Quelques jours après la fin de la transition officielle qui devait avoir lieu le 26 mars 2024, les colonels qui ont pris le pouvoir ont organisé un dialogue inter-malien. Une façon pour eux de combler le vide institutionnel et surtout de reprendre l’initiative tandis que le pays s’enfonce dans une profonde crise.
Répression à tout-va
Ce dialogue inter-malien qui vient de rendre ses 300 propositions s’est déroulé dans un pays en butte à la répression. Plusieurs organisations de la société civile ont été interdites comme l’Association des élèves et étudiants du Mali qui, en 1992, a joué un rôle de premier plan dans la chute de la dictature de Moussa Traoré. La Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’Imam Mahmoud Dicko est elle aussi bannie, tout comme l’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance, une organisation de la société civile. Les activités des partis politiques sont suspendues, et certains sont interdits comme Kaoural Renouveau. Les opposantEs sont soit en exil comme Oumar Mariko, soit embastillés le dernier en date étant l’économiste Étienne Fakaba Sissoko. Pour avoir écrit un livre critique, il est condamné à deux ans de prison dont un ferme.
Les médias sont sous pression comme l’indiquait une dirigeante d’Amnesty International qui parle d’une « culture de l’autocensure qui se met en place ». Mais cette répression est loin de faire l’unanimité, y compris dans les institutions de l’État. Ainsi, les autorités de transition ont été déboutées dans leur tentative de dissoudre le parti de la gauche radicale SADI.
La guerre s’enlise
Le durcissement de la répression s’explique par les déconvenues de la junte sur le terrain sécuritaire. En dénonçant les accords de paix d’Alger (2015) qui, s’ils n’étaient pas parfaits, avaient au moins le mérite de pacifier les relations entre groupes armés touarègues et forces armées maliennes et en reprenant par la force la ville de Kidal contrôlée par les rebelles touarègues, la Junte n’a fait que radicaliser ces groupes qui désormais ont scellé une alliance de non-agression avec les groupes djihadistes liés à Al-Qaïda.
Sur le terrain la situation s’aggrave comme le note un expert de l’ONU avec une : « dégradation rapide et continue de la sécurité dans presque toutes les régions du Mali » qui « semblent échapper au contrôle des autorités maliennes ».
Une exigence de paix
Alors bien évidemment les participants au dialogue triés sur le volet ont fait des propositions qui ne pouvaient que contenter la junte. Prolonger de deux à cinq ans la période de transition. Autoriser le président de la transition Assimi Goïta à se présenter aux élections présidentielles, bien qu’aucune date ne soit fixée pour cette échéance. Restreindre fortement le nombre de partis politiques. Et cerise sur le gâteau, le passage au grade de général pour les cinq colonels putschistes. Le dialogue inter-malien a donc rempli son rôle de faire-valoir du pouvoir de la junte et de son président Assimi Goïta.
Assimi Goïta, actuel président malien. Crédit Photo. Wikimedia commons
Dans le cadre pourtant bien contrôlé du dialogue inter-malien, des propositions dissonantes ont surgi, notamment autour de l’exigence d’ouverture de pourparlers de paix. Ces requêtes étaient déjà apparues en 2017 lors de la Conférence d’Entente nationale. À l’époque la France, avec Barkhane, s’y était refusée. Aujourd’hui c’est la junte qui s’y oppose. Elle préfère mener une guerre à outrance aux conséquences désastreuses. L’Unicef estime que 7,1 millions de personnes dont plus de la moitié d’enfants ont besoin d’une assistance humanitaire. Chaque semaine, des civilEs meurent pris en étau entre les groupes armés et les forces maliennes et leurs supplétifs de Wagner. La paix reste la première revendication des populations. Un défi à relever pour les partis, organisations et syndicats du Mali.
Paul Martial