TOKYO CORRESPONDANT
Pour son premier voyage à l’étranger en tant que chef de gouvernement, Yasuo Fukuda se rendra à partir du vendredi 16 novembre aux Etats-Unis. Visite « obligée » au grand allié à laquelle s’était soustrait son prédécesseur Shinzo Abe, qui avait privilégié la Chine pour sa première sortie. Cette fois, il n’y a pas que la « tradition » qui explique le choix de Tokyo. Derrière l’« indéfectible » solidité des liens entre les deux pays, des différends n’en sont pas moins apparus.
Le Japon est dans une situation politique inédite avec une Chambre haute dominée depuis les élections sénatoriales de juillet par la principale formation de l’opposition, le Parti démocrate du Japon (PDJ). Bien que contrôlant la Chambre basse, le parti gouvernemental, libéral-démocrate (PLD), a perdu son hégémonie. L’un des enjeux du nouveau rapport de force entre les deux chambres concerne directement les Etats-Unis : le ravitaillement par la marine japonaise dans l’océan Indien des forces alliées engagées en Afghanistan.
Le PDJ s’oppose à la reconduction de la loi spéciale antiterrorisme, adoptée en décembre 2001, autorisant ce soutien logistique en faisant valoir que la participation du Japon à l’opération « Enduring Freedom » (Liberté immuable) lancée par les Etats-Unis en Afghanistan en octobre de la même année est contraire à la Constitution pacifique, car cette opération n’a pas l’aval des Nations unies. La marine japonaise a cessé ses opérations le 1er novembre, date de l’expiration de la loi spéciale.
RISQUE DE DÉTÉRIORATION
Washington a exprimé son plus vif déplaisir de l’arrêt du soutien logistique japonais, et Tokyo s’emploie à assurer ses interlocuteurs américains qu’il ne s’agit que d’une suspension temporaire. Le gouvernement vient de faire adopter in extremis par la Chambre basse un projet de loi autorisant la reprise du ravitaillement par la marine japonaise.
Ce geste de bonne volonté n’a guère de chance, pour l’instant, d’être entériné par la Chambre haute. Rejeté par celle-ci, le projet de loi devra être voté en deuxième lecture à la Chambre basse. Mais un éventuel passage en force pourrait entraîner une motion de défiance des sénateurs. Quel que soit le cas de figure, une reprise du soutien logistique nippon avant la fin de la session parlementaire, le 15 décembre, semble compromise.
Si les Etats-Unis sont mécontents de leur allié nippon enlisé dans ses batailles internes, Tokyo ne l’est pas moins de son mentor. Le retrait par Washington de la Corée du Nord de la liste des pays soutenant le terrorisme, qui ne semble plus qu’une question de semaines, va affaiblir la position du Japon dans le règlement de l’affaire d’une douzaine de ses ressortissants enlevés par des agents de Pyongyang dans les années 1970-1980. Pour Tokyo, plusieurs d’entre eux seraient encore détenus. Une question qui a pris dans l’opinion japonaise un caractère fortement émotionnel.
L’ambassadeur américain au Japon, Thomas Schieffer, a mis en garde Washington contre un risque d’une détérioration des relations avec le Japon si les pourparlers entre les Etats-Unis et la Corée du Nord progressent sans tenir compte du sort des kidnappés nippons.