Il ne fait pas bon être Cachemiris en temps de besoin. La population des territoires dévastés reste otage du conflit inter-étatique qui oppose Pakistan et Inde depuis près de cinquante ans. Il aura fallu attendre un mois après le tremblement de terre pour que les gouvernements de New Delhi et d’Islamabad se mettent d’accord sur une mesure à peine symbolique et fort peu effective : les Cachemiris pourront franchir la « ligne de contrôle », cette frontière de fait qui divise leur pays —mais en cinq points seulement, à pied et à la condition d’en avoir reçu l’autorisation préalable ! Voilà qui ne va pas changer la face du désespoir.
L’ONU dénonce l’indifférence de la « communauté internationale ». Le coordonnateur de l’aide d’urgence des Nations unies, Jan Egeland, le relève : « Le monde ne répond pas comme il le devrait. La vie de dizaine de milliers de gens est en jeu, et ils pourraient mourir si nous n’arrivons pas jusqu’à eux à temps » (Le Monde du 22 octobre). Les Puissances n’ont cure de ces cris d’alarme. Elles continuent à n’accorder l’aide qu’au goutte-à-goutte.
Le séisme a laissé (estimation basse) plus de 50000 morts dans les décombres. Le manque d’hélicoptères et le retard des secours provoquent une seconde vague de décès, qui risque d’être aussi meurtrière que la première. Voici la population à nouveau prise en otage, d’un conflit géostratégique cette fois qui a pour horizon et pour raison la guerre : en Afghanistan, en Irak...
Chaque grande catastrophe naturelle met à jour l’injustice du monde capitaliste réellement existant. Les Cachemiris payent aujourd’hui au prix fort le fait que vu d’Occident, leur territoire ne représente ni un enjeu économique (pas de pétrole) ni un enjeu géopolitique (pas de voies de communication vitales). La raison impériale est à courte vue. Un tel acte d’abandon de la part de puissances qui opèrent aux portes même du Pakistan laissera des traces profondes dans la région.
Nous ne pouvons pas remplacer l’action des Etats et fournir l’armada d’hélicoptères, si indispensable aux secours en montagne. Mais nous pouvons, en soutenant l’action de nos camarades pakistanais, contribuer (modestement) à soulager des souffrances et montrer que nous ne sommes pas indifférents au sort des victimes « ignorées », même en cette contrée peu connue des Français qu’est le Cachemire et le Nord du Pakistan. La solidarité « de peuple à peuple » répond à d’autres impératifs que la Realpolitk des Etats.