Pour tenter de mettre fin à la première contestation d’importance auquel il fait face depuis son installation en janvier sous le régime de l’état d’urgence, le gouvernement du Bangladesh a imposé, mercredi 22 août, un couvre-feu illimité dans les six plus grandes villes du pays (Rajshahi et Sylhet dans le Nord, et Chittagong, Barisal et Khulna dans le Sud) dont la capitale.
Peu avant 20 heures, les rues de Dacca se sont vidées et la police a appelé par haut-parleur la population à rester chez elle. Le service des téléphones portables a été suspendu.
Les étudiants à l’origine des violentes manifestations qui se déroulent depuis lundi ont été priés d’évacuer le campus de l’université de Dacca avant l’entrée en vigueur du couvre-feu. Toutes les universités et établissements d’enseignement supérieur ont été fermés dans les villes concernées.
« FORCES DIABOLIQUES »
Peu avant l’imposition de cette mesure d’exception, une personne a été tuée à Dacca lors d’un affrontement entre forces de l’ordre et étudiants. Ceux-ci ont lancé des pierres sur la police qui a répondu par des tirs de gaz lacrymogène. Environ 150 personnes, manifestants et policiers, ont été blessées dans les heurts qui ont démarré lundi à Dacca, à la suite d’une dispute entre soldats installés sur le campus et étudiants à propos d’un match de football.
Le gouvernement a, mardi, donné l’ordre à l’armée de se retirer du campus et a promis une enquête. Ce qui n’a pas suffi à calmer les étudiants qui, mercredi, ont demandé le retour à la démocratie et la fin de l’état d’urgence.
Dans une brève adresse télévisée à la nation, le chef du gouvernement intérimaire, Fakhruddin Ahmed, a, mercredi soir, justifié l’imposition du couvre-feu – « mesure temporaire qui sera abolie dès que la situation s’améliore » – par la nécessité de « protéger la vie publique, les biens et arrêter les activités illégales ».
M. Ahmed a aussi accusé « des forces diaboliques et opportunistes d’utiliser les incidents à l’université pour créer l’anarchie dans différentes parties du pays y compris Dacca ».
La violence et l’ampleur de la crise illustre les frustrations grandissantes des Bangladais devant un gouvernement dont la seule tâche aurait dû être l’organisation des élections, mais qui en fait a supprimé les libertés publiques, procédé à un grand nombre d’arrestations et ne paraît pas pressé de revenir au processus démocratique puisque les élections ne devraient pas se tenir avant fin 2008.
Les généraux qui, en coulisse, soutiennent le gouvernement, paraissent divisés sur la manière de régler la crise. Certains prêchent la manière forte – imposition de la loi martiale – d’autres préfèrent la retenue.
Dans un premier temps et alors que les deux ex-premiers ministres sont maintenus hors du circuit – cheikh Hasina Wajed de la ligue Awami est en liberté sous caution, et Khaleda Zia du Parti national du Bangladesh (BNP) est en quasi-résidence surveillée – tout dépendra de la capacité des autorités à ramener le calme.
Le gouvernement ne pourrait avoir d’autre choix que de précipiter les élections pour rendre le pouvoir aux partis politiques ou s’engager dans un nouveau coup de force qui serait sans doute mal reçu par les bailleurs de fonds du pays.
* LE MONDE | 23.08.07 | 09h57.
L’armée bangladaise évacue le campus de Dacca après des affrontements
ISLAMABAD CORRESPONDANTE EN ASIE DU SUD
Après deux jours d’affrontements entre soldats et policiers d’un côté, et étudiants de l’autre, le gouvernement de Dacca a ordonné à l’armée bangladaise, mardi 21 août, d’évacuer le campus de l’université. Le gouvernement, soutenu en coulisses par l’armée, a aussi exprimé son regret pour les incidents violents et ordonné une enquête pour déterminer les responsabilités. Dans un communiqué séparé, l’armée a aussi annoncé qu’elle avait ouvert une enquête et qu’elle agirait contre les soldats impliqués. Le chef d’état-major s’est rendu lui-même sur le campus pour s’entretenir avec les étudiants.
Les incidents avaient démarré lundi après, semble-t-il, une dispute entre soldats et étudiants à propos d’un match de football. Ils s’étaient poursuivis mardi, après que l’armée, installée sur le campus de l’université de Dacca depuis l’instauration de l’état d’urgence en janvier, eut tenté de briser une manifestation de 500 étudiants qui réclamaient son départ.
