D’évidence, le néobonapartisme autoritaire - et quelque peu mégalomaniaque - qu’affiche Nicolas Sarkozy dans la gestion des affaires intérieures, le pousse simultanément à se projeter sur la scène planétaire en promoteur d’un « retour de la France », donc d’un nouveau « multilatéralisme », dont l’impérialisme tricolore deviendrait l’un des principaux protagonistes. Ce n’est pas par hasard qu’il aura récemment confié à Hubert Védrine, l’ancien ministre des Affaires étrangères de Lionel Jospin, adepte de ce type de politique, la charge de rédiger un rapport sur la mondialisation.
Ainsi, pour son discours onusien, se sera-t-il voulu le défenseur d’un « New Deal écologique et économique », appelant « tous les États à se réunir pour fonder le nouvel ordre mondial du xxie siècle », faute de quoi la révolution pourrait bien être la réponse à la spéculation financière et aux profits des pétroliers. Dans le même esprit, il se sera présenté en promoteur d’une « force mixte » ONU-Union européenne au Tchad et en Centrafrique, en protecteur maritime du ravitaillement alimentaire des populations somaliennes, en grand soutien de « tout pays qui veut se doter de l’énergie nucléaire » (les firmes hexagonales concernées auront certainement apprécié...).
Il s’agit, remarquons-le, du même type de démarche que celle qui l’aura précédemment conduit à se poser en partisan résolu d’une Europe puissance, au sein de laquelle Paris retrouverait un rôle moteur, fusse au détriment de l’axe formé jusqu’alors avec Berlin. D’où sa défense de projets économiques et industriels continentaux, d’une intervention assumée des États au service de la libéralisation des politiques économiques, voire d’un protectionnisme communautaire permettant à l’Union de faire face à la concurrence. D’où aussi ses charges contre les orientations monétaires de la Banque centrale européenne.
Mais le nouvel hôte de l’Élysée n’ignore pas que cette tentative se doit de tenir compte de la réalité de rapports de force mondiaux surdéterminés par l’hégémonie des États-Unis. Ayant laissé percer, à l’occasion de son discours devant la Conférence des ambassadeurs, en août dernier, à quel point il adhérait à une partie des thèses de la droite néoconservatrice aux affaires à Washington - notamment sur le plan de la « confrontation entre islam et Occident », vue comme « premier défi mondial », ce qui constitue une reprise de la funeste théorie du « choc des civilisations » -, il opère un réalignement sur la Maison Blanche, tout en cherchant, au moment même où celle-ci enregistre la prise de distance d’une série de ses alliés traditionnels, à négocier une place particulière à ses côtés.
C’est à propos de l’Iran que cette orientation trouve sa concrétisation. À New York, Sarkozy aura repris les accents belliqueux de George W. Bush : « Il n’y aura pas de paix dans le monde si la communauté internationale fait preuve de faiblesse face à la prolifération des armements nucléaires. [...] Je veux dire, au nom de la France, que cette crise ne sera résolue que si la fermeté et le dialogue vont de pair. C’est dans cet esprit que la France agira. » Enregistrant les préparatifs du Pentagone, qui pourraient se traduire, avant la fin du mandat de Bush, par le bombardement des sites supposés fabriquer la bombe nucléaire iranienne, il semble même se préparer à un engagement d’appareils français dans ces actions. Ce qu’auront brutalement signifié les tirades de Bernard Kouchner sur la « préparation au pire », et ce qu’accrédite le stationnement, sur la base américaine de Kandahar, en Afghanistan, de Mirage et de Rafale de l’armée de l’air française.
Entre l’offre d’un nouveau « New Deal » et l’intervention aérienne contre l’Iran, l’équilibre a toute chance de se rompre rapidement. L’heure de vérité pourrait d’autant plus se rapprocher que, dans les milieux diplomatiques, on murmure qu’une offensive américano-israélienne contre l’Iran pourrait être déclenchée entre la fin du Ramadan et le début 2008...