Le procureur de la Cour Pénale Internationale, Karim Khan, a déposé ce lundi 20 mai une requête demandant des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le ministre de la Défense Yoav Gallant pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. La requête du Procureur vise également trois responsables du Hamas.
Le procureur général reproche aux responsables israéliens d’être responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, incluant le fait d’affamer délibérément des civils, l’extermination intentionnelle des civils et des homicides volontaires.
« Nous affirmons que les crimes contre l’humanité visés dans les requêtes s’inscrivaient dans le prolongement d’une attaque généralisée et systématique dirigée contre la population civile palestinienne. D’après nos constatations, certains de ces crimes continuent d’être commis », a déclaré M. Karim Khan dans un communiqué du 20 mai 2024. L’équipe juridique du Procureur à l’origine de la requête était composée de l’avocate libano-britannique Amal Clooney, l’avocat britannique Adrian Fulford et l’avocat et juge israélo-américain Theodor Méron. Ces juristes font par ailleurs partie du groupe d’experts en droit international signataires de la tribune du 20 main dernier intitulée « Pourquoi nous soutenons les poursuites de la CPI pour les crimes commis en Israël et à Gaza ».
Le communiqué ne mentionne cependant pas le contexte colonial d’occupation dans lequel ces actes se produisent, ni la torture psychologique et physique des prisonniers politiques palestiniens, et ne parle pas explicitement du génocide en cours à Gaza ; bien que le dossier analysant la situation en Palestine – suivi par de nombreux experts en droit international – et recensant toutes les infractions au droit international sur le territoire, soit ouvert à la CPI depuis 2009.
Concernant les dirigeants du Hamas, les mandats d’arrêt visent également à la fois des crimes de guerre (y compris le viol et la prise d’otages) et des crimes contre l’humanité (y compris le meurtre, la torture et l’extermination). Trois dirigeants du Hamas sont concernés par cette requête : Ismaïl Haniyeh, le chef du bureau politique du Hamas, Mohammed Deif, le commandant des Brigades Ezzedine Al-Qassam, et Yahya Sinouar, le chef du Hamas dans la bande de Gaza. Les accusations portées contre les dirigeants de l’organisation palestinienne incluent « l’extermination », « le viol et d’autres formes de violence sexuelle », « la prise d’otages en tant que crime de guerre » et « le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que crime de guerre ».
Une limite à cette requête est que les membres de la Cour Pénale Internationale sont les signataires du Traité de Rome, Traité qui n’a pas été signé par Israël et les États-Unis. En revanche, les pays signataires du Traité de Rome, dont la France, seront – si la requête du Procureur est validée par la Cour – dans l’obligation d’arrêter les personnes visées par ces mandats.
La Cour, précisément la Chambre préliminaire, jugera ensuite si les conditions de cette requête sont remplies. Cette chambre préliminaire est composée des juges Iulia Motoc, Reine Alapini Gansou et Socorro Flores Liera. Il est possible que les juges décident de délivrer un mandat d’arrêt qui ne contienne pas toutes les charges dont le procureur a fait la demande, et qui ne vise pas toutes les personnes pour lesquelles le procureur a fait la demande.
Si les juges sont convaincus qu’il existe des motifs raisonnables de croire que ces crimes ont été commis, les mandats d’arrêt seront confirmés, suivant l’article 58 du Statut de Rome. Le temps dont les juges auront besoin peut varier : dans le cas du mandat d’arrêt du 17 mars 2023 visant Vladimir Poutine pour la déportation d’enfants de zones occupées d’Ukraine vers la Fédération de Russie, il a été inférieur à un mois ; mais selon l’ampleur des recherches de fonds à effectuer afin de déterminer si oui ou non les personnes visées par cette requête sont coupables de ce dont le Procureur les accuse, il peut également s’agir de mois.
Le ministre israélien des Affaires étrangères, Israël Katz, a dénoncé une « décision scandaleuse » et « un déshonneur historique » pour la CPI. Le Premier Ministre Netanyahu, visé par la requête, poursuit en affirmant qu’aucun forum international n’affectera les actions d’Israël à Gaza et que cette décision « jettera une marque de honte éternelle sur la Cour internationale ».
Le président américain Joe Biden, dans le sillon israélien, a lui aussi condamné la demande du procureur : « Je vais être clair : quoi qu’insinue le procureur, il n’y a pas d’équivalence entre Israël et le Hamas, il n’y en a aucune. Nous nous tiendrons toujours aux côtés d’Israël contre les menaces à sa sécurité ». Déjà début mai, le Congrès états-uniens avait menacé la Cour Pénale Internationale de « représailles » en cas de mandat d’arrêt à l’encontre de Netanyahou. En effet, les États-Unis et Israël avaient qualifié les actions – encore potentielles à ce moment là – du Procureur de « sans foi ni loi », de « honteuses » et tout mandat éventuel d’« agression scandaleuse » et d’« abomination ». Ce à quoi les experts de la CPI avaient répondu : « Il est choquant de voir des pays qui se considèrent comme les champions de l’État de droit tenter d’intimider un tribunal international indépendant et impartial pour empêcher l’obligation de rendre des comptes. »
Dans un communiqué du ministère des affaires étrangères français en date du 20 mai 2024, on peut lire : « La France soutient la Cour pénale internationale, son indépendance, et la lutte contre l’impunité dans toutes les situations. »
Au 228e jour de l’assaut génocidaire sur Gaza, Israël a tué plus de 35 303 Palestiniens, dont au moins 14 500 enfants.
Agence Média Palestine