ISLAMABAD CORRESPONDANTE
Ancienne star du cricket pakistanais et chef d’un petit parti d’opposition, Imran Khan a été arrêté, mercredi 14 novembre, sur le campus de l’université de Lahore où il était apparu, après une semaine de clandestinité, pour participer à une manifestation d’étudiants. Les circonstances de son arrestation - il a été remis à la police par des étudiants appartenant au parti religieux Jamaat-e-Islami - illustrent toutefois les divisions de l’opposition à un moment où l’ancien premier ministre Benazir Bhutto, en résidence surveillée à Lahore, tente de constituer un front commun contre le général Musharraf.
De sa cachette, Imran Khan, 55 ans, avait multiplié les déclarations hostiles au président, réclamant même pour lui la peine de mort. « Il sera accusé d’actes qui relèvent de la législation antiterroriste, notamment parce qu’au travers de ses discours, il a incité à prendre les armes et appelé à la désobéissance civile », a déclaré à l’AFP Malik Mohammad Iqbal, le chef de la police de Lahore. Les chefs d’accusation seront « incitation au soulèvement armé, à la désobéissance civile et à la haine ».
Toutes les tentatives de manifestation de l’opposition à Lahore ont été immédiatement et sévèrement réprimées, la province du Pendjab, dont Lahore est la capitale, étant le fief des dirigeants du parti présidentiel. Depuis plusieurs jours, les étudiants des diverses universités de la ville manifestent dans leurs campus et pour la première fois depuis longtemps, un mouvement politique agite les collèges et universités. A Islamabad, des jeunes des collèges huppés de la ville ont aussi brièvement manifesté pour réclamer la levée de l’état d’urgence instauré le 3 novembre. Partout dans le pays, des petites manifestations, immédiatement réprimées, se produisent, soulignant le refus des mesures d’urgence par une très large partie de la population.
PARLEMENT DISSOUS
De la maison où elle est assiégée depuis mardi pour l’empêcher de conduire une marche de protestation, Benazir Bhutto multiplie les contacts avec les partis d’opposition qui doivent décider de leur attitude face à des élections organisées sous l’état d’urgence. Un boycottage du scrutin, qui achèverait de lui enlever toute crédibilité, est envisagé. Un porte-parole de la Maison Blanche a réaffirmé, mercredi, que les Etats-Unis « ne voyaient pas la possibilité d’élections libres et honnêtes sous l’état d’urgence ». Un message que devrait réitérer le numéro deux du département d’Etat, John Negroponte, attendu en fin de semaine à Islamabad.
Après cinq ans de législature, le Parlement sera dissous jeudi à minuit et un gouvernement de transition sera nommé pour expédier les affaires courantes d’ici les élections. Celui-ci aurait dû toutefois être nommé après consultations avec l’opposition, ce qui ne sera pas le cas.
Françoise Chipaux
Article paru dans le Monde, édition du 16.11.07.
LE MONDE | 15.11.07 | 15h10 • Mis à jour le 15.11.07 | 15h10
Pakistan : un nouveau premier ministre de transition pour préparer le scrutin législatif
Alors que son propre mandat présidentiel expire officiellement jeudi 15 novembre, Pervez Musharraf devrait faire, vendredi, de l’actuel président du Sénat Mohammedmian Soomro le nouveau premier ministre de transition du pays. Cette décision, qui aurait dû être faite après consultations avec l’opposition, a été annoncée, jeudi, par un conseiller du chef de l’Etat. Elle intervient alors que le mandat de cinq ans du Parlement doit également prendre fin jeudi soir, et que le président n’a toujours pas annoncé de date pour la levée de l’état d’urgence et le rétablissement de la Constitution.
Après la dissolution du Parlement, jeudi à minuit, M. Soomro devra annoncer la composition de son gouvernement de transition. Il remplacera Shaukat Aziz, qui quittera la tête du gouvernement après trois ans à ce poste. Mohammedmian Soomro, membre du parti présidentiel de M. Musharraf, devra expédier les affaires courantes et préparer la tenue des élections législatives, que Pervez Musharraf a annoncées « avant le 9 janvier » .
« LES JOURS DU GÉNÉRAL MUSHARRAF AU POUVOIR SONT COMPTÉS »
En vertu de l’état d’urgence décrété par le président pakistanais, le 3 novembre, le gouvernement a annoncé que le mandat présidentiel sera automatiquement prolongé jusqu’à ce que la Cour suprême, qui doit reprendre son audience au cours de la semaine prochaine, se prononce sur la validité de sa réélection du 6 octobre.
L’opposition pakistanaise, comme la communauté internationale, continue, elle, de dénoncer la tenue d’élections législatives organisées sous le régime de l’état d’urgence. Et cette opposition, jusque-là en ordre dispersé, se rapproche chaque jour un peu plus d’une coalition, improbable il y a encore quelques jours, entre les deux anciens premiers ministres des années 1990 : Benazir Bhutto, assignée à résidence depuis trois jours, et Nawaz Sharif, en exil en Arabie saoudite.
A l’étranger, même les alliés les plus proches du président pakistanais commencent à douter de sa survie politique. Le New York Times rapporte ainsi dans son édition du 15 novembre que plusieurs hauts responsables américains ont reconnu, sous couvert d’anonymat, que « les jours du général Musharraf au pouvoir sont comptés et que les Etats-Unis devraient commencer à réfléchir à la possibilité de contacter d’autres généraux pakistanais ». Le numéro deux du département d’Etat, John Negroponte, qui a qualifié M. Musharraf d’allié « indispensable » de Washington, est attendu à Islamabad vendredi.
* LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 15.11.07 | 19h31 • Mis à jour le 15.11.07 | 19h54.