De Varsovie,
Jaroslaw Kaczynski, leader du parti Loi et justice (PIS) et Premier ministre sortant, est un homme incapable de vivre sans se battre constamment sur tous les fronts possibles et impossibles. Mais, ces derniers temps, il s’est trompé à plusieurs reprises, de façon fatale, pour lui et pour son parti. Depuis son arrivée au pouvoir, il y a deux ans, Jaroslaw Kaczynski n’a jamais disposé d’une majorité parlementaire, et il a dû s’allier à Samoobrona (Autodéfense), parti aventurier de paysans enrichis et arrivistes, et à la Ligue des familles polonaises (LPR), parti petit-bourgeois d’extrême droite. Tout en gouvernant avec eux, il a cherché à les détruire, essayant de gagner à lui leurs députés et leurs bases électorales.
Sûr de pouvoir s’installer durablement au pouvoir, il décida de se débarrasser de ses alliés et de gouverner seul, en organisant des élections anticipées, le 21 octobre. Mais, à sa grande surprise, son astucieuse manœuvre s’est avérée désastreuse : il a perdu les élections. Son parti, le PIS, est assez particulier. Petit-bourgeois, il a prôné un anticommunisme revanchard, cherchant à soumettre la vie publique à sa domination exclusive, à l’expurger de toutes les générations formées en Pologne « populaire », et à rompre radicalement avec un prétendu système « postcommuniste », selon lui toujours vivant. Il parlait d’une Pologne « solidaire », opposée à une Pologne « libérale », en s’adressant aux couches ouvrières et populaires frappées durement par la restauration capitaliste, qu’il défendait, bien sûr. Il luttait contre la corruption et contre ses adversaires politiques en construisant un État policier et pénal. Chauvin et très russophobe, il suscitait des tensions constantes avec l’Allemagne, l’Union européenne et la Russie. En même temps, il était un serviteur inconditionnel de l’impérialisme américain.
Pendant une grande partie de la campagne électorale, la victoire du PIS semblait inévitable. Aucun parti n’était capable de résister à son implacable offensive. Tout a changé lors du débat électoral télévisé de Kaczynski avec Donald Tusk, leader de la Plateforme civique (PO). Tusk a littéralement écrasé Kaczynski. D’un seul coup, Tusk et son parti libéral-conservateur sont devenus la référence, et ils ont soulevé une puissante vague anti-PIS, ayant particulièrement touché les jeunes. Avec 41 % des voix pour la PO, contre 32 % pour PIS, la victoire de Tusk est éclatante. La PO s’assurera une majorité au Parlement en s’alliant avec le Parti paysan polonais (PSL), modérément libéral, qui a obtenu 9 % des voix. La nouvelle composition des forces parlementaires sera complétée, avec 13 % des voix, par l’alliance Gauche et démocrates (LID). Samoobrona et la LPR sont largement détruits, obtenant, respectivement, 1,3 % et 1,5 % des voix.
Le Parti polonais du travail (PPP), un parti extraparlementaire s’appuyant sur le syndicat Août 80, s’est présenté sous le mot d’ordre « Assez d’exploitation, unité des travailleurs ! ». La « classe politique » et les médias ont tout fait pour l’ignorer. La Commission électorale d’État a été obligée de dénoncer cette occultation du parti représentant la gauche ouvrière radicale. Luttant désespérément contre le blocage de sa visibilité, le PPP a gagné 1 % des voix. Il double le nombre de suffrages obtenus, il y a deux ans, aux élections législatives. En se débarrassant du PIS, le peuple polonais tombe de Charybde en Scylla : le gouvernement de Donald Tusk sera ouvertement néolibéral et directement lié au patronat. Pour les travailleurs, les chômeurs, les pauvres et les exclus, les temps durs se poursuivront.