TOKYO CORRESPONDANT
La mise au point de Washington sur le caractère prématuré de l’annonce de Pyongyang sur la suppression de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) de la liste des pays soutenant le terrorisme a été accueillie avec soulagement à Tokyo.
Cette annonce est en effet intervenue à la veille de l’ouverture, mercredi 5 septembre à Oulan-Bator (Mongolie) des premiers pourparlers depuis six mois entre Pyongyang et Tokyo. Et elle avait pour but d’affaiblir la position japonaise sur le dossier des Japonais enlevés dans les années 1970-1980 par des agents de Pyongyang, principale question à l’ordre du jour. Cette affaire a isolé le Japon dans les négociations multilatérales avec la RPDC. Elle a pris, dans l’Archipel, une telle dimension émotionnelle qu’il est très difficile à Tokyo de justifier auprès de l’opinion une attitude soudainement plus conciliante vis-à-vis de Pyongyang.
Le jour où Washington retirera la Corée du Nord de la liste des pays soutenant le terrorisme, la position de Tokyo vis-à-vis de Pyongyang sera très affaiblie. Et depuis que cette concession américaine est à l’ordre du jour - à la suite de l’accord du 13 février sur la dénucléarisation de la RPDC -, le gouvernement de Shinzo Abe exhorte l’administration Bush à ne pas céder sur ce point.
La RPDC a libéré cinq personnes enlevées et affirme que les huit autres sont mortes. Pour Pyongyang, l’affaire est close. Tokyo exige des preuves convaincantes de ces décès et des éclaircissements sur le sort d’autres disparus.
Pour l’instant, Washington ménage son allié japonais. « Les Etats-Unis nous ont fait savoir qu’ils n’amélioreraient pas leurs relations avec la RPDC au détriment de l’alliance nippo-américaine », a déclaré le ministre des affaires étrangères, Nobutaka Machimura. Il n’en reste pas moins que les dirigeants japonais sont conscients des avancées des pourparlers entre Américains et Nord-Coréens.
On pense à Tokyo que la décision politique de Washington de rayer la RPDC de la liste des pays terroristes (sur laquelle elle figure depuis 1988 à la suite de l’attentat, en 1987, contre un avion de Korean Air qui a fait 115 victimes) est d’ores et déjà prise. C’est en effet une des demandes pressantes - et à terme incontournable - de Pyongyang pour faire avancer les pourparlers sur le nucléaire.
Lors des entretiens, en avril, entre Shinzo Abe et George Bush, ce dernier a déclaré « ne pas oublier la question des kidnappés japonais ». Mais la secrétaire d’Etat, Condoleezza Rice, a aussi précisé que la résolution de cette affaire n’est pas une précondition pour rayer la RPDC de la liste des Etats soutenant le terrorisme. C’est bien pour le rappeler aux Japonais que Pyongyang a fait cette annonce.