Les assurances sociales constituent un enjeu politique central depuis leur mise en place, car elles sont un reflet direct de l’évolution des rapports de force entre les employeurs et les salarié-e-s, tant dans la couverture des risques et la responsabilité individuelle ou collective des uns ou des autres, dans le rôle plus ou moins redistributeur de l’Etat dit social, dans la répartition des charges indiquant le niveau de solidarité sociale.Or depuis deux décennies, les prestations sont revues à la baisse quasiment dans chaque branche d’assurance, soit sous prétexte que la couverture financière n’est le plus souvent pas ou plus assurée, soit sous la pression de la logique réactionnaire des prétendus « abus ».
La dernière confrontation sur l’assurance invalidité en constitue la parfaite illustration. Rappelons que pour la première fois dans l’histoire des assurances sociales en Suisse une révision ne visait que la baisse des prestations : 30% de rentes en moins. Le financement par contre, après le refus de la droite des propositions du Conseil fédéral d’un relèvement du point TVA, reste introuvable.Un rapide survol du chantier actuel des assurances sociales est révélateur.
Dans le domaine de la prévoyance vieillesse, après le refus de la 11e révision de l’AVS par le peuple en 2004, le Département fédéral de l’Intérieur revient à la charge avec le projet d’élever l’âge de la retraite des femmes sous prétexte de l’uniformisation, révise le mécanisme d’adaptation des rentes en fonction du niveau du fonds. La 12e révision est amorcée avec le projet de relever l’âge de la retraite, d’en réviser la flexibilité, et de débattre du financement additionnel. L’adoption du message est prévue pour 2009. Le Conseil fédéral a par contre déjà décidé de rejeter l’initiative populaire « Pour un âge de l’AVS flexible » lancée par l’Union syndicale suisse, principalement sous prétexte de son coût trop élevé.
En matière de LPP, après la baisse du taux d’intérêt minimal à 2,5%, le projet de révision LPP vise à abaisser le taux de conversion à 6,4% pour 2011. La commission sociale du National a demandé un abaissement en six ans (2009-2014), projet refusé par le Conseil des Etats. Une réforme structurelle est déjà prévue concernant les mesures de surveillance, et les mesures destinées à favoriser la participation des travailleurs âgés au marché de l’emploi.
Dans le champ de l’assurance accident, une adaptation du plafond du montant maximal du gain assuré vient d’être augmenté à 126000 Frs, mais depuis janvier 2007 les assureurs privés n’ont plus à appliquer des primes communes, néo-libéralisme oblige. Ce pas vers la libéralisation de la LAA a bien sûr été salué par l’association faîtière, et diminue la solidarité au profit de la responsabilité individuelle, laquelle est d’ailleurs le plus souvent mise au compte de la faute de l’assuré et beaucoup plus rarement à charge de l’employeur ou de l’assureur. Un message sur la révision LAA est prévu pour le printemps 2008.
Dans le cadre de la révision des prestations complémentaires (PC), elle découle de la législation d’exécution de la RPT, avec une entrée en vigueur en 2008.Un projet de PC pour les familles à faible revenu est devant les chambres fédérales afin d’uniformiser les normes au plan fédéral. En matière d’allocations familiales, suite à l’acceptation de la LAFam, l’ordonnance d’application est encore en préparation pour une entrée en vigueur en 2009.
En matière d’assurance maladie, suite au refus de la caisse unique, une modification de l’ordonnance (OAMal) prévoit un contrôle spécial des prix des médicaments pour 2008 et précise les mesures en cas de retard de paiement de primes et suspension des prestations. L’enjeu principal concerne le financement des hôpitaux adopté par le Conseil des Etats en 2006 et adopté par le National en 2007 : introduction du libre choix de l’hôpital parmi ceux de la liste dans toute la Suisse (principe dit du Cassis de Dijon) et participation fixe des cantons aux coûts, 55% au minimum. Ce principe d’une mise en concurrence généralisée vise à mettre la pression sur les services publics afin qu’ils « rentabilisent » davantage leur prestations, avec les conséquences que l’on connaît déjà sur les conditions de travail du personnel.
Tout un programme ! C’est donc dans ce contexte que nous allons développer et défendre notre propre programme en matière d’assurances sociales, comme celui que nous avons déjà intégré dans le programme de campagne d’« A Gauche toute ! » pour les élections fédérales de cet automne.
Financement des hôpitaux : concurrence généralisée et régime minceur !
Ce « noyau dur » de la révision de la LAMal fait suite au projet du Conseil fédéral de 2004 de mettre en concurrence tous les hôpitaux : un financement des hôpitaux par des forfaits liés aux prestations avec mandats de prestations à charge des cantons, paritaire cantons/ assureurs en tenant compte des investissements, égalité de traitement entre secteur hospitalier privé et public inscrit sur une liste à charge des cantons, égalité de traitement pour tous les assurés avec ou sans complémentaires. Le financement ou la gestion « moniste » signifie un seul agent responsable, soit l’Etat, soit le privé, la préférence de la droite ne faisant aucun doute, à l’exception de quelques voix dissidentes, dont celle du Prof. Amsler, lequel plaide pour un financement démocratique via l’impôt public, plutôt que le pseudo « impôt hospitalier par tête » des assureurs maladie, et pour le maintien sous contrôle public du réseau hospitalier de base.
La Commission sécurité sociale et santé du Conseil des Etats propose un compromis : pour les « hôpitaux de liste », des forfaits liés au diagnostic médical, qui doivent s’aligner sur les hôpitaux fournissant des prestations de bonne qualité à des prix avantageux. Les hôpitaux « hors liste » / « conventionnés » ne reçoivent aucun financement cantonal mais peuvent accueillir des patients LAMal, selon les conventions avec les assureurs avec une contribution de base depuis l’assurance de base (aos). La part des cantons est plafonnée à 45% pour ceux où le niveau de prime est inférieur à la moyenne suisse, sinon les cantons doivent payer au moins 60%des forfaits. L’ensemble tient compte des frais d’investissement et des contributions cantonales aux prestations LAMal des hôpitaux de liste privés. Le Conseil national vient d’approuver ce principe, en renforçant encore la concurrence : les assurés doivent selon lui pouvoir choisir librement entre tous les hôpitaux de liste sur tout le territoire national.
Dans un document de mai 2007, les assureurs de santésuisse, dans la logique commerciale d’une concurrence « pure » entre les marchandises que constituent pour lui les prestations hospitalières, relèvent que le financement inégal des traitements stationnaires et ambulatoires, ainsi que le maintien de l’obligation de contracter empêchent d’exploiter au mieux le potentiel d’économie !
Avec le souhait exprimé clairement par les plus ultras de réduire l’offre de lits hospitaliers jusqu’à 30%, au nom d’une prétendue « suroffre hospitalière », le système de soins hospitaliers suisse va connaître des heures sombres dans l’accès inégal aux soins de qualité et la baisse des prestations en quantité et en qualité des hôpitaux publics si la population ne prend pas activement la défense de ses services publics.