A l’occasion de l’invitation de Christoph Blocher au Comptoir suisse, nous étions 2500 à manifester le 18 septembre à Lausanne pour faire entendre dans la rue notre indignation face à la politique raciste de l’Union démocratique du centre (UDC) et de son tribun au Conseil fédéral, qui tend de plus en plus à formater la politique de l’ensemble des partis gouvernementaux. De nombreux jeunes étaient présents, participant souvent pour la première fois à une manifestation de rue. Ils-elles exprimaient ainsi leur refus du racisme, mais aussi de la précarité et des inégalités croissantes dont il se nourrit. « Tout sauf Blocher ! », comme « Tout sauf Le Pen ! » ou « Tout sauf Sarkozy ! »… Blocher, n’est-il pas en effet l’hybride helvétique de ces deux politiciens… Des jeunes gymnasiens, étudiants, filles et garçons, venant pour certain-e-s des quartiers les plus populaires de l’agglomération lausannoise. Une véritable mobilisation citoyenne nourrie des très nombreuses réactions individuelles ou collectives contre la campagne d’affichage raciste.
« Ni moutons noirs, ni moutons blancs, le racisme ne passera pas par nous ! ». « Ouvrons les frontières, renvoyons Blocher ! ». Nous vous invitons à signer le Manifeste « Le racisme ne passera pas par moi ! » que nous publions en page 4 de ce journal (il peut être signé en ligne sur le site : www.stopracisme.ch).
Toutes et tous avons exprimé notre colère contre l’UDC, contre la politique d’exclusion et de discriminations qu’elle défend brutalement. Le ras-le-bol qui s’est exprimé le 18 septembre dans la rue à Lausanne, c’est le ras-le-bol d’une partie de la jeunesse qui se retrouve sans avenir, sans perspective de trouver un emploi, sinon des petits jobs précaires et sous-payés. Face à la violence raciste et au mépris affichés par l’UDC à l’égard des jeunes étrangers en particulier, il est indispensable de rassembler, le plus largement possible, toutes celles et tous ceux qui sont prêts à les combattre.
Ceci dit, nous devons éviter de leur donner des prétextes pour criminaliser notre action. Agir et lutter contre le racisme implique en effet de s’organiser, sur le long terme, massivement, pour faire reculer le parti du milliardaire Christoph Blocher, dont la politique antisociale et de stigmatisation des étrangers-ères contamine celle de tous les partis gouvernementaux. C’est le Conseil fédéral qui a fait passer, en septembre 2006, les lois racistes contre l’asile et les étrangers qui entreront en vigueur dans les mois qui viennent. La majorité des parlementaires du PSS avait même accepté d’entrer en matière sur la nouvelle Loi sur les étrangers (LEtr) ! Nous sommes ainsi confrontés, depuis des décennies, en matière de politique vis-à-vis des étrangersères, à un véritable racisme d’Etat : la préférence nationale, inscrite dans la loi de 1931 pour combattre la prétendue Überfremdung, qui signifie littéralement « altération excessive de l’identité nationale » ou « surpopulation étrangère » et se traduit aujourd’hui par la « préférence européenne ».
Mais l’UDC n’est pas seulement le fourrier du racisme. Au nom de la lutte contre les abus, elle a pris la tête, avec les milieux patronaux, d’une politique néolibérale de remise en cause, sur le fond, des quelques « acquis sociaux » existant dans ce pays. Les étrangers-ères sont présentés comme les boucs émissaires, responsables des difficultés sociales – chômage, précarité –, auxquelles doit faire face la majorité de la population. Dans ce contexte, les deux Conseillers fédéraux socialistes font, au mieux, de la figuration, quand ils ne défendent pas le secret bancaire, c’est-à-dire la fraude fiscale, la péjoration de l’Assurance Invalidité, ou la construction d’une nouvelle centrale nucléaire !
Construire un large mouvement anti-raciste signifie défendre d’abord toutes les personnes victimes du racisme, toutes celles et tous ceux qui sont discriminés du fait de la couleur de leur peau, de leur origine ou de leur religion, en particulier les sans-papiers, les requérant-e-s d’asile déboutés, les NEM. Elle implique aussi de montrer inlassablement le lien intime qui unit l’aggravation des inégalités et de l’insécurité sociale avec la désignation de boucs émissaires. Le racisme accompagne les politiques d’austérité, comme les politiques sécuritaires accompagnent les progrès du néolibéralisme. Pour paraphraser Jean Jaurès : la mondialisation capitaliste porte en elle le racisme comme la nuée l’orage.
Construire un large mouvement anti-raciste signifie en particulier se mobiliser, en décembre 2007, lors de l’élection du Conseil fédéral, pour affirmer haut et fort que nous ne voulons plus, ni Christoph Blocher ni d’autres racistes du même genre au gouvernement. Dans la rue, dans tous les lieux de formation, les écoles, les universités, sur nos places de travail, nous pouvons et devons organiser cette résistance, selon nos possibilités. Une grève de la jeunesse contre l’élection de Christoph Blocher ? Pourquoi pas ! solidaritéS y contribuera, avec toutes celles et tous ceux qui partagent cet objectif.