisations en préparation. Le secrétaire du comité d’entreprise, seul représentant des organisations syndicales dans le « groupe de travail » mis en place par les pouvoirs publics et le patronat, a fait un compte rendu de leur réunion de la journée. Selon lui, le groupe de travail « aurait passé la première »… Dans l’assemblée, les commentaires étaient critiques : « Il ne croit pas à ce qu’il raconte. » En fin d’AG, la CGT, chaleureusement applaudie par l’assemblée, a appelé à remettre cela le 11 décembre.
Depuis un an et demi, plus de 700 emplois ont disparu, via des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) ou des préretraites, compromettant l’avenir des salariés et de l’usine, alors qu’en Europe, Ford affiche des bénéfices de plus d’un milliard d’euros sur l’année. Depuis la grève, la direction multiplie les réunions pour dire que cela va mieux et qu’elle a des projets pour l’avenir. Mais les salariés ne s’en laissent pas compter. Ils posent des questions et demandent des précisions que la direction est bien incapable de donner.
Aujourd’hui, les esprits sont tournés vers le prochain rendez-vous de mobilisation. La grève du 6 novembre a changé l’ambiance dans l’usine. La direction a commencé à s’activer et elle a annoncé des projets en cours le jour même de la grève. Comme le disait la presse : « Les salariés ont marqué un point. » Il faut donc continuer et ne rien lâcher.
Correspondants
INTERVIEW DE DEUX RESPONSABLES CGT
« Frapper encore plus fort »
Entretien avec Philippe Poutou, responsable du syndicat CGT de Ford Blanquefort.
• Comment expliquer le succès de la grève du 6 novembre ?
Depuis plusieurs mois, nous construisons la mobilisation. Le 24 février, nous étions 250 dans la rue, à l’appel de la seule CGT. Le 6 novembre, nous étions 1 200 à l’appel de l’intersyndicale, on mesure le chemin parcouru ! Si le cadre intersyndical est quelque chose auquel l’ensemble des salariés tient, la CGT a joué un rôle moteur dans la mobilisation et elle a très souvent permis de surmonter les réticences et les hésitations. La direction a mis le paquet, avec un discours à la fois rassurant et diviseur. Les deux usines de Blanquefort, FAI et GFT, ont un statut différent et la direction a laissé croire aux salariés de GFT qu’ils avaient plus de chances de sauver leur emploi. Mais les choses commencent à changer. Le 6 novembre, il y avait 90 % du personnel ouvrier de FAI en grève et 30 % à GFT. C’est-à-dire trois fois plus de grévistes à GFT qu’au débrayage précédent, le 15 octobre.
• En quoi le 15 octobre a-t-il été un tournant ?
C’est la première grande mobilisation dans l’usine. Au débrayage d’une heure et demie lancé par l’intersyndicale, il y a eu 800 participants. C’est la première fois que la CGC appelait au débrayage et que la maîtrise ne se mobilisait pas pour s’opposer à l’action. À ce moment, beaucoup ont pris conscience qu’il pouvait se passer quelque chose à Ford et le 6 novembre a été une confirmation du 15 octobre.
• Quelles sont les prochaines étapes ?
Ce qui a rythmé le calendrier de nos luttes, c’est la mise en place d’un « groupe de travail » rassemblant la direction, la direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement (Drire) et la préfecture. Il est censé élaborer des solutions pour sauver nos emplois. La prochaine étape de la mobilisation sera le 11 décembre, jour de la dernière réunion de ce groupe. Il faudra frapper encore plus fort et nous souhaitons une grève de 24 heures avec une manifestation, cette fois à Bordeaux. Tout le monde n’est pas sur cette position dans l’intersyndicale. La CGC veut « laisser travailler le groupe de travail », mais cette proposition n’est pas populaire dans l’usine. Les autres syndicats hésitent au sujet de la grève de 24 heures et de la manifestation à Bordeaux, mais une bonne partie des salariés fait pression. Dès le début, nous avons également tenu à ce que des liens soient tissés avec ceux de Solectron, une autre entreprise dont la fermeture est annoncée, et nous projetons une manifestation commune.
Propos recueillis par Olivier Dupuy
* Articles et interview parus dans Rouge N° 2227, 15/11/2007.
Smart, une grève qui paie
octobre 2007
Alors que les motifs d’exaspération sont nombreux, c’est sur la question du salaire que le conflit s’est cristallisé à l’usine Smart de Hambach (Moselle). Pas vraiment étonnant, car le salaire se situe en moyenne à 1 100 euros ! Le conflit a démarré, jeudi 4 octobre, à l’occasion de la négociation annuelle. La revendication des syndicats CGT et CFDT se situait en faveur d’une hausse entre 110 et 150 euros. La direction proposa d’abord… 0. Au moment où l’on apprend que Mercedes double ses profits et que les carnets de commandes sont pleins ! Sur le site de Hambach (Moselle), plusieurs entreprises non intégrées à Mercedes concourent à la production de la petite voiture : 400 salariés des 1900 de Smartville étaient concernés par cette négociation et 240 décidèrent de se mettre en grève.
L’ensemble du site de Hambach a été bloqué, jour et nuit ! La grève aura été un moment de grande mobilisation militante. Le piquet de grève a compté jusqu’à 200 personnes. Face à cette combativité, le patron a été contraint au recul. Bien au-delà de tout ce qu’il avait calculé : augmentation de 75 euros pour les ouvriers, 30 euros et 1 % pour les cadres, conversion de 25 CDD en CDI ! « Vraie victoire, mais petite victoire, dans la mesure où nous sommes à la moitié de notre revendication. Mais petite victoire pleine d’espérance, en ce sens que les négociations salariales vont s’ouvrir sur le site d’Hambach avec 75 euros comme repère. » C’est l’analyse que fait un militant de la CGT.
* Paru dans Rouge N° 2223, 18/10/2007.