Les épidémies respiratoires hivernales se succèdent sans jamais tout à fait se ressembler. Après les années du covid, il y a eu celle des bronchiolites, qui ont frappé les enfants en 2022-2023.. L’année suivante a été marquée par le retour du covid à un haut niveau, fin 2023, combiné aux bronchiolites et suivi par la grippe.
Fin 2024, à la mi-décembre, un pic modeste de bronchiolites a été passé. En ce début d’année 2025, le covid est presque absent (0,6 % des hospitalisations). Cette fois, c’est la grippe qui domine. La première semaine de janvier, 5 % des personnes admises aux urgences et des personnes hospitalisées ont été testées positives aux virus de type A ou B, qui circulent en même temps cette année, détaillait Santé publique France le 8 janvier. Le nombre de cas groupés de grippes dans les Ehpad est également au plus haut. 6 % des certificats électroniques de décès mentionnaient la grippe début janvier.
Une infirmière pousse un lit médicalisé dans le couloir des urgences de l’hôpital de Valence, le 24 octobre 2024. © Nicolas Guyonnet / Hans Lucas via AFP
Toujours selon Santé publique France, le pic de cette épidémie de grippe est moins haut que l’année passée, mais les hospitalisations sont plus nombreuses. Le virus occasionne donc plus de formes graves.
Les conséquences sont en revanche toujours les mêmes, parfaitement prévisibles : les urgences sont débordées car il n’y a pas assez de lits pour hospitaliser les malades graves qui s’y présentent. Dans de très nombreux services d’urgence, les soignant·es travaillent dans des lieux encombrés de brancards occupés par des malades en attente d’une hospitalisation, des heures, voire des jours durant.
De nombreuses études montrent que le temps d’attente aux urgences est corrélé à une plus forte mortalité. Par exemple, un travail mené par des membres de la Société française de médecine d’urgence, publié dans le Journal of the American Medical Association (Jama), a comparé les taux de mortalité de 1 598 patient·es âgé·es de plus 75 ans, une partie ayant passé une nuit aux urgences, une autre partie ayant été hospitalisée rapidement dans des services.
Le taux de mortalité des premiers et premières est de 15,7 %, contre 11,1 % pour les deuxièmes. Le syndicat Samu urgences de France parle de « morts inattendues », qui ne seraient pas survenues si la prise en charge des patient·es avait été plus rapide.
Des morts suspectes
Sans surprise, des morts suspectes sont rapportées ces derniers jours, notamment en Île-de-France. Selon Le Parisien, une jeune femme d’une vingtaine d’années est décédée mercredi 8 janvier à l’hôpital de Longjumeau (Essonne) après une journée d’attente dans un box des urgences. Une enquête interne est en cours. Toujours selon Le Parisien, une autre jeune femme de 26 ans est morte ce vendredi 10 janvier dans la salle d’attente des urgences de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne). Une enquête est également en cours, à l’initiative de la police cette fois.
Le 10 janvier, le ministère de la santé a indiqué à l’AFP que 87 hôpitaux ont déclenché leur plan blanc, qui permet de rappeler du personnel et de déprogrammer des opérations non urgentes afin d’augmenter le nombre de lits disponibles. L’ouest de la France est particulièrement touché. Rien qu’en Bretagne, 34 établissements sont en plan blanc. L’agence régionale de santé l’a même déclenché au niveau départemental pour tous les établissements publics comme privés d’Ille-et-Vilaine. L’accès aux urgences est régulé au CHU de Rennes : avant de se présenter, les patient·es doivent passer par le 15, qui décide ou non d’un accès aux urgences.
Dans le Grand Est, région également très touchée, l’agence régionale de santé explique que le nombre de passages aux urgences pour syndrome grippal est, la première semaine de janvier, le « plus élevé observé ces dix dernières années ». Huit hôpitaux ont déclenché leur plan blanc, dont ceux de Reims (Marne) et de Metz (Moselle).
La situation est également très difficile en Loire-Atlantique : l’accès à tous les services d’urgence sera régulé à partir du 13 janvier, a annoncé l’agence régionale de santé des Pays de la Loire. Le CHU de Nantes et l’hôpital de Saint-Nazaire ont déclenché leur plan blanc. Dans Ouest-France, le directeur de l’hôpital de Saint-Nazaire explique qu’il « faudrait 30 places [d’hospitalisation] par jour alors qu’[il] ne peut en prendre que 20 », grâce au plan blanc. Ce sont donc dix malades en attente d’hospitalisation qui stagnent aux urgences, alors que celles-ci accueillent « entre 150 et 180 malades par jour », détaille le directeur.
Comme pour le covid, les plus à risque de formes graves sont les personnes âgées de plus de 65 ans et les personnes fragiles (immunodéprimées, diabétiques, atteintes de maladies respiratoires ou cardiovasculaires, etc.).
Tout porte à croire que, cette année encore, ces personnes fragiles se sont peu vaccinées, car les taux de vaccination contre la grippe sont en baisse constante, selon les données de Santé publique France. En 2023-2024, seules 47,7 % des personnes âgées de plus de 75 ans se sont vaccinées contre la grippe. En 2021-2022, ce taux était de 55,8 %.
Santé publique France rappelle les mesures de prévention à adopter : « le lavage des mains, l’aération des pièces et le port du masque en cas de symptômes (fièvre, mal de gorge ou toux), dans les lieux fréquentés et en présence de personnes fragiles ».
Caroline Coq-Chodorge