Son père était comptable, sa mère était sa secrétaire ; il fut leur unique enfant. Lycéen à Elbeuf, étudiant en lettres à l’université de Rouen, il était, au contraire de ses parents, en sympathie avec les bouleversements qui ont marqué la période de 1968 mais ne fit que les accompagner à distance. Il entra dans l’enseignement comme professeur de français-histoire et géographie en collège et fut nommé à Louviers.
Très investi dans son travail, il consacrait beaucoup de temps à préparer ses cours afin d’y mettre en œuvre une pédagogie émancipatrice. Il fut longtemps directeur d’une colonie de vacances des Pupilles de l’enseignement public (PEP) de l’Eure dans laquelle il avait établi un mode de fonctionnement novateur et autogestionnaire : même paye pour les postes de direction et d’animation, rotation des tâches, petits-déjeuners échelonnés adaptés aux rythmes du sommeil des enfants, activités centrées sur l’extérieur et librement choisies ….
Avec la nouvelle municipalité issue des élections de 1977, Louviers reprit la route de l’autogestion abandonnée en 1969, quand la liste conduite par le Comité d’Action de Gauche (CAG) avait été battue. Des commissions extra-municipales ouvertes furent recréées pour « redonner le pouvoir aux citoyens ». « La Commune », journal municipal, s’ouvrit aux contributions. Lorsque le comité de locataires du quartier d’immeubles où habitait Gérard organisa un blocage des loyers, les militant.e.s de la LCR firent la connaissance de ce grand type au collier de barbe roux, handballeur et cycliste, amateur de danse et de musique rock. Sa réflexion écologiste l’avait amené au végétarisme. Il en parlait peu car il croyait à la valeur de l’exemple.
Le rapprochement s’opéra lorsqu’à la surprise générale, les dirigeants du CAG décidèrent de soutenir le radical de gauche François Loncle, parachuté par Mitterrand, à l’élection législative de 1978. Ce ralliement de fait au « Programme commun » et à l‘Union de la gauche PRG-PS-PCF fut ressenti comme une rupture avec la tradition autogestionnaire par une partie des membres du CAG. Autour du PSU, de ses deux adjoints et de la section de la LCR se constitua un large « Comité autogestionnaire » qui décida d’être présent à l’élection. Gérard Drumont accepta la place de suppléant. Avec un peu plus de 5%, le score fut jugé honorable. Dans la foulée, il adhéra à la Ligue. C’est par ce biais qu’il devint un militant syndical efficace et reconnu au SNI, membre du groupe départemental École Émancipée. Il n’en continuait pas moins d’être actif à la PEP et dans sa colo pour laquelle il recruta plusieurs jeunes LCR ou proches, qui en revenaient enthousiastes.
Gérard Drumont impressionnait par sa simplicité et sa détermination dans l’action. C’est ainsi qu’il s’engagea dans le « tournant ouvrier » de la LCR. À la rentrée 1981, il déménagea pour s’installer à Roubaix avec l’intention d’y faire une formation professionnelle avant de chercher un emploi dans l’industrie. « Repéré » au cours de son passage à l’AFPA, ses chances d’embauche furent compromises. Il resta cependant dans le Nord où il devint un pilier et une figure de la LCR, membre de la direction de ville de Roubaix, actif dans le travail antimilitariste et correspondant de la Commission nationale Armée, brigadiste au Nicaragua.
Il est mort en janvier 1987, asphyxié dans son sommeil par les émanations du poêle de la chambre qu’il louait.
Pierre Vandevoorde
Sources :
– Adrien Carré « L’extrême gauche et la transmission d’un héritage politique à Louviers » 2019 Mémoire M1 science politique Université de Lille 2 ;
– Gérard Martin « Pour un bilan du CAG et de la municipalité autogestionnaire » 2014 :
http://bulletindestravailleurs.over-blog.com/article-pour-un-bilan-du-cag-et-de-la-municipalite-autogestionnaire-de-louviers-122437223.html ;
– Christophe Wargny « Louviers : sur la route de l’autogestion ? » éditions Syros ;
– Rouge, février 1987 rubrique « Les nôtres » ;
– Notice du Maitron.