Le Sud et le Nord Kivu font face à l’offensive du Mouvement du 23 mars (M23). Cette rébellion ne cesse d’augmenter sa zone d’influence et est actuellement en capacité de bloquer la capitale régionale Goma, peuplée d’environ deux millions d’habitantEs.
L’intervention du Rwanda
Issu d’un ancien groupe rebelle, le M23, depuis son alliance avec l’homme politique congolais Corneille Nangaa, se donne pour but de rénover l’État congolais. Il agit surtout comme le cheval de Troie du Rwanda.
Crédit Photo. Corneille Nangaa - Wikimedia Commons
Si pendant plusieurs mois, Kigali a dénié tout soutien à cette milice, désormais le président Paul Kagamé assume cette intervention militaire en RDC (République démocratique du Congo). Difficile de faire autrement au vu du nombre de soldats des Rwanda Defence Force (RDF) présents sur le territoire congolais. En effet, ils sont estimés à plus de trois mille, avec un armement lourd et sophistiqué. Officiellement cette intervention vise à éliminer le Front démocratique de libération du Rwanda (FDLR). Cette milice, originellement composée de Hutu génocidaires réfugiés en RDC dans le cadre de l’opération militaire française Turquoise, est perçue comme une menace par le Rwanda. Dans la réalité, l’invasion est un bon moyen pour l’élite rwandaise de piller les richesses minérales de la région.
Incurie gouvernementale
Le gouvernement Tshisekedi de la RDC est dans l’incapacité de défendre l’intégrité du territoire du fait des profondes lacunes des Forces armées de RDC (FARDC). Cette structure est une sorte de mille-feuilles composée d’anciens miliciens qui, au fur et à mesure des conflits et des accords de paix, ont bénéficié d’une intégration dans l’armée, sans recevoir de formation et très peu de matériel. Cela s’explique par une gabegie et un niveau élevé de corruption au sein de la hiérarchie militaire. Les sommes allouées à l’armement sont détournées ; l’essence et parfois le matériel sont revendus ; les soldes, quand elles sont perçues, restent misérables. Ainsi, le M23 n’est guère inquiété par les FARDC.
Le pouvoir congolais a pris plusieurs mesures. En externe, il a exhorté en vain que la force onusienne, la MONUSCO, puisse jouer un rôle offensif contre le M23. Il a fait appel aux forces de l’Afrique du Sud qui a déployé 2 900 hommes sans grand résultat.
Devant une telle situation, Tshisekedi a menacé de la peine de mort les soldats des FARDC qui fuiraient les combats. Il a aussi développé une rhétorique nationaliste avec des risques de stigmatisation de la communauté Banyamulenge, tutsi congolais, soupçonnée d’être favorable au Rwanda. Le gouvernement bénéficie d’un quasi-consensus contre l’agression rwandaise, ce qui est évidemment très pratique pour se dédouaner de ses propres responsabilités.
Le règne de milices
Les autorités de RDC s’appuient sur une partie des multiples milices qui sévissent dans la région est du pays, en premier lieu les FLDR. Ces groupes armés se présentent tous comme des wazalendo, des « patriotes » en kiswahili. Ce qui permet de légitimer leur existence et de bénéficier de l’impunité pour les nombreuses violations des droits humains. Le gouvernement a tenté de formaliser ces alliances en créant les Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP), assurant à ses membres de pouvoir intégrer par la suite une hypothétique réserve armée de la défense de la RDC.
Sur le terrain, la différence entre VDP et wazalendo est inexistante. Si ces derniers ont réussi à freiner l’avancée du M23, leur utilisation est dénoncée par les défenseurs des droits humains. La plupart de leurs dirigeants sont sous le coup d’accusation de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité. Des profondes dissentions, voire compétitions existent pour le contrôle des territoires et l’accès aux ressources. Elles se résument le plus souvent à un racket sur les populations qui n’ont plus d’autres solutions que de fuir pour survivre en s’entassant dans des camps de réfugiéEs. Plus d’une centaine de ces camps sont recensés autour de Goma.
Paul Martial