Qu’est ce que l’ABFSU ?
L’All Burma Federation of Student Unions est une organisation historique qui a initié et dirigé le combat non violent des étudiants birmans depuis les années 30.
Quelle est votre fonction au sein l’ABFSU ?
Je suis le vice-secrétaire du comité des affaires étrangères de l’ABFSU, basé sur la frontière birmano-thaï. Nous, c’est-à-dire le comité, sommes juste une branche de l’ABFSU, le porte-parole au niveau international des activités de l’organisation à l’interieur du pays.
C’est à dire ?
Comme toutes les organisations politiques, l’ABFSU est illégale. Il lui est donc impossible de faire connaître au reste du monde la réalité de la situation dans le pays.
Pouvez-vous nous faire un historique de l’ABFSU et des mouvements étudiants en Birmanie jusqu’à septembre 88 ?
L’All Burma Federation of Student Unions est une organisation historique dans l’histoire de la politique birmane. Elle a été créée en 1936 pendant les mouvements anti-coloniaux, par Aung San, fondateur de l’armée birmane et héros national. Les étudiants de l’ABFSU ont lutté pour l’indépendance nationale et prôné la paix et la démocratie en Birmanie. Cependant ils ont été forcé d’agir clandestinement après le coup d’Etat militaire de1962 et l’interdiction de tous les groupes civils en Birmanie. Le régime militaire a disloqué et détruit l’union historique des étudiants et a tué énormément d’étudiants. L’ABFSU a guidé pacifiquement les étudiants pour la cause de la démocratie et des droits de l’Homme lors des mouvements pro-démocratiques de 1988. Min Ko Naing, le leader du mouvement de mars à septembre, a été élu président de l’ABFSU lors d’un rassemblement étudiant en septembre 1988. Depuis l’ABFSU se bat pour les droits des étudiants, le droit à l’éducation, la liberté de l’enseignement, et les droits politiques en Birmanie. A cause de cette activisme des milliers d’étudiants ont été arrêtés, torturés, et emprisonnés. Aujourd’hui plus de 800 étudiants dont Min Ko Naing sont toujours dans différentes prisons militaires. Mais la plupart des membres de l’ABFSU sont toujours clandestinement en activité à l’intérieur de la Birmanie et l’ABSDF a pris la tete des mouvements étudiants de 1990, 1991, 1994, 1996, 1998, 1999, et 2001.
Comment avez-vous rejoint l’ABFSU et qu’avez-vous fait entre mars et septembre 88 ?
J’étais étudiant en médecine dans l’institut de médecine de Rangoun en 1988. Et je suis devenu dirigeant de l’Union Étudiante de l’Institut de Médecine (IMSU). J’ai participé aux mouvement de mars à juin 1988, en tant que leader activiste de l’IMSU. Je ne connaissais rien de la politique à cette époque, mais je participais aux mouvements car je n’aimais pas le comportement des soldats à l’égard des étudiants. Ensuite, j’ai pris conscience de la situation politique de la Birmanie et des souffrances du peuple. C’est pourquoi j’ai beaucoup participé aux mouvements jusqu’à maintenant. Lorsque mon organisation de base a été affilié à l’ABFSU, je suis devenu le représentant de l’IMSU au sein de l’ABFSU. J’ai donc été élu membre exécutif de l’ABFSU en juin 1990 au cours d ‘une conférence étudiante à Mandalay. J’ai alors dirigé les actions de l’ABFSU. Puis j’ai été arrêté et condamné à 5 ans de prison par le régime.
C’est à ce moment que l’ABFSU s’est séparée en trois. Pourquoi ?
En 1988, après le coup d’Etat militaire et l’assassinat de milliers de manifestants dont des étudiants, certains d’entre nous pensaient que seule la lutte armée pourrait renverser le régime militaire. Ils ont donc fui près de la frontière et ont créé l’ABSDF (All Burma Students Democratic Front), un groupe armé. D’autres pensaient que les étudiants devraient participer plus activement à la vie politique et former un parti politique étudiant. Ces étudiants, dont le secrétaire général de l’ABFSU, Moe Thee Zun, ont créé le Democratic Party for a New Society (le DPNS, Parti Démocratique pour une Nouvelle Société). Enfin, beaucoup d’étudiants dont le président de l’ABFSU croient toujours en la position pacifique de l’ABFSU et restent militants de cette organisation.
Comment avez-vous été arrêté et combien de temps êtes-vous resté en prison ?
J’ai été arrêté deux fois. La première fois de mars à août 1989 à cause de mes activités étudiantes. J’ai été arrêté une deuxième fois en septembre 1990 chez moi, alors que le régime tentait d’arrêter tous les leaders de l’ABFSU et j’ai été interrogé au centre des services secrets militaires pendant un mois, ils m’ont torturé physiquement et mentalement. La cour militaire m’a condamné à 5 ans de prison. Au début, pendant un an, j’étais à la prison de Insein, puis j’ai été transféré à la prison de Tayet, basé au centre de la Birmanie et ensuite à la prison de Monywa.
Quand avez-vous quitté la Birmanie et pourquoi ?
J’ai été libéré de prison en 1995. J’ai rejoint secrètement l’ABFSU. J’étais chargé du comité d’organisation de l’ABFSU en 1995 et 1996. Au cours des manifestations étudiantes de Rangoun en 1996, j’étais aussi un membre dirigeant du mouvement. En décembre 1996, dans une conférence de presse du SLORC, j’ai été nommé et accusé d’etre un agitateur communiste. Donc j’ai du me cacher pendant un mois en Birmanie avec l’aide de mes collègues. Ensuite, j’ai fui à la frontière thaïlandaise en 1997. Après les manifestations étudiantes de 1998 en Birmanie, d’autres étudiants ont fui en Thaïlande.
