Il était né le 27 juillet 1931 dans une famille modeste dans le centre de Saigon. Grâce à son père, il apprit très tôt le français. De sa jeunesse, souvent passée dans la rue avec une bande de gamins de son âge, il gardera toujours le sens de l’astuce et de l’initiative, qui lui permettront de faire beaucoup avec peu et avec une jovialité permanente. Hasard de l’histoire : sa maison était proche du journal La Lutte, animé par Ta Thu Thau, qui regroupait de manière légale les différentes composantes de la gauche vietnamienne, qu’elle se réclame de la IIIe internationale ou de l’Opposition de gauche, devant former plus tard la IVe internationale. Ce front unique le restera dans l’histoire, mais fut brisé en mai 1937 sur ordre de Moscou. Un de ses oncles participait à l’aventure de La Lutte.
Hôi et sa famille participèrent à la lutte pour l’indépendance. Son départ pour la France, en 1948, aurait été une manière de le mettre à l’abri tout autant que de lui faire poursuivre ses études. Arrivé en France, Hôi trouva sur place une communauté vietnamienne déjà bien établie : les ONS (ouvriers non spécialisés), dont vingt mille avaient été expédiés de force en 1939-1940 pour se battre contre les Allemands et attendaient toujours leur rapatriement. Le foyer qu’ils avaient créé était à la fois la cantine et le centre social des Vietnamiens de Paris.
C’est là qu’il fit la connaissance de ceux qui restèrent ses amis pour la vie, parmi eux : Hoang Khoa Khôi (Robert), Dang Van Long, Tran Van Sam, Nguyên van Liên, qu’il rejoignit au sein du Groupe trotskyste indochinois de la IVe internationale sous le pseudonyme de " camarade Hugues ». Le groupe comptait alors environ 450 cotisants dans toute la France soit presque le double de la section française d’alors. Hôi participa à la traduction de nombreux écrits théoriques, à la confection de multiples journaux…
En avril 1954 il devint le gérant de la société Typo-Lino Service, une imprimerie montée par la IVe Internationale qui devait apporter une précieuse aide au FLN durant la guerre d’Algérie. « Le jour, nous éditions des journaux et des brochures pour » la propagation de la Foi « , le soir, en heures supplémentaires, nous faisions des faux papiers pour les Algériens, nous imprimions des tracts ou des journaux, tout ce qu’il fallait pour leur lutte clandestine. Nous n’étions pas les seuls bien sûr, mais la police ne nous a jamais trouvés ! Mais nous n’avons jamais fait de fausse monnaie », racontait-il (1). » Il pouvait expliquer pendant des heures les mille et une astuces pour faire des faux papiers ! » (2)
En 1960, Hôi fait repartir son épouse et leur fille au Viêt Nam, liquide son imprimerie et s’apprête à rejoindre les siens. Mais le gouvernement du Sud Viêt Nam refuse de lui délivrer un visa et empêche sa famille de retourner en France. Hôi suit alors des cours du soir et décroche un poste chez IBM. Ce qui ne l’empêcha pas de participer activement à la lutte contre la guerre du Vietnam. Il fut l’un des premiers à dénoncer l’emploi de l’agent orange et participa à la création des « Enfants de la dioxine ». Lors de la sortie du film de Patrick Barberis (Barberis ?) Chronique du coq et du dragon, qui raconte le parcours de Hôi et de son ami Truong Công Tin, ses collègues américains d’IBM ont compris qu’il avait lutté contre » leur guerre » et lui reprochèrent de les avoir trahi. Il leur rétorqua, avec l’humour dont il était expert, qu’il n’avait fait que son devoir : défendre son pays !
Il avait créé « Vietnam Mémoires » afin que ne soit pas perdu et enfoui ce qu’avaient fait les Viêt Kiêu (3) de France et avait aidé l’équipe qui créa, en 2003, la revue Les Carnets du Viêt Nam. Il a aussi participé à Inprecor sous le pseudonyme de »Tuan ».
J’en parle avec émotion, car ayant été très impliqué dans la lutte contre la guerre du Vietnam, j’ai appartenu pendant plusieurs années à la cellule du groupe trotskiste vietnamien dont j’étais le seul Français et le plus jeune.
Je n’oublierai jamais la gentillesse de Hôi, son exactitude, son sens de l’humour et la façon avec laquelle il menait ce qu’il considérait comme le combat de sa vie.
Adieu Hôi, tu nous manques ! ■
Jean-Michel Krivine
notes
1. Cité par Dominique Foulon, Les Carnets du Viêt Nam
2. Dominique Foulon, ibid.
3. Les Vietnamiens vivant à l’étranger.