Symptomatique, le refus du gouvernement de retirer, de sa loi sur l’asile et l’immigration, l’amendement Mariani sur les tests ADN, en dépit du tollé qu’il soulève jusque dans les rangs de la majorité UMP. Après tout, s’il renonçait à cette disposition, le texte de Brice Hortefeux demeurerait tout aussi scélérat dans sa stigmatisation de l’étranger, dans ses relents xénophobes destinés à satisfaire l’électorat d’extrême droite, dans sa volonté d’adapter la main-d’œuvre aux stricts besoins du patronat, en contribuant du même coup au démantèlement du code du travail (avec ses régularisations articulées à des contrats précaires).
Mais chacun sent bien que si l’amendement Mariani prend désormais une telle importance, avec l’engagement répété de François Fillon en sa faveur, c’est dans la mesure où il pousse jusqu’au bout la cohérence d’une politique. Derrière les tests ADN, c’est la logique du fichage ethnique, d’une conception de l’identité fondée sur la filiation du sang, d’une vision sécuritaire qui bafoue les principes les plus élémentaires d’égalité et de solidarité qui s’affirme. C’est, en ce sens, une rupture fondamentale avec l’héritage de tous les combats passés pour le droit et la justice, de la Révolution française et même des Lumières qui se dessine. Il faut prendre au sérieux Denis Kessler, l’ancien numéro deux du Medef, lorsqu’il proclame qu’il ne faut rien laisser subsister des conquêtes sociales et démocratiques de la Libération...
Il en va de la loi Hortefeux comme de l’ensemble du sarkozysme. Elle n’est pas dissociable des attaques lancées contre les retraites, la santé, le droit du travail ou le pouvoir d’achat. C’est son retrait total qu’il convient d’exiger. La journée de mobilisation du 20 octobre en offre l’occasion. Après le 18, mettons tout en œuvre pour en faire un grand succès.
Christian Picquet
* Paru dans Rouge n° 2223 du 18 octobre 2007.
Faits et méfaits
Universalité, réciprocité
La France, chacun le sait, est terre d’universalité. Nul ne saurait soupçonner ses législateurs de pulsions identitaires, de volonté discriminatoire, de basses manœuvres politiciennes. L’État français ne s’arrogerait pas des droits qu’il refuserait aux autres. Pas d’universalité sans réciprocité ! Pour dissiper les lourds soupçons qui entachent l’adoption de la nouvelle loi sur l’immigration, gageons que celles et ceux qui nous gouvernent, qui font nos lois, auront à cœur de s’imposer à eux-mêmes les devoirs qu’ils imposent à nos hôtes étrangers.
S’ils veulent s’installer à Tokyo, ils apprendront donc le japonais. Ou le chinois, s’ils se rendent à Pékin, le russe pour Moscou, le thaïlandais pour Bangkok, l’arabe pour Alger, le turc pour Ankara... Avant d’entreprendre le voyage, ils suivront assidûment - quelques années durant -, des cours du soir. À qui ferait remarquer qu’il est beaucoup plus facile d’assimiler une langue étrangère (et pour nous, francophones, difficile) « dans le bain », une fois arrivé dans le pays considéré, ils répondront qu’ils veulent manifester sans ambiguïté leur volonté d’intégration. Une indispensable preuve de bonne foi.
Installés enfin dans leur pays d’accueil, avant de demander un regroupement familial, ils vérifieront qu’ils ont des revenus suffisamment décents et un logement suffisamment grand (pas facile à Tokyo !). Puis, ils ne feront venir que leur descendance biologique directe, la seule dont la filiation ne puisse être contestée. Les enfants adoptés seront, eux, confiés à un oncle ou une tante, et ils resteront en France. Comme d’autres en Algérie.
Pierre Rousset (alias Antoine Tessour)
* Paru dans Rouge n° 2223 du 18 octobre 2007.
A PARIS
MANIFESTATION DE SOUTIEN AUX SANS-PAPIERS
Samedi 20 octobre, 14h30
M° Belleville
Mobilisation contre la loi Hortefeux
Plus de 35 villes se sont mobilisées, samedi 20 octobre, contre la politique de rafles et d’expulsion et la loi raciste du gouvernement. Il s’agissait non seulement de dénoncer les tests ADN, mais l’ensemble de la loi qui vise à stigmatiser les immigrés.
Cette journée a été construite par le bas, à l’appel des collectifs du Réseau éducation sans frontières et des collectifs de sans-papiers. À Paris, 15 000 personnes environ sont descendues dans la rue. Il y avait d’importants cortèges de salariés sans papiers venus de Modeluxe, du nettoyage, luttant avec la CGT pour leur régularisation et l’amélioration de leurs conditions de travail.
Le refus de la criminalisation des mouvements sociaux et la solidarité avec Florimond Guimard étaient également une dimension importante de cette journée (lire ci-contre). Ce mouvement de résistance est crucial, il doit devenir une véritable épine dans le pied de Sarkozy. Pour l’instant, il y a eu 15 000 expulsions, avec un objectif de 25 000 pour 2007. En 2006, un tiers des expulsés étaient des Roumains et des Bulgares, qui ont depuis intégré l’Union européenne. Le gouvernement se dit « en retard » sur son objectif : l’action des centaines de collectifs en est la cause. Nous ferons tout pour stopper cette logique criminelle, qui a tué Mme Zhang le mois dernier à Belleville (lire Rouge n°2220).
Rouge
* Paru dans Rouge n° 2224 du 25 octobre 2007.