L’opposant pakistanais et ex-star du cricket Imran Khan, arrêté le 13 novembre à Lahore, va être accusé, notamment, d’incitation au soulèvement armé dans le cadre des lois antiterroristes, a annoncé la police, mercredi 14 novembre.
« Il sera accusé de chefs qui relèvent de la législation antiterroriste, notamment parce qu’au travers de ses discours, il a incité à prendre les armes, appelé à la désobéissance civile et propagé la haine », a déclaré Malik Mohammad Iqbal, le chef de la police de Lahore. Le prévenu va être conduit en prison, ont indiqué des sources policières. Lors de son arrestation, la police avait affirmé dans un premier temps qu’il serait placé en résidence surveillée.
BENAZIR BHUTTO TOUJOURS ASSIGNÉE À RÉSIDENCE
Imran Khan, 55 ans, à la tête d’un petit parti d’opposition, a été arrêté, mercredi, alors qu’il avait réapparu, au milieu d’une manifestation d’étudiants à l’université de Lahore. Auparavant, il était resté une semaine en situation de clandestinité, semaine au cours de laquelle il avait notamment appelé à manifester contre l’état d’urgence instauré par le président Pervez Musharraf, le 3 novembre. M. Khan avait alors réclamé la peine de mort pour le chef de l’Etat pakistanais. « Il s’est déjà vu notifier un mandat pour une détention préventive de 90 jours, mais nous allons ajouter ces nouvelles accusations sans tarder », a ajouté M. Iqbal.
De son côté, l’ex-premier ministre du Pakistan Benazir Bhutto est toujours assignée à résidence à Lahore. Plus d’un millier de policiers encerclent toujours la maison où elle est enfermée depuis lundi soir. Elle ne devrait pas recouvrer sa liberté de mouvement avant la fin de la journée, selon un haut responsable de la police.
LEMONDE.FR avec AFP et AP | 14.11.07 | 11h20 • Mis à jour le 14.11.07 | 17h49
Benazir Bhutto et Nawaz Sharif
Benazir Bhutto tente de fédérer l’opposition au président Musharraf
L’ancienne première ministre Benazir Bhutto a reçu le soutien de Nawaz Sharif, autre ancien premier ministre, qui s’est dit mercredi prêt à travailler avec sa rivale pour obtenir le départ du général-président. « Nous sommes disposés à mettre de côté nos divergences avec le PPP (Parti du peuple pakistanais) et à œuvrer pour le rétablissement d’un régime démocratique », a confié Nawaz Sharif, à Reuters. Ce dernier, qui vit en exil en Arabie saoudite, avait été renversé en 1999 par Pervez Musharraf.
La fille du leader historique Zulfikar Ali Bhutto a également téléphoné à d’anciens rivaux politiques, dont l’islamiste Qazi Hussain Ahmed et l’ancien champion de cricket Imran Khan, qui vient d’être arrêté, pour les inviter à former « une coalition d’intérêts », a-t-on appris de sources politiques. – (avec Reuters.)
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Mme Bhutto appelle l’opposition à s’allier contre l’état d’urgence
Les deux ex-premiers ministres Nawaz Sharif, en exil en Arabie saoudite, et Benazir Bhutto, en résidence surveillée à Lahore, sont peut-être sur le point de s’entendre pour former une alliance contre le président pakistanais Pervez Musharraf.
M. Sharif a répondu favorablement, mardi 13 novembre, à l’appel de Mme Bhutto aux dirigeants de l’opposition à « former une alliance, avec pour unique objectif » la levée de l’état d’urgence.
« Cela fait dix ans que je réclame la démission de Musharraf et, moi, je n’ai jamais changé d’avis », a ironisé M. Sharif, qui avait critiqué l’accord entre M. Musharraf et Mme Bhutto permettant à celle-ci de rentrer au Pakistan.
« Les partis d’opposition doivent (…) décider d’une stratégie commune pour boycotter les élections si elles ont lieu sous l’état d’urgence », a-t-il ajouté. – (Corresp.)
Pervez Musharraf annonce qu’il ne quittera pas l’uniforme avant fin novembre
Le président pakistanais a indiqué, mercredi 14 novembre, qu’il ne quittera pas ses fonctions de chef de l’armée avant que la Cour suprême ne se prononce sur sa récente réélection, sans doute avant la fin du mois de novembre. Le général Pervez Musharraf avait dans un premier temps annoncé qu’il redeviendrait un civil dès le jeudi 15 novembre, jour où prend fin à la fois son mandat présidentiel et la législature du Parlement.
Le chef de l’Etat a indiqué que la date précise d’un retour à l’ordre civil dépendra de la Cour suprême, qu’il a purgé de ses juges indépendants en même temps qu’il a suspendu la Constitution, le 3 novembre. Dans un entretien accordé à l’Associated Press, M. Musharraf prévient que le pays risque de tomber dans le chaos s’il devait quitter sa fonction de chef de l’Etat.
