Les résultats du premier tour du congrès des Écologistes sont tombés samedi 19 avril, en fin d’après-midi. Sans surprise, Marine Tondelier a été réélue secrétaire nationale avec 73 % des suffrages exprimés. S’il faut encore attendre le résultat du second tour et la « convention d’investiture », qui auront lieu le 26 avril à Pantin (Seine-Saint-Denis), pour connaître la composition intégrale du conseil fédéral – le parlement du parti –, la cheffe du mouvement est déjà assurée d’avoir un exécutif fort et cohérent.
Tous les membres du secrétariat exécutif, qui assure les fonctions régaliennes, ont été élus dès le premier tour – excepté le porte-parole homme – et sont proches de la secrétaire nationale.
Il y a une logique à cette réélection dans un fauteuil de l’élue d’opposition à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais). Celle-ci s’est fait un nom depuis la constitution du Nouveau Front populaire (NFP), dans lequel elle a joué un rôle pour fédérer les partis, effaçant l’ardoise des élections européennes de 2024 marquées par la désunion et le mauvais score de Marie Toussaint. Marine Tondelier a depuis percé médiatiquement et s’est imposée comme une porte-voix de l’union la plus large possible de la gauche et des écologistes à la présidentielle de 2027.
Marine Tondelier arrivant à une réunion à Matignon, le 17 décembre 2024. © Photo Lou Benoist / AFP
Même si la personnalisation qui l’entoure commence à faire grincer des dents en interne et si elle a essuyé des critiques des courants minoritaires l’accusant de « verrouiller » le parti, elle a donc fait campagne avec le vent dans le dos, son soutien étant fort tant parmi la plupart des cadres du parti – comme l’ancien secrétaire national David Cormand – que parmi les militant·es historiques et la nouvelle vague militante arrivée après le NFP.
« C’est assez rare dans la vie des partis. Nous sommes très fiers de ce résultat qui témoigne d’une confiance renouvelée des militants », a déclaré Marine Tondelier lors d’une conférence samedi 19.
Ses concurrent·es, Karima Delli (13 %), Florentin Letissier (8 %) et Harmonie Lecerf Meunier (6 %), n’ont pas réussi à faire émerger une discussion stratégique clivante qui aurait pu conduire les adhérent·es à se scinder. Karima Delli et Harmonie Lecerf Meunier partagent l’idée qu’il faut unir la gauche et les écologistes aux prochaines élections législatives et présidentielle, y compris avec La France insoumise (LFI), ce qui les rapproche de la position de Marine Tondelier.
La « présidentialisation » en question
Quant à Florentin Letissier, seul à ne pas faire du NFP « un totem », il a déclaré que les Écologistes devraient prendre leurs distances avec LFI en cas de législatives anticipées, mais n’est pas allé jusqu’à se prononcer pour préparer une candidature commune avec le Parti socialiste (PS) pour la présidentielle. Et pour cause : les Écologistes vont partir dans des unions à géométrie variable aux municipales de 2026 – parfois avec LFI, parfois avec le PS, voire les deux –, il aurait donc déstabilisé son propre camp.
Résultat : un congrès de confirmation, qui remet certaines discussions à plus tard et qui n’a pas mobilisé les masses. La première phase du congrès, décentralisée, n’a fait participer que 35 % du corps électoral. Un débat interne le 14 avril et les efforts de communication de Marine Tondelier ont fait augmenter la participation, à 49 %, mais l’absence d’enjeu ressentie a prédominé.
« On a rarement été aussi alignés. Je veux maintenant qu’on se mette autour de la table et qu’on ait un projet commun pour ce parti et pour l’écologie », a affirmé Marine Tondelier.
Ce congrès, incomparable en termes de suspense et de clivages avec ceux du PS ou du parti Les Républicains (LR), aura surtout été l’occasion de mettre en lumière les avancées et les manques d’un parti entre deux eaux. Ses nouveaux statuts, appliqués pour la première fois à ce congrès, le font passer à l’âge de la présidentialisation. Inspirés des partis verts européens les plus puissants – les Verts allemands et le parti écologiste francophone belge Écolo –, ils visent à effacer les sensibilités internes et à installer un secrétariat exécutif fort et cohérent.
