Des données stockées par AWS ont parfois été utilisées pour déclencher des frappes, tuant ou blessant des civils. | Eyad Baba / AFP
Repéré sur +972 Magazine
Des données de renseignement collectées en masse à Gaza sont stockées par l’armée israélienne chez Amazon Web Services (AWS), le cloud d’Amazon, dévoile une enquête du média israélien indépendant +972 Magazine. Mais le géant du e-commerce n’est pas le seul à collaborer avec Tsahal : Microsoft et Google sont également de la partie, via leurs services de cloud et leurs outils d’intelligence artificielle.
« Selon trois sources du renseignement [israélien], la coopération de l’armée avec AWS est particulièrement étroite : le géant du cloud fournit à la direction du renseignement militaire israélien une ferme de serveurs qui est utilisée pour stocker des masses de données de renseignement qui aident l’armée dans la guerre », détaille +972 Magazine.
En effet, les quantités de données (notamment des milliards de fichiers audio) collectées par l’armée israélienne à Gaza sont telles qu’elles nécessitent l’espace « illimité » proposé par AWS pour pouvoir les stocker. Selon un témoignage, les militaires ayant besoin d’accéder aux données travaillent avec deux écrans, un branché sur leur propre base de données et un sur AWS. Ces données ont parfois été utilisées pour déclencher des frappes, tuant ou blessant des civils.
En 2021, le gouvernement israélien a signé un contrat avec Amazon et Google baptisé Projet Nimbus, afin de faciliter le transfert des données de ses administrations vers le cloud des deux entreprises –dont certains salariés ont protesté, voire démissionné dans la foulée. L’enquête de +972 Magazine dévoile que, depuis octobre 2023 et le début de l’offensive à Gaza, des unités de l’armée israélienne stockent des données classifiées chez Amazon et Google dans le cadre du Projet Nimbus, ainsi que chez Microsoft.
Transcription automatique et reconnaissance faciale
Pendant longtemps, Microsoft, via son service Azure, a en effet été le principal fournisseur cloud de Tsahal, jusqu’à ce qu’Amazon propose un meilleur prix. Alors que l’armée israélienne devait précédemment effacer les anciennes données de ses serveurs au fur et à mesure, elle peut désormais tout conserver, et agréger toutes ces informations pour (notamment) choisir les cibles de ses bombardements. Microsoft a également proposé à l’armée israélienne ses outils de reconnaissance faciale.
« Un autre avantage majeur [des] géants du cloud réside dans leurs capacités d’intelligence artificielle et dans les fermes de serveurs GPU qui les prennent en charge », poursuit le média. Amazon, Google et Microsoft proposent notamment de la transcription automatique des fichiers audio en texte, ce qui permet de libérer l’armée israélienne de cette tâche. Rappelons que Tsahal utilise l’IA pour déclencher des frappes très meurtrières, comme déjà dévoilé par +972 Magazine.
Amazon héberge déjà des données classifiées pour les services de renseignement britanniques et australiens ainsi que le Pentagone. Avec Google et Amazon, elle est aussi candidate au projet Sirius, un cloud extrêmement sécurisé destiné au ministère israélien de la défense, qui devrait accueillir des données encore plus sensibles.
Camille Lemaître