Avec l’accord de l’association basée à l’intérieur du pays, nous avons créé ensemble le Comité des Affaires Étrangères de l’ABFSU (responsable des activités au niveau international) en Thaïlande, l’ABFSU-FAC.
Quelles sont les fonctions de l’ABFSU-FAC ?
(1) La diffusion d’information et la documentation :
L’ABFSU-FAC diffuse régulièrement des informations sur les répressions du régime à l’égard des mouvements étudiants, la situation des étudiants en Birmanie, la perte des droits des étudiants et des droits à l’éducation en général, la violation des droits de l’Homme par le régime, la situation actuelle de l’éducation et des prisonniers politiques. En ce qui concerne les prisonniers politiques, nous sommes en étroite collaboration avec l’AAPP -Association d’Aide aux Prisonniers Politiques- (les membres de l’AAPP font également partie de l’ABFSU et sont également membres de l’ABFSU-FAC). L’ABFSU-FAC rédige chaque année un rapport sur la situation de l’éducation et fait un travail de sensibilisation auprès de l’UNESCO, UNICEF et autres institutions en rapport avec ce travail.
(2) Les relations internationales et les campagnes :
L’ABFSU est un membre actif de l’Union Internationale des Étudiants (IUS) et de l’association des Étudiants d’Asie (ASA) . Nous travaillons donc également beaucoup avec ces organisations et ces associations d’étudiants luttant pour la paix dans le monde, l’éducation et la justice sociale. Nous assistons souvent aux meetings de l’ONU et des Forums de société civile. En parallèle, nous rencontrons également beaucoup de responsables gouvernementaux combattant pour la démocratisation et la réconciliation de la Birmanie.
(3) Le soutien économique aux activités de l’ABFSU en Birmanie
Quelle est la situation actuelle de l’éducation en Birmanie ?
La Birmanie fait partie des pays membres de la convention des droits de l’Enfant des Nations Unies. D’après l’article 28 de la convention, et la session 20/a de la loi nationale sur l’enfant, l’école primaire devrait être gratuite pour tous les enfants. Mais l’école gratuite n’est pas quelque chose de courant en Birmanie étant donné les frais très élevés de scolarité et les autres frais relatifs à l’école, qui sont à la charge des parents, déjà en grande difficulté pour subvenir à leurs besoins les plus élémentaires. Conséquence, le taux d’abandon de l’école augmente de plus en plus en Birmanie. Le gouvernement n’a pris aucune mesure pour lutter contre ce taux d’abandon, même s’il était dans l’obligation d’agir. Les allocations gouvernementales (budget national) sont extrêmement irrégulières. Alors que l’éducation ne dispose pas de fonds suffisants, le budget militaire ne cesse d’augmenter. Conclusion, les écoles sont, chaque année, un peu moins fréquentées. Le système d’entrée à l’université en Birmanie a aussi des conséquences sur l’égalité des droits à l’éducation. D’après le guide gouvernemental des universités publié par le ministère de l’éducation, le pourcentage de femmes dans les universités est très restreint dans la plupart des institutions (voir le rapport 2002 de l’ABFSU sur l’éducation).
La qualité de l’enseignement se dégrade en Birmanie. Il n’y a pas assez de bibliothèques, de salles, d’enseignants qualifiés, et pas assez de soutien du gouvernement. Le programme de formation des enseignants, géré par le ministère de l’éducation, est organisé par l’armée. Les professeurs doivent suivre les entraînements militaires. Les formations d’enseignants ne servent qu’à leur montrer comment réprimer les mouvements étudiants et aider le gouvernement à garder le contrôle. Le développement créatif des étudiants n’est pas encouragé par le système éducatif actuel et les structures politiques.
Pourquoi etes vous venu en Europe ?
Je suis venu assister à la session précédent la réunion du comité des Nations Unies sur les droits de l’Enfant en Birmanie/Myanmar à Genève. Ensuite, j’ai rencontré des responsables de l’ONU et les responsables du ministère des Affaires Étrangères en France, aux Pays-Bas, et des responsables du conseil européen en Belgique.
Comment nous, en tant que citoyens européens, pouvons nous vous aider ?
Avant 1990, nous, c’est-à-dire le peuple et notamment les étudiants, nous sentions seuls dans notre lutte pour l’avènement de la démocratie en Birmanie. Aujourd’hui, nous recevons de nombreux messages de solidarité avec nos mouvements. C’est très encourageant pour nos actions et nos manifestations à l’intérieur de la Birmanie. SVP n’abandonnez pas la Birmanie et soutenez au plus profond de vous-même la cause birmane et la démocratie. Et demandez à votre gouvernement de nous aider à construire un pays démocratique, où les droits de l’Homme seront respectés. Donc faîtes pression économiquement et politiquement sur le régime militaire birman pour que la Birmanie devienne un pays démocratique avec un gouvernement civil.
Comment imaginez-vous le futur de la Birmanie ?
Je suis optimiste en ce qui concerne le futur de la Birmanie. Je crois que ce genre de dictature militaire disparaitra bientôt de la planète et doit être renversé. J’espère que le régime militaire réalisera de lui-même que lui seul ne peut plus détenir tout le pouvoir et tout diriger.
Mais, nous avons besoin de temps au cours de la transition démocratique, comme nous devons reconstruire notre pays.