Ouvrier fraiseur au Laboratoire de Recherche et de Balistique Appliquée (LRBA) de Vernon, il a fait partie des premiers rappelés en Algérie en mai 1956. Voici son témoignage : « On a mis à sac notre caserne à Bruz près de Rennes, les officiers n’en menaient pas large et répétaient qu’ils n’étaient pour rien dans notre rappel, le train a mis 3 jours pour arriver à Marseille, il ne s’arrêtait plus dans les gares pour éviter les manifestations de solidarité, à l’arrivée dans le port d’Alger, on était 5000 à hurler « à mort Lacoste ! ». Il manquait un parti pour donner une perspective à tout ça. Alors les officiers nous ont isolés par petits groupes pour nous dresser. « Il en revint en avril 57, révolté par le colonialisme et disposé à s’engager pour l’indépendance. C’est ainsi qu’à 24 ans, gagné par son collègue Jack Houdet, il rejoignit au Parti Communiste Internationaliste cinq de ses camarades d’ateliers qui avaient adhéré ensemble, eux-mêmes convaincus par deux militants plus anciens, Roland Vacher et le vétéran Camille Januel.
La cellule de Vernon occupait tous les terrain. En 1959, il fut proposé à Louis Fontaine, qui accepta, de devenir le deuxième permanent du PCI mis au service du FLN pour imprimer tracts et faux papiers. Quand le local fut découvert par la police en 1960, il partit au Maroc où il fut l’un des organisateurs de l’usine d’armes clandestine montée par la IVe Internationale pour le FLN. Il fit ensuite partie des « Pieds rouges » à Alger, dont l’objectif était d’enraciner révolution en soutenant le gouvernement Ben Bella. Il choisit de suivre Michel Pablo dans sa rupture avec la IVe Internationale au sein de la Tendance marxiste-révolutionnaire internationale (TMRI).
En 1965, lors du coup d’Etat de Boumédiene, il quitta aussitôt son logement et échappa de justesse à la police en s’embarquant pour la France. Il vécut et milita à Paris jusqu’en 76, travaillant avec son camarade de la TMRI Gilbert Marquis dans une petite société « où on avait les coudées franches. En 68 par exemple, on a réussi à imprimer en douce pas mal de choses ». Des impératifs familiaux le contraignirent à quitter Paris pour le Var où il vécut d’abord de petits boulots, fit des dépannages sur l’autoroute puis devint facteur à Draguignan jusqu’à la retraite.
Pierre Vandevoorde
SOURCES
• Sylvain Pattieu « Les camarades des frères. Trotskistes et libertaires dans la guerre d’Algérie ». Syllepse, Paris, 2002
• Pierre Vandevoorde « 1950 et après : Trois décennies d’activités trotskystes à Vernon (Eure) et au Laboratoire de Recherches Balistiques et Aérodynamiques (LRBA) » 2015 http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article39874
• Entretien avec l’auteur le 28 janvier 2017
• Notice du Maitron.