Nawaf Salam préside la CIJ, lors de sa séance du 19 juillet.
En présentant les conclusions de la Cour, le président de la CIJ, Nawaf Salam, a déclaré qu’Israël devait réparer les dommages causés aux Palestiniens par son occupation, ajoutant que le Conseil de sécurité des Nations unies, l’Assemblée générale et tous les Etats avaient l’obligation de ne pas reconnaître l’occupation israélienne comme légale.
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« L’utilisation abusive persistante de sa position en tant que puissance occupante à laquelle Israël se livre en annexant le Territoire palestinien occupé et en imposant un contrôle permanent sur celui-ci, ainsi qu’en privant de manière continue le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination, viole des principes fondamentaux du droit international et rend illicite la présence d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, a déclaré Nawaf Salam en lisant les conclusions du panel de 15 juges.
Il a ajouté que les politiques et les pratiques d’Israël en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est équivalaient à l’annexion de grandes parties de ces territoires et que la Cour estimait qu’Israël pratiquait une discrimination systématique à l’encontre des Palestiniens dans le territoire occupé.
« Plusieurs participants ont avancé que les politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé étaient constitutives de ségrégation ou d’apartheid, en violation de l’article 3 de la CIEDR [Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale] », a-t-il déclaré.
L’article 3 de la CIEDR stipule ce qui suit : « L’article 3 de la CIEDR énonce ce qui suit : “Les Etats parties condamnent spécialement la ségrégation raciale et l’apartheid et s’engagent à prévenir, à interdire et à éliminer sur les territoires relevant de leur juridiction toutes les pratiques de cette nature.” Cette disposition renvoie à deux formes particulièrement graves de discrimination raciale, la ségrégation raciale et l’apartheid », a-t-il souligné [2].
« La Cour observe que les politiques et pratiques appliquées par Israël en Cisjordanie et à Jérusalem-Est opèrent une séparation entre la population palestinienne et les colons qu’il transfère vers le territoire. »
La décision de vendredi fait suite à une demande formulée en décembre 2022 par l’Assemblée générale des Nations unies pour que la Cour donne son avis sur les politiques et les pratiques d’Israël à l’égard des Palestiniens et sur le statut juridique de l’occupation des terres palestiniennes, qui dure depuis 57 ans.
Elle a notamment déclaré que le « transfert par Israël de colons » dans les territoires occupés était contraire à la Convention de Genève, ajoutant que : « En privant, depuis des décennies, le peuple palestinien de la jouissance des ressources naturelles présentes dans le Territoire palestinien occupé, Israël a fait obstacle à l’exercice par celui-ci de son droit à l’autodétermination. » [3]
L’avis consultatif n’a pas de force contraignante, mais il est doté d’une autorité juridique et morale considérable et pourrait accroître la pression exercée sur Israël en raison de son assaut contre Gaza.
Nawaf Salam a déclaré, en référence aux objections soulevées contre la Cour, qu’il n’y avait pas de « raisons décisives devant conduire la Cour à refuser de donner l’avis demandé par l’Assemblée générale » [4].
Le ministère israélien des Affaires étrangères [Israël Katz] a rejeté l’avis en le qualifiant de « fondamentalement erroné » et « détaché de la réalité » [5].
Dans le même temps, le ministre israélien de la Sécurité nationale (extrême droite), Itamar Ben Gvir, a dénoncé la Cour comme étant « antisémite » [sic] et a réitéré ses appels à l’annexion de la Cisjordanie [6].
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Le porte-parole du ministère britannique des Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement a déclaré à Middle East Eye que le ministre des Affaires étrangères David Lammy [du gouvernement de Keir Starmer], qui s’est récemment rendu en Israël et dans les territoires occupés, avait clairement indiqué que le Royaume-Uni était fermement opposé à l’expansion des colonies illégales et à la montée de la violence des colons.
« Ce gouvernement s’est engagé en faveur d’une solution négociée à deux Etats, qui permettrait de créer un Etat d’Israël sûr et sécurisé aux côtés d’un Etat palestinien viable et souverain », a ajouté le porte-parole.
Ayoub Khan, député indépendant de la circonscription Birmingham Perry Barr au Royaume-UNI, a déclaré à MEE que le gouvernement britannique devrait respecter les conclusions de la CIJ et « exercer des pressions pour obtenir des sanctions si Israël ne respecte pas l’Etat de droit international ».
Adnan Hussain, député indépendant de la ciconscription Blackburn, a déclaré que l’avis consultatif de la CIJ constituait un « moment historique pour la justice internationale et confirmait ce que les Palestiniens, des juristes et la communauté des droits de l’homme disaient depuis le début ». Il a appelé les gouvernements du monde entier, y compris le Royaume-Uni, à se désinvestir des « échanges commerciaux avec les territoires occupés considérés comme illégaux au regard du droit international ».
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En février, la Cour a entendu les arguments de 52 pays et de trois organisations internationales, soit plus que dans toute autre affaire depuis la création de la CIJ en 1945. La grande majorité d’entre eux ont fait valoir que l’occupation était illégale et ont exhorté la Cour à la déclarer comme telle.
Ce développement coïncide avec une affaire distincte portée par l’Afrique du Sud devant la CIJ, accusant Israël d’avoir commis un génocide dans l’enclave.
En janvier 2024, la CIJ a ordonné à Israël d’empêcher les actes de génocide contre les Palestiniens de Gaza, d’autoriser l’entrée de l’aide humanitaire et de conserver les preuves des violations. [Saisis par Pretoria, les juges de la CIJ ont établi, le 26 janvier, qu’il existe un risque plausible que les droits des Palestiniens à être protégés du crime de génocide soient violés. – réd.] Néanmoins, les organisations humanitaires ont critiqué à plusieurs reprises les restrictions imposées par Israël en matière d’aide, alors que la famine menace la région.
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Depuis la guerre de 1967, Israël occupe ce qui est reconnu par le droit international comme étant des terres palestiniennes. Jérusalem, la Cisjordanie et Gaza entrent dans cette catégorie, et les systèmes juridiques distincts, la construction de colonies et les actes de violence perpétrés contre des résidents palestiniens sont autant de facteurs clés qui seront pris en compte lors des auditions à venir.
C’est le deuxième avis consultatif rendu par la CIJ depuis 2004, année où elle avait émis un avis historique sur la légalité de la construction par Israël d’un mur en Palestine occupée. La Cour avait alors décidé que ce mur, souvent qualifié de « mur de l’apartheid » par les Palestiniens et les groupes de défense des droits humains, était illégal et devait être détruit.
Katherine Hearst et Imran Mulla