Le président Musharraf a également accusé l’ancienne première ministre Benazir Bhutto, qui se trouve en résidence surveillée, d’alimenter les troubles. Il a refusé jusqu’ici de céder à la pression diplomatique occidentale, qui le pousse à lever l’état d’urgence. Les Etats-Unis et plusieurs de ses alliés tentent de le convaincre d’ôter son uniforme, et de mettre un terme aux lois d’exception, le prévenant qu’il est en train de saper la légitimité des élections prévues en janvier, qui doivent mettre un terme à huit années de pouvoir militaire. Washington souhaite que M. Musharraf partage le pouvoir avec les forces politiques modérées afin de contrer la montée de l’islamisme extrémiste, cité parmi les raisons de l’instauration de l’état d’urgence. Le numéro deux du département d’Etat américain, John Negroponte, est attendu en fin de semaine au Pakistan pour tenter d’amadouer M. Musharraf, allié stratégique des Etats-Unis dans la « guerre contre le terrorisme ».
LEMONDE.FR avec AP et Reuters | 14.11.07 | 17h52 • Mis à jour le 14.11.07 | 17h56
Pervez Musharraf : l’état d’urgence au Pakistan « est nécessaire »
Islamabad, correspondante
Défiant les appels de la communauté internationale à la levée de l’état d’urgence, le président pakistanais, le général Pervez Musharraf, a réaffirmé, mardi 13 novembre, dans un entretien au Monde, que « dans un environnement marqué par le terrorisme et les attaques suicides, l’état d’urgence est nécessaire à la tenue d’élections pacifiques, libres et honnêtes ». « A situation anormale, action anormale », a t-il asséné.
Le général, en costume sombre et cravate bleue, qui, pendant l’heure d’entretien au palais présidentiel, a sollicité à plusieurs reprises « la compréhension de l’Occident face à la très difficile situation à laquelle fait face le Pakistan », a demandé « la démocratie est-elle plus importante que le Pakistan ? » « Quand la nation est sur le point d’être déclarée en faillite, dites-moi ce qui est le plus important », s’est-il interrogé, avant de répondre : « Naturellement sauver la nation. »
Alors que de nombreux dirigeants politiques sont emprisonnés ou assignés à résidence, le président pakistanais a affirmé : « Si des politiciens ont été arrêtés, ils devront être relâchés et participer pleinement aux élections. Mais s’ils veulent faire de l’agitation et violer les règles, nous devrons agir contre eux. » Le président s’est refusé à donner une date pour la fin de l’état d’urgence. « Nous devons d’abord voir comment la situation évolue », a-t-il dit.
Pervez Musharraf a exclu tout retour au Pakistan de l’ancien premier ministre Nawaz Sharif avant les élections de janvier, expliquant que cela « pourrait vicier encore plus l’environnement politique à un moment où il est important que toutes les forces s’unissent pour lutter contre le terrorisme ». « La réconciliation se fera après les élections », a-t-il précisé.
Le président a aussi sévèrement critiqué l’ex-premier ministre Benazir Bhutto et justifié son assignation à résidence à Lahore, capitale de la province du Pendjab, par le fait que l’environnement sécuritaire n’était pas propice à la longue marche de protestation qu’elle voulait conduire.
« Comme c’était le cas à Karachi [où deux attaques-suicides contre la procession de Mme Bhutto ont tué, le 18 octobre, près de 150 personnes], nous avons des informations, y compris d’un service de renseignement étranger, que des commandos- suicides étrangers cherchent à l’attaquer », a affirmé M. Musharraf.
Visiblement troublé par l’aura médiatique de Mme Bhutto, le général l’a accusée d’être revenue au Pakistan dans « une attitude d’affrontement et non de réconciliation ». « Je pense personnellement qu’elle veut toujours manipuler les circonstances à son avantage et, pour cela, elle déforme les faits et les réalités. »
Brandissant un article de Mme Bhutto dans le New York Times du 7 novembre, où elle affirmait que l’état d’urgence avait été imposé par crainte de voir son Parti du peuple pakistanais (PPP) remporter haut la main les élections, le général a soupiré : « Elle se trompe totalement, et malheureusement, vous, Occidentaux, vous la croyez. Ses déclarations contre Oussama Ben Laden, le contrôle de nos armes nucléaires, A. Q.Khan [le père de la bombe pakistanaise que Mme Bhutto laisserait interroger par la justice] et la permission qu’elle donnerait [à l’armée américaine] de traverser la frontière et nous bombarder sont haïes par les gens », a-t-il souligné.
Le général a proclamé : « Ne vous faites aucune illusion, ni les forces américaines ni celles de l’OTAN [déployées en Afghanistan] ne peuvent traverser la frontière et faire le travail [d’éliminer les terroristes]. Aucune force étrangère ne peut faire ce que l’armée pakistanaise, qui a perdu 1 000 hommes, a fait », a-t-il ajouté.
A propos de la situation qui se détériore dans la vallée de Swat, où les extrémistes islamistes progressent, le président a affirmé : « Une opération militaire a commencé et l’état d’urgence nous permet d’agir librement. » « Nous combattons dans une très difficile guerre, que nous devons gagner, car, autrement, le pays sera en danger, et il y aura des implications pour la région et le monde. »
Françoise Chipaux
LE MONDE | 14.11.07 | 09h54 • Mis à jour le 14.11.07 | 09h58