L’agitation s’était alors brusquement étendue aux autres facultés et, en dépit de l’interdiction de tout rassemblement et manifestations, les étudiants s’étaient répandus dans les rues de Dacca où ils avaient affronté la police qui utilisait du gaz lacrymogène et des canons à eau.
L’armée, déjà confrontée aux conséquences dramatiques des inondations qui ont touché plus de la moitié du pays, a, semble-t-il, choisi l’apaisement vis-à-vis d’une communauté estudiantine d’environ 30 000 membres à Dacca, et dont la mobilisation politique est forte. Le Bangladesh est gouverné, depuis l’instauration de l’état d’urgence et l’annulation des élections législatives le 11 janvier, par un gouvernement intérimaire très encadré par l’armée.
Ce gouvernement, dont la tâche principale aurait dû être l’organisation des élections, s’est lancé dans une série de réformes qu’il juge nécessaire avant de restaurer la vie démocratique. En attendant, il a arrêté pour corruption des centaines de responsables politiques et hommes d’affaires, et il a sérieusement restreint les libertés publiques. D’abord plutôt bien accepté, ce gouvernement inquiète de plus en plus tous ceux qui estiment qu’il menace l’expérience démocratique, certes très chaotique mais réelle, du Bangladesh.
Seules les pressions internationales l’ont contraint à annoncer une date - fin 2008 - pour des élections législatives qui auraient dû se tenir au mois de janvier de cette année.
* Article paru dans le Monde, édition du 23.08.07. LE MONDE | 22.08.07 | 15h01 • Mis à jour le 22.08.07 | 15h01.
Une vague d’arrestations vise l’opposition au Bangladesh
Le gouvernement intérimaire du Bangladesh a accéléré, lundi 16 juillet, sa campagne nationale contre la corruption dans la classe politique, arrêtant Sheikh Hasina Wajed, figure de l’opposition, et convoquant une autre ancienne premier ministre, Khaleda Zia. Au total, plus de 170 personnalités politiques ont été arrêtées.
Mme Sheikh Hasina, premier ministre de 1996 à 2001, a été arrêtée à l’aube à son domicile de la capitale, Dacca, avant de comparaître devant la justice et d’être placée en détention provisoire dans l’attente des conclusions d’une enquête policière. Deux cents partisans de cette responsable de la Ligue Awami, l’un des deux principaux partis politiques, l’ont escortée sur le chemin de la prison, a indiqué un responsable policier. « Nous avons tiré des balles en caoutchouc et des grenades lacrymogènes ... et nous avons procédé à plusieurs interpellations », a-t-il ajouté.
La justice a convoqué quelques heures plus tard Khaleda Zia et dix autres personnes pour défaut de paiement d’impôts sur une société que détient l’ancienne chef du gouvernement. Elle doit comparaître devant la justice le 26 août, a indiqué son avocat.
« UNE CONSPIRATION CONTRE LA DÉMOCRATIE »
Mmes Zia et Hasina sont deux rivales qui monopolisent depuis quinze ans le système politique bangladais, se succédant comme premier ministre et opposante. Mme Zia, présidente du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), a dirigé le Bangladesh de 2001 à octobre 2006, succédant à Mme Hasina. Khaleda Zia est la veuve d’un président assassiné en 1981, Ziaur Rahman, et Mme Hasina est la fille du premier président du Bangladesh, Sheikh Mujibur Rahman, tué en 1975. Le gouvernement intérimaire, soutenu par l’armée, a lancé cette campagne de répression dans les milieux politiques en prévision des élections prévues à la fin de 2008. Les nouvelles autorités sont installées à Dacca depuis janvier à la suite de violentes manifestations, menées par des partisans de Sheikh Hasina et de Khaleda Zia, qui avaient contraint à l’annulation d’élections.
Le gouvernement avait tenté au printemps de contraindre Mme Zia à l’exil, tout en empêchant Mme Hasina de rentrer au pays après un voyage à Londres. Ces deux projets avaient échoué.
Le fils de Sheikh Hasina, Sajid Wajed Joy, a dénoncé sur une télévision privée « une conspiration contre la démocratie ». « Nous devons nous battre, comme nous l’avons fait en 1971, contre ce gouvernement afin de la libérer et d’établir la démocratie dans ce pays », a-t-il dit en référence au combat pour l’indépendance du Bangladesh.
LEMONDE.FR avec AFP | 16.07.07 | 12h49 • Mis à jour le 22.08.07 | 15h00.