Les trois hommes étaient salariés de la même entreprise de maçonnerie et avaient 45, 56 et 58 ans. Ils ont été écrasés, mardi 13 mai au matin, par un mur de pierre qui s’est effondré à Pommard, près de Beaune en Côte-d’Or. Les trois ouvriers travaillaient sur le chantier d’un bâtiment agricole, en vue de réaliser une nouvelle cuverie et un nouveau hangar, dans cette région productrice de vins de renom.
« En tentant de renforcer les fondations du nouveau bâtiment, un ancien mur de soutènement en pierre a chuté », explique Jacques Forey, maire de Pommard, à la radio locale Ici Côte-d’Or. Selon lui, ce mur « a malheureusement enseveli les trois ouvriers » et personne n’a rien pu faire.
Deux adjoints au maire qui se trouvaient non loin des lieux de l’accident ont tenté, avec d’autres ouvriers, de retirer « un maximum de cailloux » mais n’ont pas pu sauver les trois hommes, relate le journal Le Bien public. « Malheureusement, la première personne était déjà décédée, raconte le maire. Ils ont essayé de réanimer les deux autres, [puis] les pompiers sont arrivés dans la foulée, mais ça s’est avéré impossible. »
Sur le chantier du domaine Coste-Caumartin à Pommard, où la chute d’un mur a causé la mort de trois ouvriers le 13 mai 2025. © Photo Emma Buoncristiani / le Bien Public / PhotoPQR via MaxPPP
Contactés par Mediapart, les élus de Pommard n’ont pas donné suite, ayant reçu la consigne « de ne plus s’exprimer dans les médias avant leurs auditions dans le cadre de l’enquête », précise la commune. Une enquête « de flagrance du chef d’homicide involontaire dans le cadre du travail » a été ouverte par le parquet, précise à Mediapart le procureur Olivier Caracotch, qui s’est rendu sur place en fin de matinée. Selon ce dernier, la gendarmerie de Beaune et l’inspection du travail ont été cosaisies des investigations.
La Fédération française du bâtiment Côte-d’Or annonce de son côté avoir pris contact avec l’entreprise dans laquelle les trois hommes étaient salariés pour lui apporter son soutien, ainsi qu’aux familles. Selon la presse locale, l’entreprise est située à Savigny-lès-Beaune, à une dizaine de kilomètres de Pommard.
Statistiques incomplètes
Depuis janvier 2025, 84 personnes sont mortes au travail en France, selon Matthieu Lépine, qui documente depuis des années les accidents du travail mortels en France. Professeur d’histoire-géographie, il a publié L’Hécatombe invisible. Enquête sur les morts au travail (éditions du Seuil) en 2023 et anime un compte sur le réseau social X égrenant le sinistre décompte.
Les derniers chiffres « officiels » portent sur l’année 2023 et émanent du rapport annuel de la Caisse nationale d’assurance-maladie sur les risques professionnels. D’après le document, 759 travailleuses et travailleurs sont mort·es sur leur lieu de travail cette année-là, soit 21 personnes de plus qu’en 2022, qui avait été une année record. « Depuis 2020, ce chiffre ne cesse de grimper, révélant une situation catastrophique et une véritable crise de la sécurité au travail », s’alarmait la CGT le 28 avril, à l’occasion de la journée de lutte pour la prévention des accidents du travail et maladies professionnelles.
Selon l’organisation syndicale, le bilan est en réalité bien plus lourd – au-delà des 1 200 morts annuels –, car les statistiques « ne prennent pas en compte les accidents de trajet, les décès dus aux maladies professionnelles, les agent·es de la fonction publique et les auto-entrepreneur·euses mort·es en raison de leur travail ».
On ne meurt pas “par accident”, on meurt parce que la course aux profits vaut plus que nos vies.
Après le drame survenu mardi en Côte-d’Or, Clémentine Autain, députée Nouveau Front populaire (NFP) de Seine-Saint-Denis, a déploré dans un post publié sur X que la France soit le « leader en Europe » en matière d’accidents mortels au travail. « Derrière chacun de ces morts, il y a une entreprise qui n’a pas protégé, un État qui n’a pas imposé des règles de sécurité strictes, un système qui tolère l’inacceptable. On ne meurt pas “par accident”, on meurt parce que la course aux profits vaut plus que nos vies », ajoute l’élue.
Le premier secrétaire du Parti socialiste appelle quant à lui à « briser l’omerta qui silencie les “accidents” du travail », qui ne sont d’après lui pas « de simples faits divers » mais « une hécatombe avec deux décès par jour ». En moyenne, deux personnes meurent en effet chaque jour au travail en France et bien plus se blessent, plus ou moins gravement.
Un sujet rarement au centre des débats politiques ou médiatiques. La ministre du travail et de l’emploi, Astrid Panosyan-Bouvet a d’ailleurs réagi tardivement, publiant un post peu avant 19 heures, adressant ses condoléances aux familles des trois salariés morts mardi matin puis rappelant qu’un jeune apprenti de 15 ans avait été tué sur son lieu de travail le 30 avril. « Ces morts au travail ne sont pas des faits divers mais un fait de société. Ils ne sont pas des statistiques mais des drames pour des familles et les collectifs de travail. Ils ne sont pas une fatalité mais exigent une lutte contre les accidents du travail graves et mortels qui est et restera une priorité absolue pour le ministère du travail et de l’emploi », conclut-elle.
Cécile Hautefeuille