C’est la raison pour laquelle, pour la première fois, la secrétaire nationale est élue au scrutin majoritaire à deux tours, et que les cinq membres du secrétariat exécutif sont élus lors de cinq scrutins uninominaux en scrutin par approbation. Exit donc la désignation de la direction à travers le vote à la proportionnelle pour des listes fermées, identitaire chez les écologistes français. Seule une partie du bureau politique est encore élue à la proportionnelle.
Cette hiérarchisation des modes de scrutin a été critiquée en interne, certains jugeant que ce congrès avait des airs de « référendum présidentiel » – d’autant plus que le moment de communication du congrès, le 26 avril, est appelé « convention d’investiture ». Ces voix regrettent une forme de dépolitisation des débats au bénéfice d’une lutte des places derrière le courant majoritaire – le ralliement de Yannick Jadot au « collectif » de Marine Tondelier en étant un symptôme.
Avoir un exécutif fort n’est cependant pas en soi dénué d’intérêt pour Les Écologistes : non seulement la direction pourra mettre en application sa feuille de route sans difficultés, mais le parti pourra aussi avoir un poids important, indépendamment de ses groupes parlementaires, qui ont parfois eu tendance à s’autonomiser dans l’histoire des Verts. C’est un avantage pour la vie militante du parti.
« Mon premier mandat était un mandat de transformation, de gestion de la structure interne. Pour ce second mandat, notre ambition est que notre énergie aille à l’extérieur. On a une feuille de route, on mettra du rythme dès le 26 avril », assure Marine Tondelier.
Réarmement doctrinal
Cependant, la normalisation des Écologistes a mis en lumière leur faille principale par rapport aux partis frères dont ils s’inspirent : le programme. « S’il y a un manque à identifier, c’est moins la présidentialisation du parti que l’absence de ce document référence pour tout le monde. Comment faire en sorte de montrer que la galaxie écolo a tiré les leçons des “gilets jaunes”, qu’elle opère un virage social, populaire, par exemple, sans ce texte ? », souligne un dirigeant associatif qui suit de près les débats internes aux Écologistes.
Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que Marine Tondelier s’est engagée à un « réarmement doctrinal » du parti. Si celui-ci dispose de quarante commissions thématiques et s’est récemment doté d’un « pôle projet », il n’a pas de texte de référence comme « L’Avenir en commun » pour LFI et se contente de renouveler un programme présidentiel tous les cinq ans, alors que certains de ses cadres, comme David Cormand ou Alain Lipietz, ont écrit des livres entiers de théorie politique.
Or, dans un contexte de retour de bâton idéologique anti-écolo, un tel texte pourrait être un point d’appui dans la bataille médiatique permettant de visibiliser les constantes et les évolutions du parti sur des sujets qui innervent en permanence le débat public. « En Belgique, les écologistes ont un programme accessible en permanence qui évolue au gré des situations. L’ensemble de la société civile et journalistique peut ainsi suivre les débats importants qui changent parfois la ligne du parti », explique le même dirigeant associatif.
Les partisans de Marine Tondelier saluent sa capacité à « faire du judo avec la manière dont fonctionnent les médias » pour parler d’écologie, mais elle-même convient des difficultés qu’elle éprouve en la matière. Peu de propositions ou de positions écologistes ont ainsi fait l’objet d’une large couverture médiatique ces dernières années – il faudrait peut-être remonter au refus de la ratification du traité européen TSCG, en 2012, pour trouver un exemple.
Pourtant, de nombreux sujets liés à l’écologie font débat jusque dans les familles, comme les zones à faibles émissions (ZFE), la taxe carbone, les enjeux sociaux de la transition écologique, l’ouverture de mines de lithium pour assurer la transition énergétique… Et au-delà des sujets purement écologistes, l’évolution de la situation géopolitique met sous tension tous les partis, qui ont intérêt à mettre en scène leurs doutes et leurs prises de décision : sur l’Otan, le réarmement de l’Europe ou encore la mise à disposition de la dissuasion nucléaire française, par exemple.
Les Écologistes, qui espèrent avoir gagné en efficacité avec leurs nouveaux statuts, ne peuvent donc faire l’économie de cette nouvelle étape, qui pourrait qui plus est être l’occasion de faire la démonstration de leur culture démocratique. Sans perdre de vue qu’avoir un programme clair peut donner du pouvoir de négociation pour un programme commun.
Mathieu Dejean